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Le texte qui suit est un reportage spécial en ligne pour le bulletin santé et sécurité du SCFP, Le Canari. S’abonner. Voir les éditions précédentes.
  

La mort de 26 mineurs de charbon de la mine Westray à Plymouth en Nouvelle-Écosse en 1992 a marqué un point tournant dans le domaine de la santé et sécurité au Canada.

À la suite d’une explosion de méthane tellement puissante qu’elle a arraché le toit de l’entrée de la mine en plus de briser des vitres et d’ébranler les maisons des villes environnantes, les Canadiens ont assisté au travail des secouristes qui ont tenté d’explorer toutes les avenues possibles pour trouver des survivants. Mais la triste vérité s’est finalement imposée ; tous les mineurs descendus dans la mine ce jour-là ont été tués.

L’événement a été une grande tragédie pour tous les Canadiens. Mais pour les militants de la santé et sécurité de partout au pays, la mort de ces mineurs était un appel aux armes, un cri de ralliement en vue d’une bataille pour obtenir des améliorations aux inspections sur les lieux de travail et l’adoption de lois sur la santé et la sécurité au travail dans l’ensemble du pays. Aujourd’hui, dans la foulée du 20e anniversaire de la tragédie de la mine Westray, les lois canadiennes sur la santé et la sécurité se sont améliorées, mais les inspections et l’application des lois demeurent des sources de préoccupation. Il y a toujours plus de 1 000 décès au travail chaque année au Canada – un chiffre beaucoup plus élevé que dans plusieurs autres pays industrialisés.

Qu’est-ce que Westray ?

La mine Westray était une mine de charbon souterraine qui a ouvert ses portes en septembre 1991 à Plymouth, Comté de Pictou, Nouvelle-Écosse. On prétendait qu’il s’agissait d’une mine à la fine pointe de la technologie où on avait recours aux toutes dernières technologies minières et aux appareils informatisés de surveillance de la sécurité les plus modernes, mais des problèmes de sécurité ont été identifiés dès le début de l’exploitation. Au cours du seul premier mois d’exploitation, il y a eu trois éboulements majeurs. Peu après, un mineur de Westray, Carl Guptill, a informé le ministère du travail provincial de l’existence d’une série de problèmes de santé et sécurité. Malheureusement, ces problèmes ont été ignorés et M. Guptill a été congédié par la minière.

Quelques mois plus tard, à 5 h 18 un samedi matin, une puissante explosion tuait les 26 mineurs qui travaillaient ce jour-là.

  • Voir des photos du mémorial de la mine Westray. Photos : Syndicat des Métallos
      

L’enquête Westray

Environ une semaine après l’explosion, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a ordonné la tenue d’une enquête publique sur la tragédie. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a mis sur pied une Commission royale d’enquête sur l’accident et les problèmes de sécurité qui ont mené à la catastrophe. Le SCFP a activement participé à l’enquête. Les conclusions ont été rendues publiques en 1997. Le rapport affirmait que la mine était mal gérée, que la sécurité des mineurs était négligée et qu’une surveillance inadéquate de la part des organismes réglementaires du gouvernement avait contribué au désastre.

Le rapport d’enquête comprenait de nombreuses recommandations allant de la formation à la ventilation en passant par les procédures d’intervention d’urgence. Un élément clé du rapport était une recommandation visant à ce que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse procède à une révision de ses lois en matière de santé et sécurité et qu’il prenne les mesures nécessaires pour s’assurer que les dirigeants des entreprises faisant affaire dans la province soient tenus de rendre des comptes lorsque leur entreprise a négligé de s’assurer que ses lieux de travail étaient sécuritaires. Mais il a fallu des années et un intensif travail de lobbying de la part des syndicats pour que la loi soit finalement modifiée de façon à se conformer à cette recommandation.

Accusations et procès

Le 5 octobre 1992, la compagnie minière a été accusée de 52 manquements à la loi sur la santé et sécurité. Plusieurs mois plus tard, la couronne a retiré ses accusations en vertu de la Loi sur la santé et sécurité afin de préserver la possibilité de porter des accusations criminelles. En avril 1993, deux directeurs ont été accusés d’homicides involontaires, mais ces accusations ont immédiatement été invalidées par un juge. En juillet, de nouvelles accusations ont été portées, mais après un long procès, les accusations ont été abandonnées et la Cour d’appel a jugé qu’un nouveau procès devait avoir lieu. Malgré le fait que la Cour suprême a maintenu le jugement ordonnant un nouveau procès, les procureurs de la couronne ont décidé de ne pas poursuivre parce qu’ils disaient ne pas disposer de preuves suffisantes pour obtenir des condamnations.

Personne n’a jamais été tenu responsable de la mort de ces 26 mineurs.

Le mouvement syndical fait du lobbying pour un resserrement des lois

À la lumière du procès et de ses résultats, le CTC et ses affiliés ont fait du lobbying auprès du gouvernement fédéral afin que les lois sur la santé et la sécurité soient renforcées de façon à ce qu’une mauvaise gestion d’un lieu de travail menant à un décès devienne un crime. Des projets de loi d’initiative parlementaire ont été présentés à la Chambre des Communes, mais tous sont morts au feuilleton. Finalement, en 2003 – plus de 11 ans après la catastrophe – le projet de loi C-45, aussi connu sous le nom de Loi Westray modifiant l’article 217.1 du Code criminel, a été adopté. La modification au Code criminel est libellée ainsi :

« 217.1 Il incombe à quiconque dirige l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche ou est habilité à le faire de prendre les mesures voulues pour éviter qu’il n’en résulte de blessure corporelle pour autrui. » 

Ce changement à la loi a imposé une responsabilité pénale pour les actes posés par les organisations et leurs représentants. Il impose à toute personne dirigeant le travail d’autres personnes une obligation légale de prendre toutes les mesures raisonnables pour la protection de la sécurité des travailleurs et du public.

Application de l’article 217.1

Malgré le décès au travail d’environ 8 000 personnes au Canada depuis que la loi a été adoptée, très peu de poursuites ont été entamées contre des employeurs en vertu de cette loi. Contrairement aux lois sur la santé et la sécurité dont l’application est confiée à des inspecteurs du travail, ce sont les services policiers et les procureurs de la couronne qui sont responsables de l’application du Code criminel au Canada. En conséquence, lorsqu’un accident grave survient sur un lieu de travail, ce sont les policiers et les procureurs de la couronne qui doivent enquêter et décider si des accusations criminelles doivent être déposées. Malheureusement, les procureurs hésitent à porter des accusations, invoquant le plus souvent un manque de preuves.

Sommes-nous plus en sécurité ?

Tant que les employeurs ne seront pas tenus responsables de leurs actes en vertu du Code criminel, les travailleurs canadiens continueront de mourir en grand nombre sur leurs lieux de travail.

Le Congrès du travail du Canada a récemment publié un guide :  Les décès et accidents au travail : Un guide pour faire enquête sur la négligence criminelle par les entreprises lors de blessures sérieuses et de décès au travail. Le guide contient des instructions et des conseils en soutien aux travailleurs qui veulent obtenir des changements aux normes de santé et sécurité sur leur lieu de travail.

Trop souvent, les employeurs et les gouvernements négligent leur obligation de s’assurer que les travailleurs bénéficient de lieux de travail sains et sécuritaires. Les mineurs de Westray ont identifié des conditions de travail dangereuses, mais ils n’avaient pas de moyens légaux pour réclamer des changements. Ils ont payé de leur vie alors que l’employeur a échappé à toute responsabilité.

Aujourd’hui, grâce à plusieurs batailles menées par les syndicats, la loi est de notre côté. Mais comme les gouvernements et les employeurs refusent d’être tenus responsables de leurs actes, c’est à nous que revient la responsabilité d’exiger une application plus sévère de la loi et de faire en sorte que tous les travailleurs puissent retourner à la maison en santé et en sécurité à la fin de leur journée de travail.