Le SCFP vient de rendre public un rapport d’expert qui explique comment procéder pour transformer en profondeur la Banque de l’infrastructure du Canada (BIC). Plus de cinq ans après sa création, la BIC n’a pas atteint son objectif : attirer des investissements privés.
Parallèlement, la privatisation que préconise la banque n’a pas permis de répondre aux besoins des communautés canadiennes ni de lutter contre la crise climatique. Il est temps de créer une banque publique au service de tout le monde.
Ce rapport est dévoilé alors que le premier examen quinquennal de la BIC prévu par la loi est en cours. Le SCFP a demandé à Thomas Marois, un grand spécialiste des banques publiques, d’évaluer le bilan de la BIC et de faire des recommandations pour bâtir une meilleure banque. Dans Une banque publique d’intérêt public, l’expert s’est inspiré des réalisations de banques publiques européennes performantes pour formuler quatre grandes recommandations.
Le SCFP demande au gouvernement fédéral de réécrire la Loi sur la Banque de l’infrastructure du Canada, pour mettre en œuvre les quatre changements fondamentaux suivants.
- Modifier le mandat de la BIC
La BIC est légalement tenue d’attirer des investissements privés sous la forme de partenariats public-privé et d’autres stratagèmes de privatisation. La privatisation est risquée, elle retarde les projets et elle fait grimper les coûts. Un prêt privé peut doubler les coûts d’un projet d’infrastructure sur sa durée de vie.
Il faut donc changer le mandat de privatisation de la BIC. Celle-ci devrait être une source publique de prêts à faible coût qui aiderait les municipalités et les communautés autochtones à réaliser des projets vitaux. Une banque publique prête de l’argent à un taux d’intérêt inférieur à celui du secteur privé, ce qui rend les projets plus abordables sans forcer les communautés à opter pour la privatisation.
La banque publique néerlandaise BNG est un exemple d’institution qui fait passer les besoins publics en premier.
- Accroître la transparence de la BIC et diversifier la composition de son conseil d’administration
La loi sur la BIC garde secrètes des informations vitales et impose de lourdes sanctions à quiconque divulguerait des détails sur les entreprises ou les investisseurs privés impliqués dans ses projets. De plus, la loi interdit à quiconque travaille pour les gouvernements fédéral, provinciaux ou municipaux de siéger au conseil d’administration de la banque. Finalement, la loi ne garantit pas une représentativité adéquate au sein du conseil d’administration.
Les renseignements sur les projets de la BIC devraient être soumis à un examen minutieux. Le conseil d’administration de la banque devrait refléter les communautés qu’elle dessert et favoriser la réconciliation avec les peuples autochtones.
La KfW, la banque publique de développement de l’Allemagne, est un modèle de gouvernance bancaire transparente, démocratique et représentative.
- Soutenir uniquement des projets favorisant la durabilité environnementale
La BIC n’est pas tenue de lutter contre les changements climatiques. Elle s’est intéressée à des projets verts dernièrement, mais cela ne garantit rien pour l’avenir. La loi devrait obliger la banque à soutenir uniquement des projets favorisant la durabilité environnementale.
Une banque publique qui finance la transition du Canada de l’extraction et de la consommation de combustibles fossiles vers l’énergie verte stimulerait l’économie et créerait de bons emplois verts. En aidant les communautés à diminuer leurs émissions et à s’adapter au changement, la BIC peut jouer un rôle majeur dans la réponse à la crise climatique mondiale.
La Banque nordique d’investissement est un exemple de banque publique qui ne prête qu’à des projets favorisant la durabilité environnementale.
- Accélérer les projets en privilégiant le financement local
De nombreux spécialistes, le directeur parlementaire du budget et un comité parlementaire ont tous conclu que la BIC n’a pas tenu ses promesses. Le mandat de privatisation de la banque entraîne des retards, exclut de nombreux projets importants et complique inutilement les choses.
La BIC devrait prêter directement aux municipalités et aux communautés autochtones. Cela accélérerait la réalisation de projets d’infrastructure indispensables.
L’institution de crédit finlandaise Municipality Finance est une banque publique qui ne prête qu’aux villes et aux communautés.
Des changements fondamentaux sont nécessaires maintenant
Après cinq ans de confusion et de retard, il est clair que le mandat de privatisation de la BIC ne fonctionne pas. Il faut transformer la BIC de fond en comble. Les banques publiques présentées dans le rapport d’expert rendu public par le SCFP fournissent des modèles pour transformer la BIC afin qu’elle serve mieux la population canadienne. Cette transformation nécessite la mise en œuvre des quatre recommandations.
Le gouvernement libéral a l’occasion de corriger l’erreur qu’il a commise en 2017 lorsqu’il a créé cette « banque de la privatisation ». S’il ne réforme pas la banque, il ne lui restera qu’une seule option : l’abolir, soit la seule et unique recommandation formulée par le comité parlementaire qui s’est penché sur la BIC.