Le projet de loi C-65 du gouvernement libéral sur le harcèlement en milieu de travail sera adopté par la Chambre des communes cette semaine. Il s’agit d’un moment charnière dans la lutte au harcèlement et à la violence, sexuels et autres, dans les milieux de travail sous réglementation fédérale.

Toutefois, même si le projet de loi C-65 constitue une avancée majeure, il comporte quelques lacunes qui vont priver les victimes de harcèlement et de violence au travail de certains des droits dont elles disposent actuellement.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi prive les victimes du droit de porter plainte auprès de leur comité de santé et de sécurité au travail. Au lieu, les victimes devront soumettre leur plainte à leur superviseur, même s’il s’agit de leur agresseur.

Le gouvernement prétend que cette mesure vise à protéger la vie privée des victimes. Faisons abstraction du fait que les comités de santé et de sécurité au travail doivent déjà respecter de rigoureuses règles de confidentialité et considérons le contexte actuel. Le projet de loi C-65 est étudié au Parlement alors que les mouvements sociaux comme #MoiAussi qui dénoncent la honte et la peur que vivent un grand nombre de victimes de harcèlement et de violence, battent leur plein. D’ailleurs, les libéraux mentionnent souvent #MoiAussi pour justifier l’adoption rapide de C-65.

De plus, près des deux tiers des cas de harcèlement en milieu de travail dans la fonction publique sont commis par une personne en position d’autorité. En privant les victimes de la possibilité de se plaindre à un comité de santé et de sécurité au travail, les libéraux vont les forcer à confronter leur harceleur sans aucun soutien.

Les libéraux ne peuvent pas jouer sur tous les tableaux. Ils ne peuvent pas prétendre soutenir les victimes tout en diminuant leur latitude pour signaler le harcèlement et la violence au travail.

Nous admettons que la confidentialité est importante dans des dossiers aussi sensibles que le harcèlement et la violence au travail. Mais priver les victimes d’options sécuritaires pour dénoncer, c’est contre-productif.

En permettant aux victimes de signaler les cas à leur comité de santé et de sécurité au travail, on ne va pas favoriser la divulgation des allégations ou des incidents. Ces comités traitent déjà des renseignements sensibles au quotidien. Laisser entendre qu’ils ne sont pas dignes de confiance est une insulte. C’est aussi carrément faux : ils font de l’excellent travail partout au pays.

Les groupes représentant les employés et les employeurs ne s’entendent pas sur tout, mais les deux parties reconnaissent largement l’utilité des comités de santé et de sécurité au travail pour résoudre ce genre de problèmes.

Bien que le projet de loi C-65 chemine dans le processus législatif, il est donc encore temps de corriger ses lacunes pour le rendre réellement progressiste et adapté aux besoins des victimes. Mais les libéraux commencent à manquer de temps pour ce faire.

Les victimes ont le droit de décider comment elles souhaitent dénoncer les abus et ce choix doit être respecté. En fait, on devrait mettre à leur disposition plus de moyens pour dénoncer la violence et le harcèlement au lieu d’en éliminer.

Mark Hancock est le président national du Syndicat canadien de la fonction publique, qui représente 650 000 travailleurs au Canada, dont 30 000 employés sous réglementation fédérale dans les secteurs des transports et des communications.