Kelti Cameron | Direction des services nationaux

Au cours de la dernière année marquée par les restrictions mises en œuvre pour lutter contre la COVID-19, un phénomène mondial inquiétant est apparu : l’intensification de la répression des mouvements sociaux. Les attaques contre les syndicats et les gens qui défendent les droits de la personne se sont en effet amplifiées dans le but de réprimer l’opposition. Alors que les gens perdent leur emploi, des gouvernements criminalisent le militantisme et le recrutement syndical. Des personnes sont ainsi arrêtées et détenues illégalement pour les empêcher d’organiser des manifestations dans les rues et de convaincre et les travailleuses et les travailleurs d’adhérer à un syndicat ou à une association. 

En réaction à cette répression accrue, la résistance s’intensifie et inspire les populations. La pandémie a révélé à quel point les besoins des gens ne sont pas satisfaits par les politiques publiques et le modèle économique qui régissent notre monde. Des mouvements populaires, incluant des groupes de femmes et des syndicats, ont organisé des manifestations dans les rues du monde entier pour exprimer le pouvoir du peuple. Alors que la pandémie s’installait et que les conditions socioéconomiques se détérioraient, la syndicalisation et l’organisation de la classe ouvrière étaient plus importantes que jamais. 

En Birmanie, les syndicats se sont joints à d’autres mouvements sociaux pour s’opposer à l’imposition d’un régime militaire. Le personnel du secteur public, notamment celui de la santé, a fait partie de la première cohorte à descendre dans la rue malgré les violences. En réponse aux évictions forcées survenues à Sheikh Jarrah, à l’attaque contre des fidèles à la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem Est et aux bombardements israéliens qui ont suivi dans la bande de Gaza, une grève générale a été observée par la population palestinienne le 18 mai. La grève a été une véritable démonstration de force et d’unité. Elle a aussi illustré la dépendance israélienne envers la main-d’œuvre palestinienne. Au Nicaragua, les militantes et militants ne plient pas malgré les lois et les tactiques d’intimidation du gouvernement qui visent à semer la peur et à miner le soutien apporté aux travailleuses d’usine pendant la pandémie. En Inde, la mobilisation des agriculteurs et agricultrices demandant la révocation des lois favorables aux méga-entreprises agricoles a pris tellement d’ampleur qu’elle est devenue le mouvement non-violent le plus large et de plus longue durée de l’histoire du pays. Les manifestations ont suscité de nombreux témoignages de solidarité en Inde comme ailleurs dans le monde.

En Colombie, la police a utilisé le couvre-feu décrété durant la pandémie pour cibler les personnes militantes. Alors que la Colombie était aux prises avec le troisième taux d’infection à la COVID le plus élevé des Amériques, le gouvernement a présenté des projets de loi de réforme fiscale et sanitaire auxquels la population s’est largement opposée. L’opposition des mouvements sociaux et des syndicats s’est manifestée dans la rue. La réaction des forces de l’ordre a été d’une violence terrible et plus de 40 manifestant(es) ont été assassinés. La solidarité internationale a contribué à dénoncer la violence étatique. Depuis, les réformes impopulaires ont été retirées, mais la violence continue.

Aux Philippines, le gouvernement a adopté une nouvelle loi antiterroriste en juillet 2020, au début de la pandémie et en plein confinement strict à la maison. Dans ce contexte, les syndicalistes et les dissident(es) sont devenus plus vulnérables au harcèlement et à la violence étatiques. Le personnel du secteur de l’éducation et les membres du syndicat de l’Alliance of Concerned Teachers (ACT) ont été soumis à une surveillance illégale et certains membres de la direction du syndicat ont reçu la visite de militaires à leur domicile ou au travail. Selon l’ACT, « malgré les attaques incessantes contre notre organisation et sa direction, les enseignant(es) ont poursuivi sans relâche leurs justes combats. »  Dans le secteur de l’eau, Ramir Corcolon, le secrétaire général de WATER, un féroce critique de la privatisation des services d’eau et un tenant du contrôle public, a été incarcéré en mars 2021.

Partout, malgré les conditions difficiles, les dirigeant(es) et les militant(es) syndicaux résistent et ripostent avec succès. La présidente de SINTRACUAVALLE en Colombie, Margarita Lopez, a dit au SCFP que « nous voyons dans cette urgence l’occasion d’un nouveau réveil, d’un nouveau monde, d’un monde plus humain ». SINTRACUAVALLE est le syndicat de personnel du secteur de l’eau en Colombie.

C’est dans des moments comme ceux que nous vivons qu’en plus de la négociation collective, le rôle du mouvement syndical pour la promotion de politiques et de mesures qui profitent à l’ensemble de la société prend une plus grande urgence. C’est également dans ces moments que la solidarité internationale devient essentielle.