La privatisation de l’infrastructure et des services publics par l’entremise de « partenariats » public-privé (ou PPP) reçoit l’appui des entreprises, des lobbyistes, des conseillers en investissement et même de certains gouvernements canadiens.

Un PPP, c’est une privatisation, point à la ligne. Or, il existe de nombreuses raisons qui font que le mode public convient mieux à la construction et à l’entretien d’établissements de soins de longue durée, d’hôpitaux, d’installations de traitement de l’eau potable et des eaux usées, d’écoles, de réseaux de transport en commun, de routes, de ponts et d’autres actifs vitaux.

Les PPP coûtent plus cher que les projets publics

Un PPP, c’est comme financer la construction d’installations publiques avec une carte de crédit au lieu d’un prêt hypothécaire à faible coût. Le PPP est plus coûteux qu’un projet financé et géré par l’État, parce qu’un gouvernement ou un autre organisme du secteur public peut emprunter de l’argent à un taux d’intérêt beaucoup moins élevé que le secteur privé.

Ce coût du financement explique en partie le prix élevé d’un PPP, mais il y a aussi les frais de transaction. Ces frais comprennent les honoraires des avocats et des consultants impliqués dans la conclusion du PPP (un contrat beaucoup plus complexe que les marchés publics pour la conception et la construction d’infrastructures), ainsi que les frais de suivi et d’application d’un contrat qui s’échelonne sur des dizaines d’années.

Un PPP transfère ces coûts aux générations futures tout en limitant les options des gouvernements futurs. Les générations futures, qui n’ont pas eu leur mot à dire dans les décisions, finissent, des décennies plus tard, par payer les coûts supplémentaires de la privatisation, ce qui laisse moins d’argent pour les services publics et les autres priorités de la communauté.

Les vérificateurs n’acceptent pas la justification financière des PPP

En général, on justifie un PPP par des rapports secrets de consultants privés qui attribuent une valeur monétaire aux risques supposément repris par le secteur privé du secteur public. Les consultants présentent la valeur monétaire du risque transféré comme étant plus élevée que le coût de la privatisation, rendant le PPP rentable. Mais ces chiffres ne résistent pas à un examen minutieux.  

Les vérificateurs généraux fédéraux et provinciaux (et d’autres experts indépendants) ont qualifié ces calculs de biaisés et de partiaux. La vérificatrice générale de l’Ontario a constaté que chaque PPP provincial était justifié par des prétentions de transfert de risque. Mais elle n’a trouvé aucune preuve pour étayer les calculs attribuant une valeur monétaire aux entreprises prenant des risques. L’ensemble du secteur des PPP repose sur ce modèle vicié; les décisions cruciales sont prises à partir d’opinions non fondées, plutôt qu’en se basant sur des faits.

Un PPP peut échouer

Il arrive qu’un grand PPP échoue à sa tâche. Et, dans ces cas, le gouvernement a la responsabilité de fournir le service public essentiel qui fait défaut. Lorsqu’une entreprise fait faillite et abandonne un contrat, le gouvernement doit recoller les pots cassés… et le Trésor public hérite de la facture. Que les entreprises assument ou non la responsabilité du risque d’échec d’un projet, un contrat de PPP prévoit toujours une « prime de risque » bien salée.

Les PPP ne respectent pas leur budget et leur échéancier

Il arrive qu’un PPP soit livré à temps selon les modalités du contrat. Mais, si on tient compte de la très longue période requise pour négocier et rédiger ce contrat, on constate que l’option publique est toujours plus rapide. Et pratiquement tous les projets en PPP voient leur coût gonfler entre le moment de leur annonce et la clôture financière du projet. L’argument voulant qu’un PPP respecte son budget est, au mieux, discutable.

En fait, si les PPP peuvent prétendre respecter le budget et l’échéancier, c’est seulement parce qu’ils commencent à compter à partir de la signature du contrat, qui a lieu souvent des années après l’appel d’offres. L’expérience montre aussi qu’on modifie les cibles budgétaires pour les adapter au coût du contrat privatisé.

Les PPP blessent les travailleurs

Les PPP sous-traitent souvent de bons emplois du secteur public à des exploitants à but lucratif. Il peut s’agir de tous les emplois ou de certains types de travaux, comme le nettoyage, l’entretien ou la préparation des aliments. Les entreprises veulent maximiser leurs profits en faisant plus de tâches avec moins de travailleurs. Dans certains PPP, cela a entraîné des problèmes environnementaux et des violations de la santé et de la sécurité au travail. La privatisation conduit souvent à des emplois moins bien rémunérés, avec moins d’avantages sociaux, ce qui a un impact socioéconomique néfaste sur la communauté.

Dans un PPP de 30 ans, rien ne garantit la protection des emplois sur cette période, à supposer qu’on l’ait promis au départ. Des centaines d’emplois et des dizaines de lits ont été supprimés depuis l’ouverture d’un hôpital en PPP à North Bay (Ontario) en 2011. Les membres du SCFP qui travaillent à l’usine de traitement des eaux usées en PPP de Regina ont subi une diminution des effectifs et une hausse de leur charge de travail depuis le transfert des opérations des mains du public au privé. Depuis, ils se débattent pour obtenir un salaire équitable.

Les PPP sont secrets et irresponsables

La privatisation cache les détails sur le financement et l’exploitation. Un contrat de PPP implique des négociations longues et complexes à huis clos; les principales informations financières et contractuelles sont gardées secrètes. Contrairement aux gouvernements, les entreprises privées ne sont pas soumises à la liberté d’information ni aux lois sur l’accès à l’information.

L’épais secret qui entoure les PPP laisse les élus et les citoyens dans l’ignorance, alors même que les entreprises prennent des décisions importantes concernant les services et les installations. Cette situation représente une perte importante de contrôle public qui brouille les lignes de reddition de comptes et de responsabilité. L’entreprise privée rend des comptes à ses actionnaires, pas aux citoyens ou aux élus. Le mandat des actionnaires consiste à assurer la rentabilité et la croissance de l’entreprise. Nos gouvernements, eux, doivent rendre des comptes à la population. Les services publics de base (les soins de santé, l’aqueduc, l’égout, etc.) devraient être contrôlés par des représentants de la population et répondre aux priorités des personnes qui en dépendent, plutôt qu’aux impératifs de profit des actionnaires.

Les PPP ne sont pas bons pour l’économie locale

Les gouvernements se sont toujours appuyés sur des entreprises privées locales pour la conception et la construction des infrastructures publiques. Mais les contrats de PPP excluent les petites et moyennes entreprises du jeu. Seules les grandes entreprises peuvent réunir les ressources financières initiales que ces accords exigent, puis naviguer les complexités de la négociation d’un PPP. Les compagnies locales de conception et de construction ne sont pas en mesure de soumissionner sur ces projets. En outre, de nombreuses décisions concernant les services locaux seront prises au siège social de l’entreprise plutôt que dans la communauté.

Les services publics génèrent de bons emplois qui soutiennent la communauté. Ces emplois permettent de former des citoyens, de leur donner de l’expérience, ce qui vient renforcer la résilience de la région. En période économique difficile, ce rouage s’avère crucial. Or, un PPP s’appuie sur des investissements et une expertise externes; souvent, il achète ses matériaux à l’extérieur de la communauté. L’argent qui pourrait être retourné à l’économie et à l’assiette fiscale locales va ailleurs. De plus, un nombre croissant de PPP canadiens appartiennent à des entreprises qui évitent de payer des impôts en installant leur siège social dans un paradis fiscal. Ce stratagème prive les gouvernements des recettes fiscales que les exploitants privés devraient payer.

PPP n’est pas gage de qualité

Une étude de 2016 de l’École de politique publique de l’Université de Calgary a révélé que « les PPP du Canada et de l’étranger ne brillent pas par le caractère emblématique de leur architecture et de leur conception. Les preuves suggèrent que les PPP ont tendance à offrir une architecture fonctionnelle, mais médiocre. Très peu de projets en PPP remportent des prix importants dans le monde pour leur mérite architectural. » [Notre traduction.] Les écoles PPP de l’Alberta ont été critiquées par les responsables scolaires pour leur approche à l’emporte-pièce en matière de conception et de construction.

Même la conception et la construction de base se sont avérées difficiles à réaliser dans certains PPP. L’hôpital PPP de North Battleford, en Saskatchewan, et l’hôpital CHUM de Montréal, au Québec, présentaient de graves lacunes. La ligne de train léger en PPP d’Ottawa a connu de graves problèmes qui ont semé le chaos chez les usagers du transport en commun.

Les PPP constituent une mauvaise politique publique

Le rapport de l’École de politique publique de l’Université de Calgary suggère que les élus mettent en œuvre des PPP pour des raisons politiques, et non parce que ceux-ci constituent une bonne politique publique ou qu’ils profitent à la société. Cette étude rédigée par des économistes traditionnels et des experts en politique souligne que les avantages supposés des PPP sont inexistants ou hautement discutables, que les PPP présentent des inconvénients importants et que le modèle et le cadre stratégique des PPP utilisés au Canada et à l’étranger sont profondément viciés.

Plusieurs autres études canadiennes et internationales ont documenté les nombreux problèmes des PPP. Les projets entièrement publics représentent une utilisation judicieuse des fonds publics et constituent le moyen le plus fiable, le plus responsable et le plus rentable de fournir et d’exploiter les installations et les services dont nous dépendons tous.

S’informer

Le SCFP a réuni des ressources supplémentaires sur les problèmes des PPP et la valeur des services publics au scfp.ca/privatisation :

Cette fiche d’information fait partie d’une trousse du SCFP intitulée Évitons que nos régimes de retraite contribuent à la privatisation : guide pour les membres du SCFP, les fiduciaires et les autres représentants des régimes de retraite