Pour la présidente du SCFP-C-.B., Karen Ranalletta, BC Transit « doit cesser de faire l’autruche »
Par Karen Ranalletta
Pour la plupart des travailleuses et des travailleurs du secteur public de cette province, les négociations contractuelles se déroulent entre leur syndicat et le représentant ou la représentante de l’agence publique britanno-colombienne qui les emploie. La grève est chose possible, mais très rare en période de gouvernement progressiste. Et, lorsque les pourparlers achoppent sur les salaires et les avantages sociaux, il y a toujours une possibilité de revenir à la table. Pourquoi ? Parce qu’il est dans l’intérêt des deux parties de le faire : si les syndicats représentent les gens qui fournissent le service, la plupart des employeurs ont des comptes à rendre à la population qu’ils sont chargés de servir.
Hélas, c’est bien différent pour les 213 membres du SCFP 561 employés par First Transit dans la vallée du Fraser, qui sont en grève depuis le 20 mars.
First Transit est une société privée basée aux États-Unis détenue par Transdev. Et Transdev est une multinationale française en activité dans dix-huit pays dont le chiffre d’affaires, en 2020, s’élevait à 7,4 milliards d’euros. Une entreprise aussi riche peut facilement se permettre d’offrir à ses employés le même salaire que les autres travailleuses et travailleurs du transport en commun de la région, ainsi qu’un régime de retraite pour leur permettre de vieillir dans la dignité. Mais l’entreprise refuse de respecter sa main-d’œuvre.
Cet opérateur de transport en sous-traitance paie les travailleuses et travailleurs de First Transit membres du SCFP 561 beaucoup moins que leurs homologues des réseaux de transport en commun voisins qui sont détenus et exploités par l’État, comme BC Transit, TransLink et la Coast Mountain Bus Company. (La nouvelle entente entre la CMBC et Unifor accorde des augmentations de salaire jusqu’au 1er avril 2025, ce qui fera prendre encore plus de retard aux membres du SCFP 561 : selon la dernière offre de First Transit, nos membres passeraient de 5,74 $ l’heure derrière leurs homologues de la CMBC en 2019 à 8,16 $ d’ici avril prochain.)
Le SCFP 561 a signifié un préavis de grève à la fin de janvier et a officiellement entamé ses moyens de pression le 2 février. Afin d’épuiser toutes les possibilités avant l’arrêt complet des services, et ainsi permettre à l’entreprise de revenir à la table avec une offre raisonnable, les chauffeuses et chauffeurs ont commencé par refuser de percevoir les tarifs. Ont suivi deux brèves interruptions de service, puis le début de la grève générale le 20 mars.
La plus longue grève des transports en commun de l’histoire de la Colombie-Britannique a eu lieu l’an dernier dans la région de Sea-to-Sky; elle a duré quatre mois. Celle-ci pourrait bien être bien plus longue. De toute évidence, rien ne pousse First Transit à reprendre les négociations avec une offre raisonnable, puisque ses principales obligations sont envers sa société mère et ses actionnaires étrangers. Les entreprises comme First Transit existent pour faire le plus de profit possible, pas pour payer les gens équitablement. Ni pour rendre des comptes à la population.
Pourquoi le siège social de First Transit, qui n’entretient aucun lien avec les communautés de la vallée du Fraser où ses autobus circulent, se soucierait-il des personnes handicapées qui sont confinées chez elles pendant la grève ? Ou des personnes âgées qui ratent leurs rendez-vous chez le médecin ? Ou des étudiant(e)s qui s’endettent encore plus à force de se déplacer en Uber pour se rendre à leurs examens ? Non, First Transit a le luxe de se cacher du public et de compter ses bénéfices pendant que ses employé(e)s font du piquetage dans le but d’obtenir un peu d’équité.
Étant donné que First Transit n’est ni significativement touchée par ce conflit de travail ni n’a de comptes à rendre à son sujet, la seule solution consiste à ce que BC Transit intervienne.
Ironiquement, les travailleuses et les travailleurs portent un uniforme à l’effigie de First Transit, mais les autobus qu’ils conduisent portent tous le logo et l’image de marque de BC Transit, tout comme les bâtiments où ils se présentent pour travailler. Et leur employeur continue d’être payé par BC Transit, en vertu de son contrat de service. Or, malgré ce lien étroit entre BC Transit et First Transit, ces gens ne reçoivent pas leur salaire de BC Transit et ils n’ont pas accès au régime de retraite de BC Transit. En fait, ils n’ont pas de régime de retraite du tout.
Soyons clairs : BC Transit porte la responsabilité de cette grève, puisque c’est elle qui a l’obligation de fournir des services de transport en commun dans la vallée du Fraser. Il revient à BC Transit de résoudre l’impasse et de remettre les autobus sur la route. Pourtant, elle refuse non seulement d’intervenir dans les négociations, mais même de discuter avec le SCFP.
À l’heure actuelle, cette société d’État devrait s’inquiéter non seulement de son image de marque, mais aussi de l’impact à long terme de ce conflit sur les transports en commun dans la vallée du Fraser, soit sur l’infrastructure et le service qu’elle est chargée de fournir.
Il est temps que les personnes les mieux placées pour mettre fin à cette grève se râclent les méninges à la recherche d’une solution. La population de la vallée du Fraser et nos membres du SCFP 561 ne méritent rien de moins.
Mais d’abord, BC Transit doit cesser de faire l’autruche.