Pierre Ducasse | Employé du SCFP
Les politiques de transition juste sont un élément essentiel de notre réponse à la crise climatique. C’est pourquoi elles sont au cœur des revendications syndicales visant à obtenir les changements nécessaires pour relever les défis environnementaux.
Le débat fait rage sur ce que de tels programmes impliqueraient. Nous avons donc demandé à deux membres du Comité national de l’environnement du SCFP d’expliquer leur point de vue sur l’avenir qui nous attend.
Tiffany Balducci, une membre du SCFP 1281, est impliquée au sein de Green Jobs Oshawa. Après la fermeture de l’usine automobile de GM à Oshawa, la communauté a dû chercher des solutions pour conserver de bons emplois. Après de nombreux efforts, certains de ces emplois sont revenus à Oshawa. Et, étonnamment, c’est en partie grâce à la pandémie de COVID-19, puisqu’on a transformé un secteur de l’usine pour y produire des masques.
Nous avons questionné Tiffany Balducci sur sa perception d’une transition juste comme outil de lutte contre les changements climatiques et comme moyen de changer les modes de travail et de vie. Sa réponse est allée droit au but.
« Une transition juste est un cadre de changement pour faire face à l’urgence climatique à travers l’optique de la main-d’œuvre. Le rôle des syndicats comme le SCFP est crucial en ce sens. Nous avons aussi besoin d’une optique locale, car ce qui fonctionne dans une communauté peut échouer dans une autre. Nous devons aider les travailleuses et travailleurs à conserver leur emploi tout en réduisant les émissions. Nous devons passer à des méthodes de travail plus vertes », a-t-elle expliqué.
« Nous devons également examiner les politiques environnementales et la transition juste dans une optique de genre et dans une perspective féministe. Les femmes occupent déjà, et trop souvent, des emplois précaires et moins sûrs. Et c’est sans compter le travail non reconnu et non rémunéré effectué par les femmes. Il est également clair que la violence à l’égard des femmes augmente en temps de crise, de chômage ou d’incertitude. Il faut donc, tout en rendant l’économie plus verte, rendre la société plus équitable. Une transition juste doit tenir compte des besoins des femmes », a-t-elle poursuivi.
« Mais pour être juste, la transition ne doit pas abandonner des travailleuses et travailleurs ou des groupes traditionnellement vulnérables ou opprimés », a souligné Tiffany Balducci, membre du SCFP 1281.
La crise climatique affecte en effet les femmes de manière disproportionnée. Et les femmes sont souvent celles qui portent la charge mentale des responsabilités familiales. Avec la multiplication des catastrophes naturelles, mais aussi avec de nouvelles exigences écologiques pour la cuisine, le ménage ou l’achat de produits frais, dans un contexte où les prix s’envolent, les femmes voient augmenter leur charge de travail et leur niveau de stress, à l’échelle mondiale.
Carina Ebnoether est membre du SCFP 4091 qui représente 1300 agent(e)s de bord à la base d’Air Canada à Montréal. Le secteur de l’aviation a été durement touché par la pandémie ; des milliers d’emplois ont été perdus. Certains agent(e)s de bord, par exemple, ont trouvé un emploi temporaire dans l’effort de vaccination de leur province sans perdre leurs avantages sociaux du secteur aérien.
« Nous pouvons apprendre de cette expérience, voir ce qui a bien ou moins bien fonctionné comme solution. Certaines leçons apprises durant la pandémie pourraient être appliquées, même indirectement, à la crise environnementale et à la nécessité d’une transition juste », a dit Carina Ebnoether.
Comme Tiffany Balducci, elle croit que nous devons examiner les outils de transition juste à travers une optique de genre.
Elle croit que nous devons agir à tous les niveaux pour faire face aux défis environnementaux et lutter contre les inégalités, en particulier envers les femmes.
Au niveau global, les changements climatiques affectent toute notre planète, exacerbant les inégalités sociales. Elle se dit préoccupée par les catastrophes naturelles, la pauvreté, l’accès à la nourriture et à l’eau, la non-reconnaissance du travail des femmes et de leurs luttes quotidiennes. Les femmes des pays en développement font preuve d’une résilience remarquable, mais elles ont besoin d’un appui mondial. En fait, l’Accord de Paris sur le climat oblige les parties à promouvoir l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes face aux aléas des changements climatiques.
Au niveau local, elle reconnait que ces aléas sont tout aussi importants : perte et déplacement d’emplois, marginalisation des personnes vulnérables ou déjà en situation de pauvreté, manque de nouvelles infrastructures, ou systèmes mal adaptés aux besoins des femmes.
« Par exemple, l’offre de formation et de requalification doit s’accompagner de flexibilité afin d’accommoder les femmes qui ont des obligations familiales ou d’autres défis. Nous devons également protéger les salaires et les avantages sociaux des femmes, ainsi que l’accès de celles-ci à de bons emplois syndiqués », a-t-elle ajouté.
La pandémie a décimé de nombreuses industries, entraînant des pertes d’emplois et des bouleversements communautaires qui ne peuvent être résolus qu’avec des programmes de transition juste. Le passage à une économie carboneutre entraînera aussi d’importants changements qui affecteront les travailleurs et, surtout, les travailleuses.
« Dans notre réflexion, nous devons faire attention à nos angles morts et tenir compte des besoins des groupes qui souffrent d’inégalités », a insisté Carina Ebnoether, membre du SCFP 4091.
Tiffany Balducci et Carina Ebnoether conviennent toutes deux que l’impact des politiques de transition juste ne se limitera pas au secteur privé. Le secteur public sera fortement touché lui aussi par les changements environnementaux et technologiques. C’est pourquoi le SCFP veillera à ce que nos membres du secteur public fassent partie de la solution.
Téléchargez la mise à jour de la Politique environnementale du SCFP en réponse à l’aggravation de la crise climatique.