Les membres du personnel à la protection de l’enfance n’ont jamais eu affaire à une telle crise : des collègues en larmes dans leur voiture, en congé pour cause de stress ou terrifié(e)s à l’idée que le manque de ressources cause la mort d’un enfant. Voilà ce qui motive la grève actuelle à la Société de l’aide à l’enfance d’Ottawa – et qui décrit également ce que vit le personnel à Soutien aux enfants et aux familles de Hamilton (SEFH).
« Ce à quoi est confronté le personnel à Ottawa reflète ce qu’on vit. On est la dernière ligne de protection pour les enfants. Qu’est-ce que ça dit sur les valeurs de notre gouvernement si les personnes chargées de la sécurité des enfants souffrent de stress chronique et ne disposent pas d’assez de ressources pour faire leur travail? », souligne Shannon King, travailleuse de première ligne à la protection de l’enfance et présidente du SCFP 5300 qui représente près de 190 membres du personnel à SEFH. Au cours des 18 derniers mois, SEFH a licencié 19 employé(e)s et refusé de remplacer quatre départs. « On a réduit l’effectif au maximum. Celles et ceux qui restent doivent porter un plus lourd fardeau, et les familles reçoivent moins de soutien », résume-t-elle.
La semaine dernière, à Ottawa, les membres de SCFP 5300 ont distribué du café et des beignets sur la ligne de piquetage et ont versé 1 500 $ à leur fonds de grève en signe de solidarité. En plus de ces dons, les membres lancent un avertissement aux familles et aux dirigeant(e)s politiques de Hamilton : le personnel va se retrouver dans cette même situation, luttant désespérément pour obtenir davantage de ressources, lorsque les négociations commenceront en 2025.
Depuis des années, le mandat des agences de protection de l’enfance vise à soutenir les enfants dans leur communauté plutôt qu’à les placer en famille d’accueil. C’est un objectif louable, mais ce virage a fait en sorte que le personnel ne dispose pas des ressources nécessaires pour retirer un enfant de son milieu lorsqu’il faut assurer sa sécurité.
« Dans un monde idéal, on laisse toujours l’enfant avec sa famille, ses proches ou sa communauté. Mais on ne vit pas dans un monde idéal. On doit éviter le pire. Le placement est une solution de dernier recours, mais c’est essentiel d’assurer la sécurité de l’enfant, précise Shannon King. À l’heure actuelle, on laisse des enfants dans des situations dangereuses, non pas parce que c’est ce qu’il y a de mieux, mais parce qu’on n’a pas les moyens de faire quoi que ce soit d’autre. Il nous manque une douzaine d’employé(e)s et de lits pour pouvoir répondre aux besoins de notre communauté, et c’est ce qui est en jeu pour la prochaine ronde de négociations. »
Un rapport publié en juin par le Bureau de la responsabilité financière a dévoilé que le gouvernement Ford a octroyé 3,7 milliards de dollars de moins que ce qui était prévu pour financer ses engagements à l’égard des services sociaux.
« Le gouvernement a l’argent, mais il n’a pas l’air de s’en soucier. Le message qu’il envoie au personnel et aux familles est de trouver des solutions suffisamment sûres. Mais un campement ou un foyer familial sans surveillance adéquate n’est jamais assez sûr pour un enfant », explique Monique Taylor, porte-parole du NPD en matière de services à l’enfance et à la jeunesse. « On sait que le gouvernement dispose des ressources nécessaires pour soutenir le personnel et les familles, et les aider à vivre le mieux possible. Mais il ne s’en préoccupe tout simplement pas. Notre communauté mérite d’être considérée comme une priorité. Elle mérite mieux. »