Les travailleuses et travailleurs qui bénéficient d’une augmentation de salaire sont souvent blâmés pour la hausse de l’inflation. Heureusement, de plus en plus de gens se posent des questions quant à l’impact des profits des entreprises sur la flambée des prix des produits de consommation.
Certaines grandes multinationales ont dit ouvertement à leurs actionnaires que la hausse des prix se traduisait par une augmentation de leurs revenus. En 2021, la multinationale Proctor & Gamble a déclaré devoir augmenter ses prix pour compenser l’incertitude et l’augmentation des coûts. Or, en janvier 2022, elle annonçait à ses actionnaires une hausse de ses revenus de 6 % au cours du dernier trimestre de 2021 par rapport à l’année précédente. Cette nouvelle a fait grimper le cours de ses actions, multipliant ainsi les bénéfices pour ses cadres supérieurs et ses actionnaires.
Comment des entreprises peuvent-elles augmenter leurs prix plus que nécessaire en pleine pandémie mondiale, et ce, sans conséquence? Comment, dans ce contexte, des compagnies peuvent-elles sans gêne se vanter de réaliser des profits astronomiques? Regardons-y de plus près.
Au cours des 20 dernières années, un important phénomène de concentration a affecté de nombreux secteurs de l’économie, au Canada comme ailleurs dans le monde. En effet, un nombre de plus en plus petit d’entreprises contrôle une part de plus en plus grande du marché. Par exemple, la plupart des couches pour bébés vendues en Amérique du Nord sont fabriquées par deux sociétés : Proctor & Gamble et Kimberly Clark.
Selon la théorie économique, les prix restent bas lorsqu’il y a concurrence entre plusieurs joueurs. À l’inverse, lorsque seules deux ou trois grandes entreprises accaparent le marché, les prix augmentent souvent plus rapidement que les coûts. L’économie canadienne est particulièrement vulnérable à cette tendance parce que, lors de l’évaluation des fusions proposées, nos lois sur la concurrence accordent la priorité aux gains d’efficience potentiels associés à de plus grandes entreprises.
Lorsque les choix qui s’offrent aux consommateurs sont restreints, les entreprises ne se soucient pas de paraître trop gourmandes en soulignant à grands traits la hausse de leurs prix et de leurs profits. Il est toutefois démontré que cette ‘’transparence’’ est associée à une augmentation de la rémunération des dirigeant(e)s.
Un rapport récent du Centre canadien de politiques alternatives montre que les primes, comme les options d’achat d’actions, continuent de gonfler la rémunération des cadres supérieurs : elles représentaient 82 % de la rémunération totale des 100 plus importants PDG canadiens en 2020. Ainsi, les revenus totaux des cadres supérieurs dépendent fortement du cours de l’action. Et il est clair que les entreprises qui attirent l’attention sur la hausse de leurs prix et de leurs bénéfices, comme Proctor & Gamble l’a fait l’année dernière, en sont récompensées lorsque le cours de leurs actions s’envole.
Tirer profit de la pandémie n’est pas le seul moteur de l’inflation actuelle, mais il semble bien que ce soit un facteur important au Canada comme aux États-Unis. Les travaux du regroupement Canadiens pour une fiscalité équitable ont révélé que 50 des plus grandes entreprises canadiennes ont réalisé des profits records en 2020. Parmi les grandes gagnantes de la pandémie au Canada, on retrouve des compagnies des secteurs de la finance et de l’assurance, des entreprises comme Dollarama et Couche-Tard, ainsi que cinq fiducies de placement immobilier.
Lorsque quelqu’un essaie d’accuser les travailleuses et les travailleurs pour la hausse du coût de la vie, soulignez simplement que les profits des entreprises, les dividendes des actionnaires et la rémunération des cadres supérieurs ont continué d’augmenter tout au long de la pandémie. Les profits ’’pandémiques’’ sont une preuve de plus que la richesse ne ruisselle pas de haut en bas. Nous devons nous battre pour des salaires justes et une fiscalité équitable des entreprises.