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Par Jamie Kass , représentante du Congrès du travail du Canada à la table ronde du Conseil sectoriel des ressources humaines des services de garde à l’enfance, et Bozica Costigliola, consultante en communications, services de garde à l’enfance et main-d’œuvre.

Bien des gens du secteur estiment que syndicats et services de garde à l’enfance ne peuvent aller de pair. En effet, on veut bien des syndicats dans les milieux industriels, mais ce n’est pas à eux qu’il faut confier la définition des relations de travail dans un secteur social non traditionnel. On souligne que la syndicalisation pourrait compromettre les relations de collégialité entre travailleuses et travailleurs, direction des centres et membres bénévoles des conseils d’administration, et diluer l’engagement des pourvoyeuses et pourvoyeurs de soins à l’égard de leur travail. Qui plus est, l’entrée d’un syndicat pourrait obliger un centre de services de garde à fermer ses portes parce qu’il serait incapable d’assumer les coûts accrus de salaires et d’avantages sociaux plus élevés. Qui pourrait rechercher ou tolérer tous ces inconvénients ?

Personne, bien sûr, et sûrement pas les syndicats eux-mêmes, comme le présent texte le démontrera. Nous montrerons que les syndicats, loin de jouer un rôle négatif, exercent une influence positive dans les garderies et dans le secteur en général. De plus, lorsque l’on tient compte des avantages pour les travailleuses et travailleurs et des services eux-mêmes, la syndicalisation devient une stratégie importante de recrutement et de conservation du personnel, deux des principaux défis que le secteur doit relever aujourd’hui au Canada.

Globalement, les garderies syndiquées favorisent des programmes de meilleure qualité et attirent des éducatrices et éducateurs de la petite enfance plus expérimentés et mieux formés. Les syndicats mettent en œuvre un modèle de professionnalisme et de relations en milieu de travail inclusif, démocratique et collectif. Ils soutiennent le perfectionnement professionnel, la formation à un coût abordable et la réglementation des services et de la profession. De plus, ils appuient depuis longtemps l’égalité des femmes et la création d’un réseau de garderies financées par l’État. Chacun de ces aspects est important en soi mais, ensemble, ils reflètent quelques-uns des problèmes connexes plus larges qui ont empêché le secteur d’attirer et de conserver des éducatrices et éducateurs de la petite enfance compétents.

Jusqu’à tout récemment, on possédait très peu d’information sur les effets de la syndicalisation dans le secteur. Cependant, une nouvelle étude qui explore l’influence des syndicats sur les salaires, les avantages sociaux, les conditions de travail et la qualité des services offerts dans les garderies donne un éclairage utile sur la question. L’étude, Syndicalisation et qualité des services éducatifs et de garde à l’enfance, s’est appuyée sur des données brutes tirées de deux des trois études Oui, ça me touche! afin d’établir une comparaison statistique entre les garderies syndiquées et non syndiquées. Une bonne partie de l’information utilisée dans le présent document s’inspire des conclusions de cette étude, dont la chercheuse principale était le Dr Gillian Doherty, une des auteures de la série Oui, ça me touche!.

Main-d’œuvre et problèmes de qualité

La plupart des travailleuses et travailleurs des garderies veulent un emploi bien rémunéré, des avantages sociaux qui procurent une certaine sécurité à long terme et de bonnes conditions de travail au jour le jour. Ils veulent aussi fournir un service de qualité et, ce qui est très important, souhaitent que leur travail soit reconnu.

Les garderies syndiquées permettent aux travailleuses et travailleurs des garderies d’atteindre ces objectifs et, à l’égard de nombre d’entre eux, elles ont livré la marchandise. L’étude Syndicalisation et qualité des services éducatifs et de garde à l’enfance révèle que les garderies syndiquées versent des salaires nettement plus élevés que les garderies non syndiquées (8,3 % de plus pour les éducatrices et éducateurs). Un plus grand nombre de garderies offrent des avantages sociaux qui ont des répercussions positives sur les conditions de travail au jour le jour des pourvoyeuses et pourvoyeurs de soins, comme des périodes de préparation rémunérées, une rémunération pendant les réunions à l’extérieur des heures de travail et un local réservé au personnel. En proportion plus grande, les garderies syndiquées offrent à leur personnel des avantages sociaux comme l’assurance invalidité, l’assurance-maladie complémentaire, l’assurance-vie, un complément aux prestations de maternité de l’assurance-emploi et des régimes de retraite. Ces avantages peuvent avoir des répercussions énormes sur la vie des travailleuses et des travailleurs de garderies.

Par exemple, les régimes de retraite influencent les perspectives financières à long terme du personnel. Au fur et à mesure qu’ils vieillissent, les travailleuses et travailleurs de garderies se préoccupent plus de leur sécurité financière à la retraite. Récemment, les syndicats ont pris des mesures importantes afin d’accroître l’accès aux régimes de retraite pour les travailleuses et travailleurs des garderies et la protection accordée par ces régimes.

Par exemple, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui représente quelque 15 000 travailleuses et travailleurs de garderies au Canada, est à mettre sur pied un régime de retraite multisectoriel prévu spécifiquement pour les travailleuses et travailleurs de petits établissements, comme les garderies.

Mais la réussite la plus importante a été enregistrée au Québec. La Confédération des syndicats nationaux, le principal syndicat représentant les travailleuses et travailleurs des garderies au Québec, de même que la Centrale des syndicats du Québec, ont négocié récemment un régime de retraite pour tous les employées et employés des garderies avec le gouvernement provincial et les groupes d’employeurs. C’est une percée importante qui touche plus de 20 000 travailleuses et travailleurs des garderies au Québec. Grâce à la protection accordée par les régimes de retraite, ces travailleuses et travailleurs pourront sans doute plus facilement considérer leur travail comme une carrière à long terme. L’augmentation des taux de conservation du personnel qualifié découlant de cette victoire entraînera une amélioration de la qualité des services de garde à l’enfance.

Étant donné les améliorations à caractère financier et qualitatif que les syndicats peuvent apporter aux travailleuses et travailleurs des garderies, il n’est pas étonnant que l’étude Syndicalisation et qualité des services éducatifs et de garde à l’enfance ait aussi constaté que les garderies syndiquées ont moins de difficulté à recruter et à conserver à leur emploi un personnel compétent :

  • Les taux de roulement des éducatrices et éducateurs de la petite enfance étaient plus faibles dans les garderies syndiquées.
  • Un plus grand nombre de travailleuses et travailleurs syndiqués déclaraient s’attendre à travailler encore dans leur garderie un an plus tard et à demeurer dans le domaine des services de garde à l’enfance dans trois ans.
  • Les directrices et directeurs de garderie ont déclaré avoir moins de difficulté à recruter du personnel et à le conserver.

Le lien avec la qualité

L’étude a aussi démontré l’existence d’un lien direct entre syndicalisation et qualité des services de garde à l’enfance. En effet, elle a permis de constater que les garderies syndiquées ont des modes de fonctionnement et des caractéristiques qui appuient des programmes de grande qualité, y compris un personnel mieux formé et des ratios enfants-personnel légèrement meilleurs (le plus souvent négociés par le syndicat dans la convention collective). Comparativement aux garderies non syndiquées, les garderies syndiquées affichent aussi de meilleurs résultats en ce qui concerne la qualité générale des programmes. L’étude conclut que « … la syndicalisation est bénéfique non seulement pour la main-d’œuvre dans le secteur, mais également pour les enfants qui fréquentent des garderies syndiquées, leurs parents et la société dans son ensemble. » (Page ii)

Cependant, les résultats quantitatifs de l’étude statistique n’indiquent pas pour quelles raisons les garderies syndiquées ont pu réaliser ces améliorations des conditions de travail et de la qualité des services. C’est particulièrement vrai dans le cas des garderies à l’extérieur du Québec, où il n’existe aucune politique familiale cohérente. Après tout, les garderies syndiquées sont financées de la même façon que les garderies non syndiquées.

Plusieurs raisons expliquent cette capacité de progresser des garderies syndiquées. Premièrement, on accorde plus d’attention aux problèmes du personnel dans un environnement syndiqué tout simplement parce que les syndicats ont justement pour rôle d’aider les travailleuses et travailleurs à améliorer collectivement leur qualité de vie. Deuxièmement, les syndicats jouent un rôle central dans le mouvement de pression en faveur de l’augmentation combien nécessaire des fonds publics aux services de garde à l’enfance et, à ce titre, avec d’autres défenseurs des services de garde à l’enfance, ils ont obtenu quelques bons résultats. Troisièmement, les syndicats qui représentent les travailleuses et travailleurs du secteur public estiment que la protection et l’amélioration des services font partie de leur mandat. L’action sociale aux niveaux politique et législatif constitue un moyen de cibler et d’atteindre ces objectifs. Mais les syndicats croient aussi qu’il existe une méthode complémentaire et essentielle d’amélioration des services, soit garantir que le personnel soit traité de manière équitable et qu’il soit bien soutenu, ce qui lui permet de faire un bon travail.

Ainsi, la syndicalisation amène les travailleuses et travailleurs de garderies à voir leur travail et leur milieu de travail à la fois du point de vue du pourvoyeur de soins et du point de vue des intérêts de l’enfant. Les pourvoyeuses et pourvoyeurs de soins syndiqués analyseront les problèmes comme la charge de travail, la santé et la sécurité et les autres appuis qui les aident à bien fonctionner au travail. (Les tables à langer en sont une illustration concrète. En effet, une garderie syndiquée veillera à ce que ces tables soient sans danger pour les bébés et les tout-petits et trouvera des façons, comme en ajuster la hauteur, afin de réduire au minimum les risques pour les travailleuses et travailleurs qui soulèvent des enfants à de nombreuses reprises.) La convention collective et le processus de négociation collective offrent les moyens et l’occasion d’élaborer des solutions visant à améliorer les conditions de travail qui ont aussi un lien direct avec la prestation de meilleurs services. La travailleuse ou le travailleur dont la charge de travail est raisonnable évolue dans un contexte positif pour la santé et la sécurité qui lui procure le soutien nécessaire pour faire un bon travail.

Un moyen d’obtenir du pouvoir

Chaque pourvoyeuse ou pourvoyeur de soins n’a généralement pas le pouvoir d’influencer beaucoup ses conditions de travail et nombre d’entre eux estiment être incapables de provoquer des changements. La syndicalisation leur donne un moyen de faire entendre leur voix et d’obtenir le pouvoir d’influencer le milieu de travail. En l’absence de syndicat, les travailleuses et travailleurs n’ont aucun moyen de faire valoir des questions comme la rémunération et les conditions de travail et de négocier des ententes satisfaisantes à ce sujet avec l’employeur.

La syndicalisation donne aux travailleuses et travailleurs le droit d’exiger d’être entendus et reconnus. C’est vrai tant sur les lieux de travail que dans le syndicat, qui doit rendre des comptes à ses membres et qui a l’obligation de défendre leurs intérêts. La syndicalisation donne donc aux travailleuses et travailleurs des garderies l’occasion d’exercer un certain pouvoir sur leur vie au travail et de ne pas se voir comme les victimes des actions ou des omissions des autres. Cette habilitation est une condition importante de la capacité de mettre en œuvre des stratégies d’amélioration de la situation économique des travailleuses et travailleurs des garderies et de la reconnaissance dont ils jouissent de façon générale. Ils jouent un rôle particulièrement utile dans un secteur à prédominance féminine où, en outre, le travail n’est pas considéré à sa juste valeur par la société.

Professionnalisme

Le professionnalisme a souvent été utilisé comme un obstacle à la syndicalisation dans le secteur des services de garde à l’enfance. Les syndicats ont parfois eu l’impression d’être exclus des discussions sur le professionnalisme parce que, en bien des milieux, on estime que le mouvement syndical s’y oppose. En fait, les syndicats croient que le professionnalisme permet de soutenir et de reconnaître les travailleuses et travailleurs compétents qui offrent des services de qualité aux enfants et de maintenir des normes élevées en matière de prestation de services. Pour les syndicats, la syndicalisation et la négociation collective sont des éléments essentiels qui permettent d’instaurer les caractéristiques de professionnalisme visant toutes les personnes qui travaillent dans le secteur. Les négociations collectives, qui prévoient les conditions de travail et les avantages sociaux, aident les travailleuses et travailleurs à bien faire leur travail et à reconnaître la valeur de l’apport de chacun. De cette façon, la syndicalisation favorise et soutient le professionnalisme.

Professionnalisme et réglementation

Le mouvement syndical a toujours défendu la réglementation générale du secteur des services de garde à l’enfance. Cette réglementation englobe un vaste éventail de questions, y compris les normes, les ratios personnel-enfants, les exigences relatives à l’environnement physique de travail, le financement et les compétences de base du personnel. Les services de garde à l’enfance sont probablement les seuls services sociaux quasi publics qui ne sont pas fortement réglementés et les syndicats expliquent ce phénomène par le fait que ces services et les personnes qui les offrent ne sont pas reconnus à leur juste valeur. Pour les syndicats, la réglementation de ces services constitue tout simplement la priorité. La réglementation par voie législative de la profession en découlerait, mais ne viendrait pas nécessairement en premier. En effet, puisque la majorité de la main-d’œuvre se retrouve dans la portion non réglementée et informelle du secteur, cette dernière ne serait à peu près pas touchée par les normes professionnelles si les services eux-mêmes n’étaient pas réglementés. De plus, il est extrêmement difficile d’organiser des associations professionnelles (et des syndicats, pour la même raison) dans un secteur largement non réglementé.

Professionnalisme et négociation collective

Le mouvement syndical intègre bon nombre de facteurs importants à sa définition du professionnalisme dans le secteur des services de garde à l’enfance :

  • Éducation/formation pour obtenir les titres de compétence voulus
  • Perfectionnement du personnel pour qu’il puisse demeurer à jour et fournir des services de qualité
  • Bonne rémunération correspondant à la grande valeur du travail effectué
  • Conditions de travail qui aident les pourvoyeuses et pourvoyeurs de soins à bien faire leur travail

L’apport du mouvement syndical dans ces domaines par la négociation collective — une autre forme de réglementation — a été très concret. Par exemple, comme l’indique l’étude Syndicalisation et qualité des services éducatifs et de garde à l’enfance, ce n’est pas un hasard si les travailleuses et travailleurs syndiqués dans leur ensemble ont plus accès que leurs homologues non syndiqués à de la formation pendant les heures de travail et à du perfectionnement professionnel à l’extérieur des lieux de travail ou s’ils sont plus protégés par des conventions collectives qui prévoient le paiement des frais d’inscription, des congés payés et des remplacements pour leur permettre de suivre des séances de perfectionnement professionnel. Ce n’est pas non plus un hasard s’ils ont plus souvent accès à des pauses payées, à une rémunération pour les périodes de préparation et à des heures supplémentaires payées.

Par l’intermédiaire du Conseil sectoriel des ressources humaines des services de garde à l’enfance, le mouvement syndical est maintenant présent au comité de formation de la Fédération canadienne des services de garde à l’enfance, qui se penche sur des questions comme les normes professionnelles, la formation à distance, l’accréditation, la certification et la reconnaissance des acquis. Les syndicats estiment qu’ils ont des points de vue valables à présenter lors des discussions sur ces questions parce qu’ils ont une expérience dans le domaine et que leurs membres y ont un intérêt direct.

Professionnalisme : un modèle de rechange

Les syndicats pourraient convenir, avec d’autres intervenants du secteur qui estiment que les services de garde à l’enfance ne correspondent pas à un modèle classique de profession, qu’il faut élaborer un modèle de rechange. Dans ce modèle, il n’y aurait pas de place pour l’exclusion, entraînant l’installation d’un groupe sur un piédestal. Par exemple, le personnel de soutien dans les garderies (comme les cuisinières et cuisiniers et préposées et préposés à l’entretien), qui n’ont pas suivi de formation en éducation et en services de garde pour la petite enfance, devrait aussi voir reconnu son apport à la prestation de services de qualité et recevoir la formation voulue pour son travail. De plus, des travailleuses et travailleurs n’ayant pas les titres requis, mais qui ont acquis les compétences et l’expérience pour bien faire leur travail, devraient aussi être reconnus, tout comme ceux qui ont un diplôme. Dans un modèle de professionnalisme englobant, un organisme professionnel pourrait représenter uniquement les éducatrices et éducateurs de la petite enfance, mais le travail de chacun dans le secteur devrait être reconnu et apprécié. Cette méthode favorise la collégialité et réduit les divisions entre travailleuses et travailleurs. Elle favorise aussi les décisions plus démocratiques et collectives sur les questions qui touchent les travailleuses et travailleurs.

Le modèle du professionnalisme mis de l’avant par les syndicats est plus progressiste. Il englobe le processus de négociation collective, par lequel les membres décident ensemble des questions à débattre, de même que les efforts entre les périodes de négociation visant à résoudre les problèmes sous un angle plus collectif.

Un modèle de professionnalisme de rechange doit aussi favoriser une relation plus égalitaire et personnelle entre travailleuses et travailleurs des garderies et parents, plutôt qu’une relation plus impersonnelle d’« experts » qui traitent avec des clients. En effet, les parents ont des intuitions et des connaissances précieuses à transmettre en ce qui concerne les soins et le développement de l’enfant et leur expérience à cet égard doit être prise en compte. De plus, un modèle plus progressiste doit conserver la valeur de l’aspect émotif des services offerts aux enfants, tout en reconnaissant le rôle essentiel que les travailleuses et travailleurs des garderies jouent dans le développement et l’éducation des enfants.

Il est évident que les travailleuses et travailleurs seront plus disposés à travailler et à demeurer dans un établissement qui favorise la collégialité et le respect entre les diverses catégories de travailleuses et de travailleurs, les associe aux décisions globales qui touchent leur vie, favorise les bonnes relations avec les familles et reconnaît à la fois la valeur de l’aspect éducatif et émotif du travail.

Formation et éducation

Les syndicats favorisent l’adoption de normes minimales d’éducation et de formation et des moyens d’accès à la formation voulue. La recherche Syndicalisation et qualité des services éducatifs et de garde à l’enfance souligne que les garderies syndiquées ont tendance à vouloir et à attirer des travailleuses et travailleurs possédant plus de formation. Elles embauchent une plus grande proportion de personnel ayant au moins deux ans de formation en soins et en éducation de la petite enfance et une proportion plus faible d’éducatrices et d’éducateurs sans formation. Elles offrent aussi plus souvent des stages de formation aux étudiantes et étudiants en éducation de la petite enfance.

De façon plus générale, les syndicats ont toujours appuyé l’accès à une formation et à une éducation post-secondaires abordables et de grande qualité. En effet, l’éducation post-secondaire abordable est un élément essentiel du recrutement d’étudiantes et d’étudiants à temps plein et à temps partiel dans les programmes de soins et d’éducation de la petite enfance. Le mouvement syndical a appuyé et appuie encore énergiquement la reconnaissance des acquis, qui est une façon de connaître l’expérience que les éducatrices et éducateurs de la petite enfance ont déjà et leur permet de terminer leurs études en moins de temps.

Faire la promotion de meilleurs services de garde à l’enfance

Les attitudes sociales conservatrices bien implantées au sujet des services de garde à l’enfance, les politiques gouvernementales qui en ont résulté, ainsi que l’absence de financement sûr ont eu des effets négatifs sur le recrutement et la conservation des travailleuses et travailleurs de garderies. Dans chaque cas, les syndicats ont milité activement pour essayer de modifier ces attitudes afin d’améliorer la vie des travailleuses et travailleurs des garderies syndiquées et de favoriser l’instauration d’un réseau universel de services de garde à l’enfance. Pour le mouvement syndical, tous les enfants ont droit à des services de garde de qualité. Les services de garde à l’enfance sont aussi considérés comme un bien social et économique qui procure des avantages aux enfants, à leurs familles, aux mères (particulièrement, mais non exclusivement, aux membres de la population active rémunérée et aux étudiantes), aux employeurs et à la société dans son ensemble. Pour le mouvement syndical, offrir des soins et une éducation de qualité à la petite enfance et enseigner aux enfants à être des travailleuses et travailleurs, citoyennes et citoyens et voisines et voisins exemplaires est une responsabilité sociale commune. Par conséquent, les parents ne devraient pas avoir à en assumer seuls le fardeau financier. De plus, les travailleuses et travailleurs œuvrant dans les services de garde à l’enfance (des femmes dans une écrasante majorité) n’ont pas à subventionner ce service par leurs faibles salaires. En effet, ce serait discriminatoire et les gens perdraient alors le désir de choisir cette profession et d’y demeurer.

Les syndicats considèrent que des services de garde à l’enfance de qualité et abordables apportent un soutien familial important à nombre de leurs membres parce qu’ils aident les parents (particulièrement les mères) à joindre les rangs de la population active et à y demeurer. À l’interne, les syndicats ont toujours pris des mesures pour mieux faire comprendre à leurs membres la nécessité de défendre des services de garde à l’enfance de qualité et un réseau public de garderies au Canada. Par conséquent, les syndiquées et syndiqués favorisent nettement des services accessibles de grande qualité qui permettent à celles et ceux qui occupent un emploi d’aller travailler en toute tranquillité d’esprit.

De nombreux syndicats ont adopté des énoncés de politique précisant que les services de garde à l’enfance doivent être financés par l’État, accessibles à tous, de grande qualité et réglementés afin d’en assurer la qualité. Ce ne sont pas que des vœux pieux. En effet, plusieurs syndicats ont formé des comités de services de garde à l’enfance ou d’autres structures chargées de faire avancer le dossier des services de garde à l’enfance à l’interne et sur la place publique. Le mouvement syndical a aussi délégué des représentantes et représentants au Conseil des militantes et militants en faveur de la garde à l’enfance de l’Association canadienne pour la promotion des services de garde à l’enfance et au Conseil sectoriel des ressources humaines des services de garde à l’enfance. On peut donc voir que l’expérience du mouvement syndical dans le domaine des services de garde à l’enfance est de plus en plus intégrée aux grands débats dans le secteur et que les syndicats récoltent aussi les fruits de la collaboration et du dialogue avec les autres composantes du secteur.

Feuille de route des syndicats

À l’échelle locale, régionale et nationale, les syndicats participent depuis longtemps aux activités de défense des services de garde à l’enfance. Le mouvement syndical est fermement convaincu qu’un financement public massif est nécessaire pour garantir des services de grande qualité ainsi que des salaires et avantages sociaux suffisants pour les travailleuses et travailleurs de garderies. Les recherches ont montré clairement que les éducatrices et éducateurs sont le principal facteur dans la prestation de services de qualité à l’enfance et qu’une rémunération adéquate s’impose pour garantir une main-d’œuvre stable et compétente.

Les modes de financement actuels, qui reposent largement sur la contribution des parents pour financer le système, mettent en opposition la nécessité d’accorder des salaires et des avantages sociaux améliorés et la capacité des parents de se payer les services ou d’y avoir accès. C’est pour cette raison que les syndicats ont participé à des campagnes conjointes avec les parents afin d’amener les gouvernements à accroître les budgets et à subventionner les salaires pour respecter la nécessité d’accroître les salaires et les avantages sociaux tout en évitant des frais trop élevés aux parents.

Plusieurs campagnes collectives, avec une participation importante du mouvement syndical, ont cherché à persuader le gouvernement fédéral de faire des services de garde à l’enfance une priorité, tant sur le plan du financement que sur le plan politique.

Les campagnes provinciales ont pris diverses formes, de l’opposition active aux compressions dans les services de garde à l’enfance en Ontario et en Colombie-Britannique, à la demande de subventions d’exploitation au Manitoba, en passant par la proposition de créer dans les autres provinces et dans les territoires un modèle semblable à celui du Québec .

En 2001, par exemple, la Coalition ontarienne pour l’amélioration des services de garde à l’enfance et le SCFP ont lancé la campagne « Intensifier l’action en faveur des services de garde à l’enfance », qui a réuni des parents, des travailleuses et travailleurs des garderies et des militantes et militants en faveur des services de garde à l’enfance et des services sociaux dans une campagne d’éducation du public. La campagne a mieux fait comprendre les répercussions négatives des compressions budgétaires du gouvernement provincial dans le domaine des services de garde à l’enfance et du refus du gouvernement d’investir dans le secteur des fonds fédéraux destinés au développement de la petite enfance. Au Québec, les syndicats ont joué un rôle important dans l’adoption d’une politique sur les garderies à 5 $ par jour et les augmentations du financement public dans le secteur dépassent largement celles qui ont été enregistrées dans les autres provinces ou territoires.

En 1999, les syndicats québécois ont décroché des augmentations moyennes de 35,1 % sur quatre ans pour tout le personnel des centres de la petite enfance dans la province par la négociation centralisée, de même que l’engagement de négocier un régime de retraite et de procéder à une évaluation d’équité salariale. La même année, en Colombie-Britannique, les travailleuses et travailleurs des garderies syndiquées ont réussi à obtenir des augmentations de salaire et une amélioration des avantages sociaux (réduits depuis lors par le gouvernement Campbell) dans le cadre d’une campagne plus large menée par les travailleuses et travailleurs syndiqués du secteur des services sociaux communautaires. Les deux grands syndicats représentant le personnel des services de garde à l’enfance au Manitoba et la Manitoba Child Care Association ont été à l’avant-garde d’une campagne fructueuse de revendications salariales qui a permis d’obtenir une augmentation du financement des salaires de la part du nouveau gouvernement du NPD en 2001. En Saskatchewan, les syndicats d’employés du secteur public se sont unis à d’autres organisations communautaires et à des militantes et militants pour une campagne en faveur d’une augmentation d’équité salariale et de la rémunération dans les services sociaux communautaires, y compris les services de garde à l’enfance.

Les syndicats ont joué un rôle actif sur le plan législatif et ont remporté dernièrement une importante victoire en matière d’équité salariale en Ontario qui touchera 100 000 travailleuses du secteur, y compris les travailleuses de garderies. L’entente à l’amiable résulte d’une contestation fondée sur la Charte intentée par cinq syndicats contre le gouvernement provincial : le SCFP, le Syndicat des infirmieres et infirmiers de l’Ontario (ONA), le Syndicat des employées et employés de la fonction publique de l’Ontario, l’Union internationale des employés des services et le Syndicat canadien des métallurgistes unis d’Amérique. Les syndicats accusaient le gouvernement de maintenir une discrimination fondée sur le sexe en refusant de verser des rajustements d’équité salariale au-delà de décembre 1998. Le gouvernement a maintenant accepté de verser jusqu’à 414 millions de dollars en rajustements sur trois ans. Si les syndicats n’avaient pas soutenu cette contestation, elle n’aurait probablement pas débouché sur un résultat aussi positif.

Les mythes antisyndicaux ont la vie dure

Malgré toutes les preuves qui démontrent le contraire, de nombreuses personnes dans le secteur abordent encore avec scepticisme la question de la syndicalisation. Nous avons commencé le présent texte en soulignant les craintes des effets de la syndicalisation des services de garde à l’enfance sur la dynamique réelle ou imaginaire de collégialité au travail dont le secteur est fier. De nombreuses personnes estiment aussi que la syndicalisation affaiblirait l’engagement des éducatrices et des éducateurs à l’égard de leur travail.

Déboulonnons ces mythes. Les résultats de l’étude Syndicalisation et qualité des services éducatifs et de garde à l’enfance révèlent que les travailleuses et travailleurs syndiqués des garderies sont aussi dévoués que leurs collègues non syndiqués. Même si une proportion plus grande de garderies syndiquées versent une rémunération pour les périodes de préparation, les éducatrices et éducateurs syndiqués donnent quand même à leur garderie environ une demi-journée par semaine (heures supplémentaires non payées). L’étude souligne aussi que le personnel syndiqué est très fier de la garderie où il travaille et qu’il est très satisfait de ses relations avec les autres éducatrices et éducateurs. Fait plus éloquent encore, l’étude constate qu’il existe très peu de différence entre les dirigeantes et dirigeants de garderies syndiquées et non syndiquées en ce qui concerne leurs impressions sur le fonctionnement en équipe de leur personnel.

Les syndicats obligent-ils des garderies à fermer ? Nous n’avons pas de statistiques sur la question, mais nous savons que le risque de fermeture a été invoqué par certains exploitants de garderie à but lucratif pour contrer les activités de syndicalisation. Si un syndicat réussit à obtenir l’accréditation, la négociation d’une première convention collective peut être longue et difficile, particulièrement si le propriétaire, le conseil d’administration ou l’exploitant cherchent à briser le syndicat. Cependant, dans les centres où la direction a collaboré avec le syndicat afin d’améliorer les salaires, les avantages sociaux et les conditions de travail du personnel, les résultats ont été très positifs pour tout le monde et la relation de travail s’est consolidée. En fait, les garderies risquent bien plus de fermer à cause d’une absence de financement stable que par suite de la syndicalisation de son personnel.

Défis pour les syndicats

Malgré tout, même si les syndicats jouent un rôle positif dans les services de garde à l’enfance, ils ont encore beaucoup de travail à faire pour réussir des percées significatives au profit des travailleuses et travailleurs du secteur. Voici certains des défis que les syndicats doivent relever :

Stratégies de recrutement améliorées et plus concertées

Seule une petite minorité de travailleuses et travailleurs des garderies sont syndiqués et ils le sont presque exclusivement dans le secteur réglementé, qui lui-même est minoritaire dans le domaine des services de garde à l’enfance . Malgré leurs faibles salaires et leurs mauvaises conditions de travail, les travailleuses et travailleurs des garderies ne se tournent pas automatiquement vers la syndicalisation comme moyen de régler leurs problèmes au travail. Les syndicats doivent accorder la priorité au recrutement des travailleuses et travailleurs des garderies et élaborer des stratégies afin de faire connaître les avantages de la syndicalisation aux personnes qui travaillent dans le secteur. Le mouvement syndical doit aussi songer à des méthodes de recrutement et de représentation qui tiennent mieux compte des besoins et des caractéristiques du secteur, par exemple des points de vue féministes qui s’adaptent à la composition massivement féminine de cette main-d’œuvre. De plus, les syndicats doivent examiner des moyens organisationnels ou structurels pour aborder la question de la représentation de petites unités de négociation. En effet, certains syndicats n’accordent pas beaucoup d’importance au recrutement dans le secteur des services de garde à l’enfance à cause du temps et des ressources qu’il faut investir dans le recrutement de travailleuses et travailleurs travaillant dans de petites unités.

Le Syndicat de la fonction publique du Manitoba (MGEU), membre du Syndicat national des employées et employés généraux du secteur public, a fait du recrutement dans le secteur une priorité. En effet, le MGEU a élaboré une stratégie globale et à long terme de recrutement dans les garderies en confiant le mandat à une personne issue du secteur et qui le connaît bien. Un des éléments importants de la stratégie du syndicat consiste à collaborer avec le conseil d’administration des garderies afin d’amener le gouvernement (qui gère le financement) à accepter de faire partie d’une table de négociation provinciale commune.

Il est aussi difficile de recruter les éducatrices et éducateurs de garderie, qui sont généralement exclus de l’application des lois du travail parce qu’ils sont considérés comme des entrepreneurs ou des travailleurs autonomes. Les éducatrices et éducateurs ont grandement besoin de meilleurs salaires et de meilleurs avantages sociaux, de même que d’un soutien et d’une formation constants pour les aider à améliorer leurs compétences et à réduire leur isolement. À cet égard, les syndicats du Canada peuvent s’inspirer d’autres modèles en Europe et, plus près de nous, au Québec, où une décision historique du tribunal du travail a donné aux travailleuses et travailleurs des garderies en milieu familial le droit légal de se syndiquer et de participer à des négociations collectives. Cependant, il faut noter que le gouvernement du Québec a adopté une loi pour bloquer l’application de cette décision.

Vers la négociation

Malgré une série de percées dans le domaine de la négociation, il demeure très difficile d’obtenir une amélioration significative de la rémunération et des avantages sociaux pour les travailleuses et travailleurs de garderies. Puisque le phénomène s’explique principalement par la réduction du financement accordé aux garderies, les syndicats continueront sûrement de militer pour changer la situation. Mais les problèmes organisationnels entrent aussi en ligne de compte. En effet, la majorité des garderies fonctionnent de façon isolée, ce qui complique la négociation collective, tant pour les employeurs que pour les syndicats. Les syndicats doivent examiner la possibilité de mettre en œuvre des modèles de négociation coordonnée (comme des conseils d’employeurs ou des regroupements d’employeurs du domaine des services de garde à l’enfance) qui rendent le processus de négociation plus praticable et les percées plus réalistes.

Militer en faveur d’une reconnaissance accrue

Les syndicats se sont beaucoup penchés sur les politiques et le financement relatifs aux services de garde à l’enfance, mais ils pourraient agir davantage dans le dossier de la reconnaissance. Les syndicats considèrent que la reconnaissance des travailleuses et travailleurs des services de garde à l’enfance est directement reliée à la faiblesse de la rémunération et des avantages sociaux dans le secteur, de même qu’au manque de respect de notre société à l’égard de ce qui a toujours été considéré comme un « travail de femme ». Mais les exigences relatives à la formation et aux études, de même que le professionnalisme, ont des répercussions sur la reconnaissance et le mouvement syndical doit se demander s’il devrait faire un effort concerté pour être plus présent dans ces domaines.

Un problème collectif

Ce secteur social très diversifié que l’on appelle services de garde à l’enfance a de bonnes chances de réaliser des progrès réels si tous les intéressés s’unissent pour travailler de manière collective. Déjà, nous pouvons observer à cet égard de nombreux signes positifs. Depuis quelques années, les syndicats représentant le personnel de garderie et d’autres segments du secteur ont de plus en plus communiqué au sujet de leurs expériences réciproques, ont appris les uns des autres, se sont unis pour se rapprocher de l’objectif d’un réseau public complet de garderies au Canada qui offre à ses travailleuses et travailleurs une juste rémunération et la reconnaissance nécessaire.

L’étude Le secteur de la garde à l’enfance – De la reconnaissance à la rémunération de sa main-d’œuvre a mentionné la syndicalisation comme l’une des trois grandes stratégies permettant d’améliorer la rémunération et les conditions de travail des travailleuses et travailleurs des garderies et, par conséquent, la reconnaissance qu’ils obtiennent (les deux autres moyens étaient l’action sociale et le professionnalisme). De son côté, l’étude Syndicalisation et qualité des services éducatifs et de garde à l’enfance considère la syndicalisation comme une bonne façon de régler les problèmes de recrutement et de conservation de la main-d’œuvre dans le secteur. Elle conclut ainsi : « L’action sociale, l’organisation et la négociation [trois grandes activités des syndicats] sont des stratégies apparentées qui pourraient… servir à combattre la crise actuelle au chapitre de la dotation en personnel dans le secteur des services de garde à l’enfance et à s’attaquer au manque de services de garde de qualité, accessibles et abordables dans la plupart des provinces et territoires… Sans l’amélioration des salaires et des avantages sociaux versés dans le secteur, il deviendra pratiquement impossible de recruter et de retenir un nombre suffisant de personnes intéressées à offrir des services de garde réglementés. » (Pages 49-50)

La syndicalisation n’est peut-être pas la seule stratégie qui permettra de régler les problèmes de recrutement et de conservation du personnel dans les services de garde. Cependant, elle a entraîné sans conteste des résultats mesurables dans l’amélioration de la vie des travailleuses et travailleurs des garderies et de la qualité des services offerts aux enfants. Les syndicats demeureront dans le secteur des services de garde à l’enfance. Le défi actuel, pour le secteur et pour le mouvement syndical, consiste à trouver des façons de collaborer pour régler les grands problèmes des services de garde à l’enfance, particulièrement le recrutement et la conservation du personnel.