Kevin Skerrett | Service de Recherche du SCFP
Les caisses de retraite font parfois des choix d’investissements douteux. En voici un exemple probant.
Récemment, UNISON, le syndicat britannique des services publics, a avisé le SCFP et d’autres syndicats canadiens que l’entreprise privée Thames Water, qui œuvre dans le domaine des eaux, avait déposé à la table de négociations une proposition visant à éliminer les régimes de retraite à prestations déterminées de ses milliers d’employés.
Et devinez qui détient de grosses parts dans les compagnies britanniques de ce secteur ? Les caisses de retraite canadiennes.
C’est pourquoi UNISON et ses alliés syndicaux ont demandé aux syndicats canadiens d’exercer des pressions sur les caisses de retraite qui, ensemble, détiennent plus de 30 pour cent des actions de ces entreprises. C’est ce que nous avons fait.
La privatisation de l’eau est beaucoup plus répandue en Angleterre qu’ici. À la fin des années 1980, sous le gouvernement de la première ministre Margaret Thatcher, les services d’eau potable et d’eaux usées ont été entièrement privatisés. Neuf compagnies ont pris le contrôle des systèmes d’eau et d’eaux usées pour réaliser des profits. En 2017, plusieurs grandes caisses de retraite canadiennes (OMERS, la Fiducie du régime de retraite du SEFPO, bclMC et l’Albertaine AIMco) ont augmenté leurs parts dans ces entreprises et sont devenues actionnaires majoritaires.
La privatisation de l’eau est très rentable pour les investisseurs, mais elle a des répercussions extrêmement négatives sur la qualité du service comme sur les travailleurs. Dans le cas qui nous occupe, Thames Water a été reconnue coupable, à plusieurs reprises, d’avoir déversé des eaux usées toxiques dans les cours d’eau londoniens, pratique qualifiée de « presque délibérée » par un juge britannique. Au lieu d’investir dans son infrastructure, Thames Water, comme les autres compagnies des eaux, verse d’énormes dividendes à ses actionnaires. Pour réaliser des « économies » supplémentaires, Thames Water souhaite maintenant abolir les régimes de retraite qui garantissent la sécurité financière de ses employés au moment de la retraite.
Dans les faits, Thames Water a resserré l’accès à ses régimes à prestations déterminées dès 2013, car les employés embauchés après cette date cotisent à un régime à cotisations déterminées. Les 2500 employés embauchés avant 2013 ont pour leur part conservé leur régime de retraite à prestations déterminées calculées en fonction du salaire moyen en fin de carrière. La plupart des membres du SCFP bénéficient de ce type de régime avantageux.
En octobre 2017, UNISON a partagé avec les syndicats canadiens un document d’information détaillant la proposition de l’employeur sur l’élimination de ses régimes à prestations déterminées. Peu après, la compagnie a rendu public son plan de transfert de tous ses employés dans des régimes à cotisations déterminées. Aux prises avec un employeur de plus en plus agressif, UNISON a décidé de contacter les syndicats canadiens dont certains membres cotisent aux caisses de retraite qui sont copropriétaires de Thames Water.
Le SCFP et d’autres syndicats canadiens ont rapidement répondu à l’appel. En quelques semaines, des représentants du CTC, du BCGEU, du SNEGSP et du SCFP ont communiqué avec les fiduciaires et les cadres supérieurs des quatre caisses de retraite canadiennes ayant une participation directe dans Thames Water.
Le SCFP et d’autres syndicats canadiens ont rapidement répondu à l’appel. En quelques semaines, des représentants du CTC, du BCGEU, du SNEGSP et du SCFP ont communiqué avec les fiduciaires et les cadres supérieurs des quatre caisses de retraite canadiennes ayant une participation directe dans Thames Water.
Ces caisses de retraite canadiennes détiennent d’importantes parts dans Kemble Water Holdings, la société mère de Thames Water. Ces parts varient entre 3,2 pour cent (AIMco) et 17,5 pour cent (OMERS). On ne parle pas ici d’actions cotées en bourse, mais de parts directes de capital-investissement, ce qui veut dire que nos caisses de retraite ont un très grand pouvoir de décision en tant que propriétaires directs de Thames Water, et ce, au même titre que d’autres institutions financières.
À la mi-novembre, nous avons reçu de bonnes nouvelles. Grâce aux pressions exercées et à la détermination des syndicats britanniques à la table de négociations, les négociateurs de Thames Water ont accepté de « reporter » l’abolition des régimes à prestations déterminées de deux ans, le temps d’examiner les coûts et les frais associés aux régimes.
Ce n’est pas la victoire totale espérée par les syndicats, mais c’est un gain important. Cette bataille démontre qu’en travaillant ensemble les syndicats sont en mesure de défendre les intérêts de leurs membres en matière de régime de retraite.
Pour les membres du SCFP et les travailleurs du secteur public canadien, il y a deux grandes leçons à retenir de cette lutte menée aux côtés de leurs homologues britanniques. Premièrement, la privatisation des services publics constitue une grave menace, autant envers les services qu’envers les travail leurs qui les fournissent. Deuxièmement, certaines caisses de retraite canadiennes sont dans une position délicate en tant que propriétaires directs d’entreprises qui s’en prennent aux prestations de retraite de leurs employés.
Il faudra continuer à se battre, à la table de négociations et sur tous les fronts, pour éviter que les caisses de retraite des travailleurs servent à de telles fins.
Ce que votre section locale peut faire
- Travaillez avec vos conseillers syndical et à la recherche du SCFP pour savoir où et comment votre caisse de retraite effectue ses placements.