Troy Winters | Employé du SCFP
Jenna Brookfield | Employée du SCFP
Colleen Butler | Employée du SCFP

Au cours des deux dernières années, la COVID-19 a dominé les conversations sur la santé et la sécurité au travail (SST). La pandémie a eu une incidence sur notre évaluation des risques en milieu de travail et sur nos approches en matière de sécurité au travail. Ces perspectives devraient influencer nos demandes d’action gouvernementale en matière de sécurité des travailleuses et travailleurs durant les premières rondes d’élections provinciales postpandémie.

Le principe de précaution

Après l’épidémie de SRAS de 2003, l’Ontario avait mis sur pied une commission pour examiner la propagation et la gestion du virus. Celle-ci avait conclu qu’on devrait adopter le principe de précaution pour réduire au minimum l’impact des prochaines épidémies. Cela signifie que les autorités de santé publique devraient prendre des mesures de précaution sans attendre les preuves scientifiques que ces mesures sont nécessaires.

Malheureusement, les leçons tirées du SRAS n’ont pas été retenues par le Canada face à la pandémie de COVID-19.

« Une des raisons pour lesquelles ces deux années ont été si dures est que le gouvernement a réagi si lentement », affirme Jordan Bray-Stone, président du Comité de santé et sécurité au travail de la Division du transport aérien du SCFP. « Il a adopté une approche réactive plutôt que préventive. »

Par exemple, les gouvernements provinciaux ont tenté de réduire la propagation du virus en se basant sur des hypothèses erronées sur ses modes de transmission, au lieu d’appliquer des mesures de santé publique qui tenaient compte des risques possibles. Le défaut d’adopter des mesures de précaution raisonnables et d’appliquer des mesures de santé publique de manière cohérente, dans tous les milieux de travail, a conduit des milliers de travailleuses et travailleurs à être inutilement exposés à la COVID-19.

« Il n’y avait pas d’orientation ou d’application claires de la part du gouvernement », affirme Raj Uppal, présidente du SCFP 41 et membre du Comité national de santé et de sécurité du SCFP. « Il est beaucoup plus facile de mettre en place cette protection avec des mesures obligatoires et appliquées rigoureusement. »

En outre, les gouvernements avaient précédemment procédé à des coupes budgétaires qui ont minimisé le suivi des épidémies et l’approvisionnement adéquat en équipement de protection individuelle en cas de pandémie. Ainsi, ils ont menacé davantage la santé et la sécurité du personnel.

« Nous nous étions débarrassés de notre système international d’alerte rapide et nous n’étions pas préparés aux problèmes de la chaîne d’approvisionnement », explique Jordan Bray-Stone. « Il faut que le personnel de première ligne le comprenne et s’en souvienne au moment de voter pour un gouvernement. Les compressions des années précédentes nous ont conduits à ce manque de soutien. Si une autre pandémie survient après qu’on ait éviscéré notre système de santé publique à des niveaux sans précédent, et qu’il faut le rebâtir pendant la crise, cela va revenir hanter la main-d’œuvre. »

Maladie au travail

La pandémie a également mis en évidence l’importance des congés de maladie pour la main-d’œuvre. Malgré cela, de nombreux lieux de travail représentés par le SCFP continuent d’utiliser un système de gestion des présences qui punit injustement les individus qui prennent des congés de maladie, même lorsque ces congés sont prévus dans la convention collective.

« Les programmes de gestion des présences servent à effrayer les gens, à se débarrasser des gens », soutient Raj Uppal. « Pourtant, les congés de maladie sont très importants, parce qu’on a besoin de temps pour se remettre complètement sur pied. Il faut être en bonne santé pour fournir des services à autrui. »

Les lieux de travail qui ont imposé un moratoire sur la gestion des présences pendant la pandémie ont constaté des bienfaits, notamment une diminution du taux de transmission et une amélioration du moral des travailleuses et travailleurs.

« Beaucoup de membres craignaient de dire qu’ils étaient malades à cause des programmes de gestion des présences », explique Jordan Bray-Stone. « Ces personnes ont été très soulagées d’apprendre que le programme était suspendu pour l’instant. L’objectif est d’éloigner les personnes malades du lieu de travail. »

Les militant(e)s de la SST affirment que l’accessibilité des congés de maladie et la restriction des programmes de gestion des présences devraient être des enjeux clés aux prochaines élections.

« C’est un aspect sur lequel les membres devraient vraiment se concentrer quand ils votent, que ce soit dans le cadre d’une élection, un sondage prénégociation ou une convention collective », dit Jordan Bray-Stone.

Santé mentale

Enfin, la pandémie a braqué les projecteurs sur la santé mentale. L’isolement et la solitude affectent à la fois les personnes qui travaillent à domicile et celles qui sont physiquement au travail, mais dont les interactions sociales sont limitées en raison des restrictions sanitaires.

Les membres sont également confrontés à un stress mental supplémentaire en raison du risque d’exposition à la COVID-19 au travail et des tensions sociales découlant de la pandémie.

Les militant(e)s de la SST au SCFP soutiennent que la santé et la sécurité psychologiques devraient être aussi importantes que la santé et la sécurité physiques : un problème que les gouvernements devraient régler par voie législative.

Pendant la pandémie, Jordan Bray-Stone a remarqué que les membres « avaient besoin de soutien de spécialistes en santé mentale. Ce sont des choses que nous devons exiger de nos gouvernements sous une forme ou une autre. »

« La santé mentale n’est pas différente de la santé physique », insiste Raj Uppal, présidente du SCFP 41. « Il faut considérablement améliorer l’indemnisation des travailleuses et travailleurs en matière de santé mentale. Il faut resserrer la législation partout au pays. »

La suite des choses

Les élections ont des conséquences. Par exemple, le Parti conservateur uni de l’Alberta a considérablement réduit les dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité au travail, affaiblissant le rôle des comités de SST et rendant plus difficile le refus d’un travail dangereux.

Les travailleuses et travailleurs doivent exiger que nos élu(e)s comblent les lacunes législatives en matière de SST et fassent respecter les normes de SST par le biais d’inspections, de mesures d’application et de sanctions lorsqu’un employeur enfreint la loi.

« Avoir une loi, c’est bien, mais ça ne change rien si elle n’est pas assortie de conséquences », souligne Raj Uppal. « On aurait pu prévenir une grande partie de la propagation du virus si les responsables de SST étaient plus visibles, si les contrôles étaient plus fréquents, si on faisait plus d’inspections sur les lieux de travail. Il faut que nos gouvernements améliorent tout ça. »


À propos de Raj Uppal

Raj UppalRaj Uppal est présidente du SCFP 41, qui représente 1 400 travailleuses et travailleurs de l’hôpital communautaire Grey Nuns et du Edmonton General Continuing Care Centre à Edmonton, en Alberta.

Militante syndicale de longue date, elle est actuellement vice-présidente à la diversité du SCFP-Alberta. Elle est présidente du comité du personnel de la santé du SCFP-Alberta et coprésidente du comité mixte de SST de son lieu de travail. Elle est aussi membre du Comité national de santé et de sécurité du SCFP.

À propos de Jordan Bray-Stone

Jordan Bray-StoneJordan Bray-Stone est un militant dévoué de la SST dans le secteur du transport aérien du SCFP depuis 2008. Il a défendu la santé et la sécurité de la main-d’œuvre dans plusieurs contextes, notamment devant le Parlement. 

Basé à Montréal, il est président du comité de SST de son lieu de travail et président du Comité de santé et sécurité au travail de la Division du transport aérien du SCFP.