Paul Whyte | Employé du SCFP

Partout au pays, les membres du SCFP des établissements d’enseignement postsecondaire se battent contre l’exploitation du personnel enseignant.

Les conditions de travail des assistant(e)s de recherche (AR) et d’enseignement (AE), des correcteurs et correctrices, et des appariteurs et apparitrices, s’effritent constamment. Bas salaires, heures de travail trompeuses et manque de transparence dans l’affichage des postes trahissent l’hypocrisie des universités qui ne pratiquent pas ce qu’elles enseignent, entachant ainsi leur réputation.

Des vides juridiques permettent aux universités de remplacer de bons emplois par des postes précaires et mal rémunérés.

« À l’Université Dalhousie, l’employeur prend parfois des descriptions de poste et des tâches effectuées au taux horaire plus élevé des AE pour les ajouter à la description d’un poste de correcteur ou correctrice, ou un poste d’appariteur ou apparitrice, à un taux horaire inférieur », explique le président du SCFP 3912, Cameron Ells. « Notre grève de 2022 a permis de rapprocher ces taux. Le taux horaire pour les postes en correction est passé de 66 % à 80 % du salaire des AE. »

De nombreux programmes d’études supérieures exigent que les étudiant(e)s occupent un poste académique. Ceux-ci sont donc obligés d’accepter un emploi mal rémunéré, précaire et très prédateur afin de terminer leurs études. Mais ces travailleuses et travailleurs sont en train de renverser la tendance à la table de négociation comme ailleurs.

Le SCFP mène la charge pour rééquilibrer le pouvoir dans les grands établissements d’enseignement postsecondaire, notamment l’Université McMaster, l’Université de Toronto et l’Université Dalhousie.

Grève de trois semaines pour des salaires équitables

Plus de 1500 membres du SCFP 3912 de l’Université Dalhousie à Halifax, en Nouvelle-Écosse, ont fait du piquetage pendant trois semaines en octobre 2022 pour protester contre des salaires qui n’ont pas suivi ceux de leurs pairs d’autres universités et le coût de la vie. Ils étaient en négociation collective depuis novembre 2020, mais l’employeur refusait toujours de corriger une grande disparité entre les salaires à Dalhousie et ceux des autres grandes universités canadiennes.

« Partout au pays, les travailleuses et travailleurs universitaires se battent pour l’équité », soutient Cameron Ells. « Les ressources collectives et les expériences mises à notre disposition par l’entremise du syndicalisme, comme en témoignent les grèves en Ontario, à l’Université Dalhousie et ailleurs, sont la preuve que nous pouvons apporter des améliorations significatives à nos conditions de travail. » 

La méthode de mobilisation qui s’est avérée la plus efficace pour réaliser des gains collectifs consiste à nourrir les liens entre membres, l’autonomisation et la confiance.

« Les membres de la section locale se sont rapprochés, comme une famille syndicale. Nous nous sommes appuyés sur nos allié(e)s du SCFP à travers le pays pour gagner le soutien massif et l’élan nécessaires pour décrocher une convention collective considérablement améliorée », explique Jean-Philippe Bourgeois, vice-président du SCFP 3912, représentant les chargé(e)s de cours de l’Université Dalhousie. « Quand on a affaire à une énorme et riche entité corporative comme Dalhousie, il faut rester soudés pour exiger les changements nécessaires. Nous avons bénéficié du soutien des 715 000 membres du SCFP, du personnel du SCFP et d’allié(e)s syndicaux nationaux qui se sont battus pour la justice à nos côtés. »

Devant la mobilisation des membres, l’employeur a été contraint de bonifier considérablement son offre pour ces travailleuses et travailleurs qui comptent parmi les moins bien rémunérés des 15 grandes universités de recherche au Canada. La nouvelle convention collective de quatre ans augmente le salaire de base des chargé(e)s de cours de 23 %, celui des AE de 23 % et celui du personnel de correction, des appariteurs et des apparitrices d’un pas de géant de 44 %.

Quand syndicats et associations étudiantes se rejoignent

Dans le monde syndical, les alliances sont cruciales à l’obtention de changements concrets qui ont des répercussions positives sur la main-d’œuvre et l’ensemble de la société.

À l’Université Dalhousie, le SCFP 3912 a trouvé un puissant allié dans le mouvement étudiant, à savoir l’association étudiante de Dalhousie.

Pendant la grève historique à l’université, l’association étudiante de Dalhousie (Dalhousie Student Union, ou DSU) a agi en solidarité avec le SCFP. Elle a sensibilisé les étudiant(e)s sur les raisons de la grève, les a encouragés à soutenir les grévistes qui sont aussi souvent des étudiant(e)s, et a même organisé des manifestations politiques pour maintenir la pression sur l’employeur et exiger qu’il négocie en toute équité. 

« En collaboration avec l’association étudiante, l’association des enseignant(e)s et d’autres, nous avons rassemblé le corps étudiant et le personnel pour exiger que Dalhousie fasse mieux », dit Cameron Ells. « L’employeur a été influencé par la voix des gens qui paient des frais de scolarité aujourd’hui et qui verseront peut-être des dons plus tard. Nos voix unies ont eu un impact au niveau local et à l’échelle du pays. Notre syndicat et nos actions ont réussi à remettre en question le statu quo. »

Cette solidarité a été encore plus galvanisée par la COVID-19, pendant laquelle les droits du travail et d’autres droits fondamentaux, en particulier ceux concernant la santé et la sécurité, ont été ardemment mis à l’épreuve. Bien que l’expertise sectorielle et les objectifs des syndicats puissent différer, le bien public demeure un intérêt primordial qui les unit.

« Nous sommes tous et toutes dans le même bateau ; lorsque nos droits sont menacés, il est impératif de nous unir pour nous défendre les uns les autres », souligne Jean-Philippe Bourgeois.

À travers le pays, les tensions ouvrières atteignent leur paroxysme : les gens réclament non seulement un meilleur salaire pour faire face à l’inflation, mais aussi de meilleures conditions de travail en général. La dotation en personnel et les niveaux de service, la qualité de vie et l’accès aux congés payés, les horaires et la flexibilité en matière de télétravail sont au cœur des préoccupations des travailleurs et travailleuses, surtout de ceux et celles qui ont persévéré en première ligne pendant la pandémie. Les jeunes en particulier, notamment du secteur postsecondaire, sont à la recherche d’un lien d’emploi significatif et décent.

Ainsi, ce n’est pas surprenant qu’en cette période d’inflation record, de stagnation salariale dans le secteur public et d’envolée des profits corporatifs, les travailleuses et travailleurs s’unissent à la population derrière des causes communes, à la poursuite du bien public. Les chances sont peut-être contre eux, mais le pouvoir collectif des travailleuses et travailleurs et leur capacité à se mobiliser règnent en maîtres.