Le SCFP craint que les projets du gouvernement fédéral visant à encourager les prêts privés aux groupes sociaux et communautaires ouvrent la porte à la privatisation de services essentiels.
Dans sa mise à jour économique de l’automne, le gouvernement fédéral a annoncé un financement initial de 755 millions de dollars sur dix ans pour un fonds de « finance sociale » qui investirait dans des organismes de bienfaisance et à but non lucratif ainsi que dans d’autres organisations à vocation sociale. Un montant supplémentaire de 50 millions de dollars sur deux ans servira à élargir l’accès à la finance sociale et à faire connaître le concept auprès des organisations à vocation sociale.
C’est nettement plus que les 500 millions de dollars recommandés au terme des récentes consultations. L’annonce identifie les organismes communautaires engagés dans la crise des opioïdes, l’itinérance et l’emploi à long terme comme des cibles d’investissements potentiels. Nous soutenons fermement ces organismes qui sont à l’avant-garde de la lutte contre les inégalités systémiques. Ils ont de la difficulté à répondre à la demande et manquent de ressources, en plus de devoir composer avec un financement gouvernemental inadéquat.
Le problème avec la finance sociale, c’est qu’elle fait passer les intérêts des investisseurs avant ceux des usagers. La finance sociale mise sur les prêts privés pour fournir un bien social et public, tout en générant des profits pour les investisseurs. Ces derniers peuvent être des fondations caritatives, des particuliers fortunés, des épargnants, des entreprises, des coopératives de crédit, des banques à charte, des gouvernements ou des caisses de retraite. Ce financement cible des organismes de bienfaisance enregistrés, des organisations à but non lucratif, des coopératives et des entreprises. Plusieurs véhicules peuvent être utilisés pour faire de la finance sociale, dont les entreprises d’économie sociale, les fonds d’investissement en finance sociale et les obligations à impact social.
Ces dernières misent sur le marché pour obtenir, contre profits, des investissements pour financer notamment des services sociaux comme l’éducation et la santé. Les projets comportent une série d’objectifs négociés entre l’investisseur à but lucratif, les consultants et le gouvernement.
Dans un secteur déjà aux prises avec un sous-financement chronique, cette pression pour respecter des critères arbitraires, étroits et superficiels favorise l’investisseur et non l’usager. Les gouvernements remboursent l’investisseur privé si le projet atteint ses objectifs. Cela peut dénaturer les programmes. En visant des résultats simplistes, on obtient des services qui ne répondent pas au large éventail de besoins de la collectivité.
Le SCFP dénonce la finance sociale et les obligations à impact social depuis leur apparition au Canada. Lors des récentes consultations du Groupe directeur sur la co-création d’une Stratégie d’innovation sociale et de finance sociale, nous avons partagé nos préoccupations face à ce modèle et mis en lumière les dommages causés par plusieurs décennies de sous-financement.
Notre mémoire comportait quatre grandes recommandations, notamment un appel à renforcer les services sociaux, au lieu de les privatiser, en assurant un financement durable et à long terme aux organismes publics et à but non lucratif.
Or, le rapport final du groupe directeur ne reconnaît pas la nécessité d’avoir des services sociaux accessibles et de qualité. Au lieu de cela, il appelle à la création d’un fonds de finance sociale et à la mise sur pied d’un bureau permanent de l’innovation sociale. Le gouvernement fédéral favorise ainsi la privatisation. Il offre plus d’opportunités au secteur privé de réaliser des profits, alors que les besoins sociaux et les défis de la collectivité devraient primer.
L’engagement pris par le gouvernement de faire progresser la finance sociale, également appelée « investissement à retombées sociales », ainsi que l’« innovation sociale », pourrait faciliter la privatisation du secteur des services sociaux, qui est déjà vulnérable, les travailleurs composant avec la précarité d’emploi et de faibles salaires.
Dans l’énoncé économique de l’automne, le gouvernement fédéral s’est également engagé à réduire les impôts de 14 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, ce qui représente une perte de revenus importante. Ces revenus auraient pu renforcer la prestation de services sociaux et d’autres services publics.
Le SCFP est favorable aux approches créatives visant à fournir des services sociaux ainsi qu’aux formes communautaires d’entreprise sociale. Nous reconnaissons également que nos membres trouvent de nombreuses façons de faire plus avec moins. Nous continuerons toutefois à exercer des pressions en faveur d’un financement qui crée les conditions nécessaires au renforcement des services et programmes sociaux. De plus, nous continuerons à exposer les éléments problématiques de la finance sociale et de l’innovation sociale.
Pour en savoir plus, consultez :
- le mémoire du SCFP présenté au Groupe directeur sur la co-création d’une Stratégie d’innovation sociale et de finance sociale.
- la fiche d’information expliquant les dix façons dont les obligations à impact social nuisent aux gens et aux services publics.
- l’article intitulé L’obligation à impact social : un nouveau genre de privatisation paru dans notre magazine Pourparlers.
- l’article intitulé Profiter des besoins communautaires : les services sociaux et la menace des obligations à impact social paru dans notre magazine La Réplique.