Photo de Patricia Mayo à la bibliothèqueMarystown (Terre-Neuve)
SCFP 2329

« Il y a toujours quelqu’un qui a besoin d’une bibliothèque! »

Je suis bibliotechnicienne depuis 31 ans à la bibliothèque Marystown Memorial à Terre-Neuve. Je suis passionnée par les bibliothèques depuis mon enfance et je me suis sentie vraiment chanceuse de pouvoir rejoindre l’équipe de la bibliothèque en 1992, lorsqu’il y a eu un départ à la retraite. Notre bibliothèque est située dans l’école primaire Sacred Heart Academy, et elle est à la fois une bibliothèque scolaire et publique. J’adore accueillir les élèves et travailler dans une bibliothèque mixte.

Au jour le jour, je gère les prêts de livres, je range les étagères et je catalogue notre collection. Je suis aussi responsable des rapports statistiques mensuels et quotidiens, qui sont liés au financement de la bibliothèque. Je supervise les prêts interbibliothèques qui nous sont envoyés par la poste, ce qui permet au public d’emprunter n’importe quel livre de n’importe quelle bibliothèque de la province ou d’ailleurs. J’aide aussi les gens à faire des photocopies, des télécopies et des numérisations, et j’organise des activités de groupe communautaires et des lectures de contes. Accueillir et aider les gens est au cœur de mon travail et je chéris le sentiment d’appartenance que je ressens à administrer ma bibliothèque.

La notion du silence à la bibliothèque a évolué depuis mon enfance. L’époque où il fallait se taire à la bibliothèque est révolue. L’atmosphère feutrée a fait place à un environnement dynamique et animé. Aujourd’hui, notre bibliothèque accueille des classes, ce qui offre aux élèves la liberté de parler à leurs camarades et à leurs enseignants(e)s. Notre milieu s’est adapté aux nouveaux besoins d’apprentissage.

Notre bibliothèque est aussi un pilier de la communauté. C’est un lieu de rencontre tant pour les gens qui aiment les livres que pour ceux et celles qui recherchent un accès Internet gratuit. Pour certaines personnes, c’est une bouée de sauvetage essentielle. Par exemple, une personne vient à notre bibliothèque à vélo uniquement pour utiliser l’Internet. D’autres viennent pour accéder à des outils technologiques difficilement accessibles à la maison, comme un ordinateur, une imprimante, un numériseur ou un télécopieur. Les parents viennent souvent faire la lecture à leurs enfants, ce qui favorise l’amour des livres dès qu’ils sont tout-petits.

En 2016, le gouvernement terre-neuvien a annoncé la fermeture de 54 des 95 bibliothèques publiques de la province à cause de graves coupes budgétaires, mettant ainsi 64 emplois en danger. Le gouvernement prévoyait garder les bibliothèques des grandes villes ouvertes et fermer celles des écoles et des localités rurales. Ça a été une période difficile, mais ma section locale a réagi rapidement et s’est battue.

Après deux ans d’efforts inlassables, nous avons gagné et le gouvernement a annoncé que toutes les bibliothèques à Terre-Neuve-et-Labrador resteraient ouvertes. Les bibliothèques jouent un rôle essentiel : si elles devaient fermer leurs portes, le public perdrait l’accès à plusieurs ressources précieuses.

Pourtant, malgré notre victoire en 2018, un risque de fermeture plane encore au-dessus de notre bibliothèque. Puisqu’elle est située dans une école, notre bibliothèque pourrait être convertie en salle de classe si l’école manquait d’espace. Il serait très difficile de trouver un autre local pour notre bibliothèque, étant donné le peu d’espace disponible dans notre ville.

Les compressions budgétaires ont aussi eu d’autres répercussions sur notre bibliothèque. Tout d’abord, je travaille 26 heures par semaine et ce nombre n’a jamais changé depuis mon embauche en 1992, malgré l’évolution des besoins de la communauté. Les contraintes financières affectent aussi le nombre de livres que je peux acheter, entraînent l’annulation de certains abonnements à des magazines et entravent notre capacité à moderniser nos technologies.

Une hausse du financement provincial me permettrait non seulement de travailler plus d’heures, mais aussi de bonifier les achats de livres et les ressources technologiques. La province doit maintenir son soutien aux bibliothèques, reconnaître leur importance pour nos communautés et les garder ouvertes. Il y a toujours quelqu’un qui a besoin d’une bibliothèque!

Comme employée de bibliothèque, je fais parfois de petites choses qui ont un grand impact sur les personnes qui cherchent de l’aide. Par exemple, il y a cinq ans, un couple de personnes âgées est venu à la bibliothèque pour avoir de l’aide en vue d’obtenir un permis de pêche. Ces personnes avaient du mal à remplir leur demande à la maison et, même si elles vivent en dehors de Marystown, elles sont venues à la bibliothèque pour voir si on pouvait les aider. J’ai rencontré quelques difficultés au cours du processus, mais j’ai réussi à envoyer la demande pour leur permis. Pour me remercier, la femme m’a chaleureusement serré dans ses bras et est revenue le lendemain pour m’apporter un café et un muffin.

Ce geste a marqué le début d’une nouvelle forme d’amitié : chaque année, le couple revient à la bibliothèque avec un café et une gâterie pour me demander personnellement de renouveler leur permis de pêche. Leur gentillesse inébranlable me donne l’impression d’être appréciée – avec ou sans gâteries.