Joseph Leonard-Boland | Service de Recherche du SCFP

Selon deux nouveaux sondages du SCFP menés auprès des employés de bibliothèque de partout au pays, les emplois précaires dans le secteur des bibliothèques sont un défi majeur pour les équipes de négociation du syndicat.

Le travail précaire peut être du travail à temps partiel, temporaire, occasionnel ou contractuel. Il offre moins d’heures de travail permanent à temps plein. Il y a moins d’avantages sociaux, comme l’accès aux prestations d’assurance-maladie complémentaire ou aux régimes de retraite. En plus de constituer un défi pour les négociateurs syndicaux, la précarité est synonyme d’injustice sociale, car elle creuse le fossé entre les riches et les pauvres tout en accentuant la pression sur les services publics.

En 2014, le sondage national du SCFP auprès des membres a révélé que les emplois permanents à temps partiel sont les plus courants chez les employés des bibliothèques publiques. Ces résultats ont incité les délégués au Congrès national du SCFP de 2015 à adopter une résolution visant à mener une enquête approfondie sur les emplois précaires auprès des employés de bibliothèque du SCFP dans tout le pays, et ce, sur plusieurs années.

Détails de l’enquête

Dans le cadre de la phase 1 du projet d’enquête, un sondage téléphonique aléatoire a été mené auprès des employés de bibliothèque du SCFP qui travaillent dans des bibliothèques publiques autonomes (bibliothèques ayant leur propre section locale du SCFP, qui ne font pas partie d’une autre section locale et qui ont leur propre convention collective). Le SCFP représente 119 unités de négociation de bibliothèques publiques autonomes au Canada. De ce nombre, les membres de 71 unités de négociation ont participé au sondage, ce qui représente 60 pour cent de toutes les unités de négociation autonomes. Un total de 805 employés de bibliothèque publique membres du SCFP y ont participé.

Dans le cadre de la phase 2, un sondage en ligne a été mené auprès des employés de bibliothèque qui travaillent dans les bibliothèques municipales, universitaires ou scolaires. Les mêmes questions ont été posées dans les phases 1 et 2. Par coïncidence, 805 employés de bibliothèque ont répondu au sondage en ligne, soit le même nombre que ceux qui ont répondu au sondage téléphonique dans la phase 1. Vingt pour cent des membres ayant participé à la phase 2 travaillent dans des bibliothèques universitaires, 29 pour cent dans des bibliothèques municipales, 44 pour cent dans des bibliothèques scolaires et six pour cent dans des bibliothèques provinciales ou régionales.

L’enquête a révélé des niveaux de précarité semblables dans les différents types de bibliothèques. Cinquante-deux pour cent des employés des bibliothèques publiques autonomes ont déclaré occuper un emploi précaire ou être à risque de tomber dans le travail précaire. Dans le cas des membres des bibliothèques municipales, universitaires et scolaires, le pourcentage est de 54 pour cent.

Les résultats des phases 1 et 2 sont également semblables en ce qui concerne les caractéristiques des employés de bibliothèque qui ont un emploi précaire. L’enquête a permis de tirer les conclusions suivantes :

  • la précarité tend à diminuer avec l’âge.
  • la précarité tend à diminuer à mesure que le revenu augmente.
  • il y a des différences géographiques en matière de précarité d’emploi, avec des taux plus élevés d’emplois précaires dans l’Ouest.
  • les employés de bibliothèque qui ont des emplois précaires ont davantage tendance à travailler moins d’heures qu’un horaire à temps plein, gagnent moins de 40 000 dollars par année, ont plus d’un emploi et travaillent comme commis ou assistants de bibliothèque.
  • les employés de bibliothèque ayant un emploi précaire ont davantage tendance à travailler dans des bibliothèques municipales et à être membres de sections locales de 500 à 999 membres. 

Les résultats de l’enquête révèlent également que la précarité est un enjeu lié aux droits de la personne. Les employés de bibliothèque ayant un emploi précaire sont souvent des femmes, des personnes gaies, lesbiennes, queer ou bisexuelles, autochtones, racisées ou ayant un handicap. Les résultats indiquent aussi que les employés de bibliothèque ayant un emploi précaire sont en général moins actifs dans leur section locale. Cela met en évidence la nécessité de bâtir des stratégies de mobilisation plus vigoureuses. Le sondage national mené auprès des dirigeants syndicaux du SCFP en 2016 avait permis de tirer la même conclusion.

Le projet d’enquête révèle aussi plusieurs tendances clés que les comités de négociation devront prendre en compte. Les résultats des deux sondages révèlent, sans surprise, que la plupart des employés de bibliothèque sont des femmes : 79 pour cent des participants à la phase 1 et 85 pour cent des participants à la phase 2.

De plus, les employés des bibliothèques autonomes occupent davantage des emplois permanents à temps partiel et moins d’emplois permanents à temps plein par rapport à l’ensemble des membres du SCFP. C’est l’inverse pour les employés des bibliothèques municipales, universitaires ou scolaires, qui déclarent occuper plus souvent des emplois permanents à temps plein et moins souvent des emplois permanents à temps partiel.

De nombreux employés de bibliothèque à temps partiel sont à la recherche d’un emploi à temps plein, mais l’attente peut être longue. Quarante et un pour cent des employés de bibliothèque à temps partiel qui ont participé à la phase 2 sont activement à la recherche d’un emploi à temps plein, comparativement à 31 pour cent dans la phase 1. Deux fois plus d’employés de bibliothèque dans la phase 2 ont cherché un emploi à temps plein pendant au moins cinq ans, par rapport à ceux de la phase 1. Dans l’ensemble, les résultats démontrent qu’il faut parfois plusieurs années pour obtenir un emploi à temps plein dans une bibliothèque. Dans la phase 1, 63 pour cent des employés des bibliothèques publiques ont attendu jusqu’à dix ans pour obtenir un emploi à temps plein. Par comparaison, le pourcentage de la phase 2 est de 55 pour cent.

Les sondages démontrent clairement les défis auxquels font face les négociateurs syndicaux dans le secteur des bibliothèques. Les bibliothèques sont des carrefours communautaires vitaux et des endroits où les gens peuvent acquérir des connaissances et accéder à des renseignements. Cela fait de la lutte contre le travail précaire dans le secteur des bibliothèques une priorité majeure pour les équipes de négociation du SCFP, et pour le syndicat dans son ensemble.