Le Canada doit renégocier l’ALÉNA en ayant une stratégie en tête pour créer de bons emplois. Nous avons besoin d’emplois dans le secteur manufacturier et les services, des emplois avec un salaire, un régime de retraite et des avantages sociaux décents. Les infrastructures publiques, ainsi que l’universalité et l’accessibilité des services publics, sont essentiels à la santé de notre économie, une économie qui ne doit pas entièrement dépendre de celle des États-Unis.
Le SCFP exige que toute renégociation de l’ALÉNA comporte les éléments suivants :
- le retrait du chapitre 11 qui protège les droits des investisseurs.
- la protection des services publics, comme les soins de santé, l’énergie et l’éducation.
- la reconnaissance que l’eau n’est pas un produit, un service ou un investissement commercial.
- le renforcement des protections en matière de travail et d’environnement.
La réaction du premier ministre Trudeau à la victoire de Donald Trump est alarmante. Notre gouvernement semble avoir peur de l’administration Trump dans les dossiers de l’ALÉNA et de l’oléoduc Keystone XL. Quant aux manifestations canadiennes organisées en marge de la Marche des femmes à Washington, le premier ministre a félicité les manifestantes sur Twitter tout en s’abstenant de prendre un engagement envers les droits des femmes dans le monde.
Justin Trudeau a même été plus rapide que Donald Trump, offrant de rouvrir l’ALÉNA dès l’élection du nouveau président américain. Le premier ministre a ouvert la porte sans se demander ce que le Canada aurait à sacrifier ou encore quels changements les Canadiens désiraient obtenir.
Or, les travailleurs canadiens ont peur des conséquences d’une renégociation sur leur emploi. Ils craignent aussi pour la protection de notre environnement et le maintien de nos bonnes relations avec les travailleurs américains et mexicains.
- Lisez la déclaration du Congrès du travail du Canada sur la renégociation de l’ALÉNA.
Si l’ALÉNA est renégociée, le Canada devrait avoir comme premier objectif d’éliminer le chapitre 11. Depuis 1994, le pouvoir des gouvernements de gérer les affaires de l’État dans l’intérêt public s’érode. Le chapitre 11 permet en effet aux entreprises étrangères de poursuivre le gouvernement canadien. En raison de cette disposition de l’ALÉNA, le Canada est d’ailleurs le pays développé le plus poursuivi au monde.
Par exemple, ExxonMobil et Murphy Oil ont contesté en 2007 une exigence de Terre-Neuve-et-Labrador obligeant les entreprises du secteur de l’énergie à investir localement dans la recherche et le développement. Elles ont gagné leur cause et reçu 17 millions de dollars en dommages et intérêts. En date de 2015, le Canada avait perdu ou réglé hors cour six causes en vertu de l’ALENA, totalisant plus de 170 millions de dollars en compensations.
Même les conservateurs de Brian Mulroney avaient accepté de mettre certains pans de l’économie canadienne à l’abri de l’ALÉNA, dont les produits culturels, quelques monopoles publics comme Hydro-Québec et les municipalités. Tout nouvel accord de libre-échange doit maintenir les exemptions qui protègent des secteurs clés de l’économie canadienne.
En rayant toute référence à l’eau, on pourra protéger nos ressources collectives contre les menaces d’exportation d’eau en vrac, empêcher la privatisation des services d’eau et assurer aux gouvernements le dernier mot dans la gestion de cette ressource précieuse et limitée.
Lors de la négociation de l’ALÉNA, les protections en matière de travail et d’environnement ont été diluées. Elles ont été inscrites dans un accord parallèle qui ne prévoit pas de mécanisme d’application efficace. C’est ce qui permet aux multinationales de bafouer ces droits. C’est particulièrement vrai au Mexique où les compagnies américaines et canadiennes intimident les gouvernements et les syndicats les moins puissants afin d’enfreindre toutes sortes de clauses protégeant l’environnement et les droits du travail. Le Mexique et les grandes entreprises étrangères qui s’y sont installées ferment les yeux sur les « contrats de protection » signés par des « syndicats fantômes ». Si on renégocie l’ALÉNA, il faut intégrer les protections en matière de travail et d’environnement dans l’accord lui-même. En outre, toute infraction devra entraîner des sanctions commerciales.
Enfin, cette renégociation ne doit pas se dérouler en secret. Ce sont tous les Canadiens (pas uniquement le premier ministre Trudeau et sa ministre du Commerce international, Chrystia Freeland) qui doivent décider si l’ALÉNA qui convient à Donald Trump est un ALÉNA qui convient aussi à la population canadienne.
Le SCFP est le plus gros syndicat au Canada. Nous avons la responsabilité de protéger les droits des travailleurs, les services publics et l’environnement. Nous sommes solidaires des travailleurs et des citoyens des États-Unis et du Mexique. Ensemble, nous nous battrons pour obtenir un accord équitable et qui nous convient à tous.
Nous prions le gouvernement Trudeau de choisir son camp, celui des travailleurs et des citoyens, et d’agir en conséquence.