Les facultés affaiblies au travail constituent un grave problème de santé et de sécurité qui peut entraîner des risques pour le travailleur affecté et ses collègues. Les facultés d’une personne ne sont pas affaiblies uniquement par la drogue et l’alcool. L’affaiblissement peut être causé par de nombreuses influences externes qui diminuent la productivité ou les capacités physiques ou encore les capacités mentales.

De nombreuses formes de facultés affaiblies

De nombreux facteurs peuvent affaiblir les facultés d’un travailleur :

  • la fatigue due au travail ou à d’autres circonstances
  • une perturbation du rythme circadien causée par le quart de travail ou un changement de quart de travail
  • un événement stressant ou traumatisant survenu au travail ou à la maison qui cause de l’énervement ou de la distraction de façon continue
  • une réaction à une condition médicale (traitement d’une maladie, prise de médicaments)
  • une invalidité temporaire
  • une blessure
  • un travail exécuté dans des conditions extrêmement chaudes ou froides
  • l’exposition à des substances, gaz ou fumées toxiques
  • les effets de la consommation de substances à usage récréatif que celles-ci soient légales ou illégales.

Les facultés affaiblies sont parfois difficiles à définir et encore plus difficiles à mesurer sans un programme ou une formation appropriée. Afin de déterminer si les facultés d’un travailleur sont affaiblies, l’employeur doit déterminer s’il y a un écart dans le rendement ou les actions d’un employé comparativement à sa performance en temps normal.

Le contexte actuel

La légalisation imminente du cannabis en octobre 2018 amène les employeurs à sonner l’alarme au sujet d’une possible augmentation des cas de facultés affaiblies au travail. Le SCFP encourage les employeurs à prendre du recul et à réfléchir aux impacts concrets que pourront avoir les modifications apportées aux lois sur le cannabis sur leur milieu de travail.

Les employeurs sont tenus de maintenir un milieu de travail sain et sécuritaire. La légalisation du cannabis ne change pas la responsabilité de l’employeur à cet égard et ne modifie pas le devoir de l’employé d’être en mesure de s’acquitter de ses tâches de manière sécuritaire. Les substances intoxicantes ont longtemps été bannies des milieux de travail, sauf dans des circonstances spécifiques. La légalisation du cannabis n’y changera rien.

Souvent, seuls les cas de consommation d’alcool ou de drogues au travail (utilisées légalement ou illégalement) sont considérés comme des cas de facultés affaiblies par les employeurs. En raison de cette vision limitée du phénomène plus large des facultés affaiblies, de mauvaises pratiques en matière de santé et de sécurité sont utilisées, comme le dépistage aléatoire des drogues, ce qui n’améliore pas la sécurité en milieu de travail.

Les tests aléatoires ne permettent pas de détecter les facultés affaiblies au travail et ils nuisent au rôle de l’employeur dans la gestion efficace et appropriée des risques. De plus, ces tests ne respectent pas le droit à la vie privée et à la dignité du travailleur. Les tribunaux et les arbitres canadiens ont largement rejeté cette pratique. La plupart des tests de dépistage des drogues (à l’exception notable de l’alcool) déterminent seulement si une substance est présente dans le corps du travailleur, sans mesurer l’acuité des facultés. Par conséquent, le SCFP s’oppose aux tests aléatoires.

La cause des facultés affaiblies peut être de courte durée ou relever d’un problème plus chronique. Quoi qu’il en soit, l’impact est le même : le travailleur est incapable d’exécuter son travail de manière fonctionnelle et normale. Lorsque cela se produit, l’employeur a la responsabilité de prendre des mesures pour s’assurer d’atténuer les risques pour la sécurité, l’objectif étant que personne ne soit blessé dans le milieu de travail.

Les facultés affaiblies, c’est plus que la consommation de substances

Le SCFP demande aux employeurs de gérer toutes les formes de facultés affaiblies afin d’assurer la sécurité au travail. Personne ne veut d’un travailleur avec les facultés affaiblies au travail. La sécurité en milieu de travail doit primer. Par conséquent, les employeurs doivent adopter des politiques et des pratiques fondées sur la prévention des accidents de travail résultant de facultés affaiblies.

Plusieurs facteurs autres que la consommation de substances peuvent affaiblir les facultés des travailleurs. Les politiques et les pratiques de l’employeur doivent reconnaître que les travailleurs ne sont pas des robots et que des facteurs externes peuvent entraîner l’affaiblissement des facultés. L’employeur doit gérer les cas de facultés affaiblies en mettant en place des systèmes qui encouragent l’autosignalement, ainsi que les interactions en personne et non punitives entre superviseurs et travailleurs. De cette manière, le travailleur et l’employeur pourront trouver des solutions pour assurer la sécurité de tous sans que le travailleur craigne de perdre son emploi.

La gestion des facultés affaiblies

Pour gérer efficacement les cas de facultés affaiblies et aider les travailleurs, l’employeur doit travailler avec le syndicat et le comité de santé et de sécurité à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques et de programmes adéquats.

Ceux-ci doivent inclure les éléments suivants :

  1. Un but. Le but et les objectifs de la politique et des programmes doivent être clairement définis.
  2. Une définition des facultés affaiblies. L’employeur devrait inclure une définition large qui tient compte des nombreuses causes décrites plus haut et pas seulement de la consommation de substances et de la toxicomanie.
  3. Un mécanisme de signalement non punitif. Les travailleurs devraient être en mesure de communiquer avec leur supérieur immédiat s’ils n’ont pas l’impression de pouvoir s’acquitter de leur travail en toute sécurité. Ils doivent aussi pouvoir discuter d’alternatives à l’accomplissement d’un travail qui les mettrait ou mettrait leurs collègues en danger. Dans la mesure du raisonnable, le mécanisme de signalement devrait également garantir le droit à la confidentialité. De plus, les travailleurs devraient se sentir libres de divulguer tout effet secondaire potentiel des médicaments qu’ils doivent prendre sans crainte de représailles (par exemple, les effets secondaires potentiels de la prise d’insuline en lien avec le diabète). Ils ne devraient pas être obligés de divulguer la condition médicale sous-jacente ou les noms des médicaments spécifiques qu’ils prennent.
  4. La vie privée. Les politiques de l’employeur doivent respecter les lois sur la protection de la vie privée. L’employeur doit aussi expliquer aux travailleurs comment il veillera à ce que leur vie privée soit respectée, et ce, tant au sens juridique qu’au sens large.
  5. La gestion du programme. Le programme devrait préciser les mesures que les cadres intermédiaires et les supérieurs immédiats devront prendre pour faire appliquer les politiques, y compris des réunions et des discussions régulières avec les membres de leur équipe sur la question des facultés affaiblies. Le programme devrait décrire la formation, le calendrier de réexamen et un processus de mise à jour basé sur les avancées de la science.
  6. Des mesures et des lignes directrices détaillées. Les politiques devraient décrire les mesures que les employeurs prendront une fois que l’employé aura signalé que ses facultés sont affaiblies. Elles devraient inclure des lignes directrices pour aborder un travailleur et discuter de ses potentielles facultés affaiblies, ainsi que des lignes directrices pour la mise en œuvre de toute mesure de sécurité lors d’une intervention. Les travailleurs ne doivent pas faire l’objet de mesures disciplinaires dans le cas d’un autosignalement et il ne doit pas y avoir de représailles, de signalement aux autorités ou de réclamation de quelque nature que ce soit.
  7. Un processus d’assistance et d’accommodement pour les employés. Tout travailleur ayant des problèmes de toxicomanie devrait consulter un professionnel de la santé ou un conseiller syndical pour déterminer s’il a besoin de traitements ou d’un accommodement pour l’empêcher de se rendre au travail avec les facultés affaiblies. Les politiques de l’employeur doivent permettre aux travailleurs de signaler leurs problèmes de toxicomanie et de rechercher de l’aide sans encourir de mesures disciplinaires, dans la mesure où cela ne représente pas un fardeau excessif pour l’employeur. L’employé, la direction, le représentant syndicat et les professionnels qualifiés devraient considérer ensemble les options disponibles en matière d’accommodements. Ces dernières devraient inclure la réintégration au travail si une absence est requise dans le cadre du processus de désintoxication.
  8. Le rôle des autres employés. L’employeur devrait spécifier quand il s’attend à ce que les autres employés interviennent et les procédures qu’ils devraient suivre s’ils soupçonnent un collègue d’avoir les facultés affaiblies.
  9. Les substances interdites. L’employeur devrait identifier spécifiquement les substances interdites en milieu de travail et celles qui ne le sont pas.
  10. La détermination de facultés affaiblies. L’employeur a le droit de demander à un travailleur ayant les facultés affaiblies de rentrer chez lui. Par contre, dans sa réaction, il doit faire une distinction entre les incidents avec culpabilité, qui peuvent être traités conformément à la politique disciplinaire progressive en place, et les incidents sans culpabilité ou liés à une invalidité, qui peuvent nécessiter un accommodement.
  11. Le test motivé. Si l’employeur impose un test « motivé » de dépistage de drogues et d’alcool, la politique ou la procédure doit indiquer clairement le processus, étape par étape, permettant de réclamer un test, ainsi que la procédure du test en soi. On devrait réclamer un test uniquement après une interaction en personne entre l’employé et son superviseur, et après avoir recueilli des preuves solides que les facultés affaiblies présumées sont dues à une substance interdite (odeur de cannabis ou d’alcool, par exemple). Un représentant syndical devrait également être impliqué. Tout régime de test doit respecter les droits de la personne, les lois sur la protection de la vie privée, la Charte canadienne des droits et libertés et la jurisprudence connexe.
  12. Le test post-incident. Le SCFP ne croit pas qu’on devrait obliger un travailleur à passer un test de dépistage de drogues, simplement parce qu’il a été impliqué dans un incident. Le SCFP est d’avis que les tests post-incidents automatiques ne servent qu’à décourager le signalement des incidents. Les travailleurs ne devraient pas être automatiquement soumis à un test de dépistage après un incident, à moins qu’il y ait des motifs valables de demander un « test motivé » tel que décrit précédemment.
  13. Les règles doivent s’appliquer à tous. Toute politique en matière de facultés affaiblies doit s’appliquer à l’ensemble de l’organisation, indépendamment du poste ou de la fonction de l’employé. L’employeur doit également se questionner sur l’application de ses politiques aux bénévoles, aux étudiants, aux stagiaires et aux employés de tierces parties.
  14. La communication des politiques et des programmes. Les politiques doivent être communiquées par le biais d’un programme d’éducation ou d’autres méthodes appropriées élaborées en consultation avec le comité de santé et de sécurité. Simplement envoyer une note de service ou une « mise à jour de politique » ne suffit pas. La formation doit couvrir tous les aspects de la politique ou du programme.

Pour plus d’informations, visitez le scfp.ca/sante-et-securite ou communiquez avec votre conseiller du SCFP national. Vous pouvez également communiquer avec le Service de santé et de sécurité du SCFP national à l’adresse suivante :

Syndicat canadien de la fonction publique
1375, boulevard Saint-Laurent
Ottawa (Ont.) K1G 0Z7


Références :

https://www.cchst.ca/oshanswers/hsprograms/impairment.html
https://www.strategiesdesantementale.com/sante-et-securite-psychologiques/politique-sur-les-facultes-affaiblies