La pandémie de la COVID-19 a exposé les liens qui nous unissent les uns aux autres. Notre santé et notre bien-être dépendent en effet de la santé et du bien-être de tout le monde dans nos communautés, dans notre pays et dans le monde entier. Au cours des derniers mois, nous avons vu clairement que lorsque certains d’entre nous ne sont pas en sécurité et bien protégés, nous sommes tous menacés.

La pandémie a également démontré que notre filet de sécurité sociale est usé et inefficace. Les services et programmes publics constituent la bouée de sauvetage qui va nous sortir de cette crise, mais ils sont sous-financés et manquent de ressources en raison des attaques subies au cours des dernières décennies.

Un récent sondage EKOS révèle que les gens comprennent l’importance d’avoir des services publics solides et que les gouvernements ont un rôle crucial à jouer dans l’économie. Près des trois quarts des répondants disent qu’ils s’attendent à une « vaste transformation de notre société » lorsque la crise sera terminée, 70 % affirmant que cette transformation devrait se concentrer sur notre santé collective et notre bien-être.

Un sondage de l’Institut Broadbent démontre un soutien généralisé envers les dépenses nécessaires pour reconstruire et élargir l’accès aux services publics et rendre notre économie plus équitable. Il y a un consensus croissant selon lequel le profit n’a pas sa place dans les soins de longue durée ni dans les autres types de soins. La pandémie a démontré les impacts négatifs de la privatisation, de la déréglementation et de l’application laxiste des lois du travail et de la santé et sécurité au travail. Alors que le Canada commence à se remettre et à planifier la relance, nous avons la responsabilité d’imaginer ce à quoi notre économie pourrait ressembler. 

Une partie importante de cette reconstruction de l’économie consiste à concevoir de nouvelles règles de gestion de l’activité économique. Il faut veiller à ce que ces règles soient centrées sur les besoins des personnes et de l’environnement, et non sur les profits des entreprises. Il n’y a pas d’économie sans citoyens, travailleurs ou consommateurs.

Augmenter le pouvoir des travailleurs

Réécrire de nouvelles règles pour les travailleurs est primordial. Nous comptons tous sur les employés des services essentiels et partageons tous la responsabilité de veiller à ce qu’ils puissent travailler en toute sécurité, qu’ils soient suffisamment rémunérés et qu’ils soient traités avec dignité.

À tous les niveaux de gouvernement, il est possible d’améliorer les normes d’emploi et les lois du travail, ainsi que de mieux appliquer les lois et les règlements actuels. Les syndicats insistent depuis des années sur la nécessité d’augmenter le salaire minimum, et réclament que les employeurs et les gouvernements cessent de miser toujours plus sur les emplois précaires. Les lois actuelles rendent le travail précaire attrayant pour les employeurs, et il est temps que ça change.

Les congés de maladie payés assortis d’une protection d’emploi sont un enjeu majeur. Avant la pandémie, la plupart des travailleurs non syndiqués n’avaient droit qu’à un ou deux jours de congé de maladie non payé, et beaucoup d’entre eux n’avaient pas de congés garantissant le retour au travail s’ils tombaient malades ou devaient s’isoler. La plupart des provinces ont modifié leurs lois afin de prolonger la durée des congés de maladie non payés. Les travailleurs sont donc exposés à des pertes de revenus et aux pressions des employeurs les forçant à travailler pendant qu’ils sont malades.

De plus, les travailleurs étaient confrontés à la nécessité de prendre un congé non payé pour prendre soin de leurs enfants, puisque les services de garde et les écoles étaient fermées en raison de la pandémie. Selon les données de l’Enquête sur la population active de Statistique Canada, ce sont les femmes qui ont principalement assumé cette responsabilité. La pandémie a souligné l’importance de notre système public d’éducation, et la nécessité d’un programme national de services de garde.

Les travailleurs syndiqués ont de la difficulté à faire respecter leurs droits en matière de santé et sécurité, et de nombreux employés doivent retourner sur un lieu de travail qu’ils estiment dangereux ou démissionner, ce qui élimine leur droit aux prestations de soutien du revenu. Cette situation est plus fréquente dans les secteurs à faible revenu et dans ceux qui embauchent beaucoup de travailleurs migrants, comme l’industrie de transformation des aliments. Les travailleurs ont besoin de mesures de de santé et de sécurité solides et applicables, et d’avoir accès aux équipements de protection personnelle nécessaires.

Viser plus haut pour tout le monde

Lorsque la pandémie a commencé, les conséquences immédiates ont été la mise à l’arrêt d’une grande partie de notre économie et de nos activités quotidiennes. De nombreux travailleurs se sont retrouvés sans l’aide nécessaire pour suivre les directives de santé publique et de confinement. Les congés non rémunérés ne sont pas suffisants pour permettre aux travailleurs de rester à la maison. La plupart des familles canadiennes n’ont pas assez d’argent pour couvrir leurs dépenses pendant deux semaines sans salaire. C’est donc dire que plusieurs ont manqué de ressources pendant l’arrêt prolongé que nous avons subi. Le soutien du revenu joue un rôle important pour stabiliser les besoins des communautés durement touchées, en plus d’aider les personnes à satisfaire leurs besoins fondamentaux.

Au cours des 25 dernières années, les gouvernements fédéraux successifs ont réduit l’accès à l’assurance-emploi, et ont fermé les yeux face au fait que le programme ne permettait plus de fournir un soutien à un nombre croissant de travailleurs précaires. Les employés à faible salaire, à temps partiel, temporaires ou contractuels ont été profondément touchés par la première série de fermetures et de mises à pied en mars. Pourtant, ces personnes sont les moins susceptibles d’être admissibles aux prestations de l’assurance-emploi.

Les prestations d’urgence offertes par le gouvernement fédéral, dont la Prestation canadienne d’urgence (PCU), ont fourni à plus de sept millions de Canadiens un soutien d’urgence en avril. Mais de nombreux travailleurs vulnérables ont été négligés; ceux qui n’avaient pas suffisamment de revenus pour avoir droit à la PCU, les travailleurs saisonniers qui n’ont pas droit à l’assurance-emploi et les travailleurs temporaires des agences de placement qui sont souvent payés en argent comptant et qui ont de la difficulté à obtenir des relevés de paie. À long terme, il faudra concevoir un nouveau programme d’assurance-emploi qui offre un soutien à tous les travailleurs et repenser l’aide sociale pour assurer une vie décente aux personnes qui ne sont pas en mesure de travailler.

Renforcer les services publics

Après des années d’austérité et de dépendance au secteur privé pour résoudre les problèmes et fournir les services, nous avons dû faire des pieds et des mains pour répondre adéquatement à la soudaine crise économique et sanitaire. Investir dans le secteur public doit mener à la reprise de l’économie et de notre société afin qu’elles soient plus résistantes à l’avenir. La Banque du Canada a abaissé son taux d’intérêt directeur à 0,25 % et agit à titre de prêteur en achetant des obligations directement des gouvernements fédéral et provinciaux. Le taux d’intérêt des obligations de 30 ans du gouvernement fédéral est seulement de 2 %, ce qui rend l’investissement fédéral dans les infrastructures publiques et les programmes essentiels plus abordable que jamais.

Les gouvernements auront tendance à élaborer des plans de relance comme ils l’ont fait par le passé, soit en mettant l’accent sur le financement de projets d’infrastructure physique. Cependant, cette récession est différente. Elle touche les femmes, les employés des services à faible revenu, les travailleurs racisés et les travailleurs migrants beaucoup plus durement. Investir en plus dans l’économie des soins, notamment les soins de santé, les services sociaux et les services de garde d’enfants, engendrera des avantages sociaux et économiques beaucoup plus élevés que les coûts actuels d’emprunt et permettra de créer de bons emplois pour les personnes qui ont été le plus durement touchées par la crise économique. Investir dans les logements abordables contribuera aussi à remédier aux inégalités qui ont été exacerbées par les répercussions économiques de la pandémie.

Il y a déjà des voix qui réclament des mesures d’austérité et des privatisations, notamment par le biais de la Banque de l’infrastructure du Canada du gouvernement fédéral. On ne peut cependant stimuler la relance en réduisant les budgets. La privatisation coûte plus cher, tout en offrant moins. Après la récession de 2008, le gouvernement fédéral a mis fin trop rapidement à ses mesures de soutien économique et s’est concentré sur les compressions et l’équilibre du budget au lieu de renforcer notre filet de sécurité. La politique des dépenses dans les infrastructures favorisait les PPP inefficaces et coûteux, ce qui a forcé les municipalités de tout le Canada à se limiter à des projets de faible qualité et à accroître leur dette.

Jamais auparavant avons-nous connu un bouleversement économique comme celui-ci. Mais nous avons connu des périodes de grand changement. Nous ne savons pas ce qui nous attend lors des prochains mois et des prochaines années. Cependant, nous savons que nous nous en sortirons mieux si nous nous réunissons à bâtir une société et une économie qui fonctionneront pour tous. L’importance des services publics et des travailleurs de première ligne n’a jamais été aussi claire. Nous devons maintenant veiller à ce que les travailleurs et les solutions publiques soient au cœur de la reprise.