La délégation du SCFP a visité le bureau national de l’ACT (Alliance of Concerned Teachers). L’ACT organise et mobilise les travailleurs du secteur de l’éducation. Récemment, elle dénonçait le profilage illégal de ses militants pratiqué par la police nationale philippine.  Aux Philippines, les travailleurs et les défenseurs des droits de la personne font face à une répression et une violence accrues. Récemment, une délégation du SCFP a rendu visite à deux de nos syndicats partenaires. Cette visite a permis de mettre en lumière ces violations des droits de la personne et de renforcer la solidarité avec nos consœurs et confrères philippins. La délégation a aussi pris connaissance des efforts d’organisation communautaire et syndicale entrepris pour lutter contre la privatisation et renforcer les services publics.

Depuis une dizaine d’années, le SCFP a noué des liens étroits avec les syndicats philippins, notamment en utilisant le Fonds pour la justice mondiale pour développer des projets avec l’ACT (Alliance of Concerned Teachers ou ACT) et COURAGE (Confederation for Unity, Recognition and Advancement of Government Employees). Au cours de cette période, les conditions de vie de la plupart des Philippins se sont aggravées en raison du climat politique. Les attaques se multiplient contre les droits des syndicalistes et des défenseurs des droits de la personne.

L’ACT et COURAGE ont accueilli la délégation composée de dirigeants, de membres et d’employés du SCFP à la mi-novembre 2018. Ils ont été informés des nombreux défis que doivent relever les travailleurs et la plupart des citoyens sous le gouvernement du président Rodrigo Duterte.

Augmentation du coût de la vie, bas salaires, précarité d’emploi

La délégation du SCFP avec des représentants de COURAGE et du CPA (Cordillera Peoples’ Alliance) à Baguio, aux Philippines. La CPA est une fédération indépendante d’organismes populaires autochtones qui œuvrent à la promotion et à la défense des droits des peuples autochtones, des droits de la personne, de la justice sociale, de la liberté et de la démocratie.L’inflation est en hausse en raison de la flambée du coût de l’énergie, du carburant, des transports et de l’eau. Le salaire réel est en baisse, tout comme les dépenses gouvernementales dans les services sociaux, l’éducation et le logement. Ces conditions ont poussé plus de 6000 travailleurs à quitter le pays. Elles ont aussi contribué à accroître l’endettement personnel. Le recours croissant à des contractuels précaires et privés d’avantages sociaux (phénomène qu’on appelle « contractualisation » aux Philippines) représente un problème très grave pour la main-d’œuvre des secteurs public et privé.

Le mouvement syndical réclame la transformation de ces emplois contractuels en postes permanents à temps plein. Le président Duterte avait promis de s’attaquer à ce dossier lors de la dernière campagne électorale, mais, plus de deux ans plus tard, rien n’a changé.

COURAGE fait campagne pour mettre fin à la privatisation des services publics et pour une hausse du salaire minimum mensuel. Par le biais de ses membres de la NFA (National Food Authority), COURAGE s’oppose aussi à un projet de loi du Congrès qui ouvrirait le marché philippin du riz au marché mondial. La NFA y perdrait son pouvoir de réglementer le prix et la qualité de cette denrée dans l’intérêt public. La NFA fait pour le riz ce que la Commission canadienne du blé faisait pour le blé chez nous avant sa privatisation.

L’ACT milite pour l’accroissement des dépenses en éducation, l’augmentation des salaires et la réduction de la charge de travail. Les enseignants sont mal rémunérés. Souvent, ils doivent payer les fournitures scolaires de leur propre poche. L’ACT a organisé sa troisième grève nationale en novembre pour soutenir ses revendications.

Devant la menace, les travailleurs s’organisent

La délégation du SCFP a rencontré des travailleurs précaires et des membres de COURAGE pour discuter d’une stratégie collective contre le recours exagéré aux contractuels dans le secteur public.Les membres de la délégation du SCFP ont pu facilement sympathiser avec les luttes de COURAGE et de l’ACT contre l’austérité, pour de meilleures conditions de travail et en appui au secteur public. Ils ont beaucoup appris sur la façon dont les travailleurs s’organisent et se mobilisent malgré le harcèlement violent et la répression.

Les mouvements sociaux philippins s’inquiètent de l’orientation que prend le pays. Le gouvernement Duterte a rompu les pourparlers de paix, prolongé la loi martiale et sapé les piliers fondamentaux de la démocratie, dont la liberté de presse. L’État diminue ses dépenses dans les programmes sociaux, tout en augmentant le budget de l’armée et des forces de l’ordre. Ces dépenses servent à soutenir la « guerre contre la drogue » qui a entraîné la mort de plus de 20 000 personnes, des démunis pour la plupart. L’armée est également déployée pour supprimer toute résistance aux politiques gouvernementales, en particulier dans les communautés autochtones et agricoles.

Notre délégation a rencontré des dirigeants et des étudiants de la communauté autochtone lumad qui ont été déplacés. Les Lumad luttent pour protéger leurs terres contre les activités d’extraction minière (locales et étrangères) et la destruction de l’environnement. Les forces armées des Philippines occupent des écoles autochtones de la région dans le but de réprimer ces manifestations. L’ACT est membre du réseau « Save Our Schools » (Sauvons nos écoles), un regroupement d’organisations nationales et locales qui défendent les écoles autochtones contre ces attaques. Dans la foulée de notre visite, France Castro, ex-dirigeante de l’ACT et membre du Congrès, a été arrêtée alors qu’elle visitait des communautés autochtones lumad sur l’île de Mindanao. Elle a ensuite été relâchée saine et sauve.

Hausse des violations des droits de la personne

Les syndicalistes et les défenseurs des droits de la personne sont en alerte maximale. Le président Duterte a récemment déclaré qu’il s’attaquerait à la Nouvelle Armée du peuple, un mouvement de guérilla qui prend part à la guerre civile qui perdure depuis plus de 50 ans. Ces déclarations servent de prétexte à des attaques contre les personnes qui plaident en faveur des droits territoriaux, d’un salaire décent et des services publics. La délégation du SCFP a rencontré des syndicalistes et des dirigeants de la société civile victimes de harcèlement, ainsi que des représentants d’organismes de défense des droits de la personne qui ont documenté 195 victimes d’exécutions extrajudiciaires (surtout des Autochtones et des agriculteurs) et plus de 500 prisonniers politiques (notamment des membres de COURAGE et de l’ACT).

La délégation du SCFP a beaucoup appris des dirigeants et des militants syndicaux qu’elle a rencontrés. Elle a ressenti une profonde admiration pour leur lutte face à des obstacles énormes et à la répression des forces de l’ordre. Le SCFP continuera de faire entendre sa voix, à titre du plus grand syndicat canadien, pour appuyer leurs luttes et être solidaire de leurs efforts pour la paix et la justice pour tous.