La clientèle ne voit pas encore les fissures dans les services, mais les travailleuses et travailleurs essentiels de première ligne et de soutien de la Société d’aide à l’enfance de Toronto (SAET) les sentent se creuser depuis des années. C’est pourquoi ils ont confié un mandat de grève quasi unanime à leur syndicat, à utiliser si l’employeur refuse de répondre aux besoins croissants des plus vulnérables de la ville.
Quatre-vingts pour cent des membres du SCFP 2316 (soit environ 400 des quelque 500 travailleuses et travailleurs de la protection de l’enfance, intervenant(e)s auprès des enfants et des jeunes, membres du personnel administratif, etc. qui le composent) ont voté à 94 pour cent en faveur de moyens de pression si l’employeur refuse d’investir adéquatement dans les services et la main-d’œuvre. Leur message est clair : ils soutiennent leur équipe de négociation.
« Nous acceptons ces emplois parce que nous voulons aider les enfants et les familles », explique Aubrey Gonsalves, président de la section locale 2316 du SCFP. « Nous fournissons des soutiens qui sauvent des vies, mais depuis trop longtemps, nous faisons ce travail important et stimulant malgré notre organisme, pas grâce à lui. Les familles ne voient pas les fissures se creuser parce que nous faisons tout notre possible, au point de faire passer les soins à la clientèle avant notre propre santé mentale, notre corps et notre vie. Elles ne voient pas l’épuisement professionnel, l’anxiété que nous ramenons à la maison, le stress qui nous ronge à mesure que les dossiers s’accumulent. Ce vote, c’est mes collègues qui disent que ça suffit. »
Au cœur de ce combat, on trouve la définition même des soins que la SAET a pour mandat de prodiguer. Alors que le gouvernement provincial a parlé de moderniser les SAE de la province et que la haute direction de Toronto a augmenté la charge de travail de chacun, M. Gonsalves et ses collègues veulent revenir à l’essentiel : donner aux gestionnaires de cas suffisamment de temps pour tisser des liens avec les enfants et les familles, pour les comprendre et comprendre le contexte communautaire, pour fournir des conseils réfléchis et mener les soins jusqu’au bout.
Depuis des années, la haute direction ignore les appels des travailleuses et des travailleurs à une solution à la charge de travail. Le défi n’a fait que s’aggraver ces dernières années, les SAE de toute la province étant devenues des soignants de dernier recours en raison de la fermeture des organismes communautaires pendant la pandémie. Pour ajouter l’insulte à la frustration croissante, en 2023 MediaCorp Canada a reconnu la SAET comme l’un des meilleurs employeurs de la région du Grand Toronto, malgré une crise de dotation qui a vu un exode de travailleuses et de travailleurs, chassés par les mauvaises conditions de travail, le manque de soutien et l’érosion des salaires.
« La direction n’admet même pas l’existence du problème, parce que les gens assis dans leur bureau pensent que tout va bien tant que les chiffres évoluent dans la bonne direction, déplore Aubrey Gonsalves. Mais c’est nous qui sommes sur le terrain, c’est nous qui travaillons avec ces enfants qui ont vécu de la violence et ces femmes qui ont survécu à la maltraitance. Nos travailleuses et nos travailleurs protègent et sauvent des vies, ils soutiennent et renforcent les familles, mais nous avons besoin de temps et de ressources pour faire tout ça. »
L’équipe de négociation doit retourner à la table le 30 mai.