Message d'avertissement

Attention : cette page est tirée de nos archives. Il se pourrait que notre site Internet contienne des informations plus récentes sur ce sujet. Pour le savoir, utilisez notre moteur de recherche.

Un article d’opinion du président national du SCFP, Paul Moist

Cette fin de semaine, on a vu le premier ministre Stephen Harper faire visiter le Canada au président des Philippines, Benigno Aquino. Le gouvernement a parlé d’une occasion d’explorer un éventuel accord de libre-échange canado-philippin, mais il s’agissait bien plus d’une manœuvre cynique (mais si typique de son gouvernement) en vue de courtiser l’électorat d’origine philippine dans quelques villes clés.

M. Harper s’est pavané, faisant copain-copain avec le président Aquino, sans qu’il ne soit jamais question du sort terrible que réserve leurs deux pays aux travailleurs philippins œuvrant aux Philippines comme au Canada.

Dans le déluge d’éloges qu’ont lancés le premier ministre et ses députés conservateurs à la tête du président Aquino, aucune mention n’a été faite de la répression sauvage des syndicats aux Philippines. On n’a pas entendu les noms de Randy Vegas et de Raul Composano.

MM. Vegas et Camposano sont des syndicalistes œuvrant pour COURAGE, la Confédération pour l’unité, la reconnaissance et l’avancement des employés gouvernementaux, la plus grande confédération syndicale des Philippines. COURAGE dénonce publiquement la corruption du gouvernement et la privatisation des services publics que mène Aquino. En décembre 2012, le gouvernement Aquino a enlevé et séquestré ces deux messieurs, qui croupissent en prison depuis.

Vegas et Camposano, « les deux courageux », ont été incarcérés pour leur participation au conflit de travail entre la Metro Manila Development Authority et ses syndiqués représentés par COURAGE. Leur cas, comme celui de 400 autres prisonniers politiques, illustre la répression et l’injustice à laquelle font face les syndicalistes aux Philippines.

Le Syndicat canadien de la fonction publique, un allié international de COURAGE, a exhorté maintes fois le gouvernement conservateur à condamner le non-respect des droits des syndicats et des travailleurs philippins, appels auxquels le gouvernement fait la sourde oreille.

On ne s’en étonnera guère. Premièrement, toute forme de critique, aussi justifiée soit-elle, nuirait à la signature d’un accord de libre-échange, l’obsession numéro un des Conservateurs. Comme on l’a vu dans les autres accords qui mobilisent la machine conservatrice, ce ne sont pas des violations des droits de la personne, aussi flagrantes soient-elles, qui empêcheront la signature d’un accord.

Deuxièmement, le gouvernement conservateur de Stephen Harper n’irait pas menacer son approvisionnement en travailleurs étrangers temporaires à bas salaire, l’importation philippine la plus précieuse à ses yeux. D’autant plus que le président Aquino est un exportateur ultra-motivé.

Le gouvernement Aquino présente une feuille de route catastrophique en matière de protection des travailleurs migrants philippins. Les droits et le bien-être de ces travailleurs (on en compte des dizaines de milliers seulement au Canada) sont relégués au second plan… en étant généreux.

C’est ici que le gouvernement conservateur boucle la boucle. Grâce aux nouvelles règles qui limitent à moins de quatre ans le séjour des travailleurs étrangers temporaires au Canada, l’accession à la citoyenneté canadienne leur est pour ainsi dire interdite. Ainsi, notre pays continuera à profiter d’un apport constant en main-d’œuvre bon marché qui servira de bouc émissaire en période de difficultés économiques et qu’on pourra retourner chez elle quand bon nous semblera.

Des deux côtés du globe, les dés sont pipés contre les travailleurs. Au Canada, les accords d’exploitation du travail rendent ces travailleurs particulièrement vulnérables s’ils décident de défendre leurs droits. En effet, la loi les protège bien peu contre un employeur qui peut congédier ces « fauteurs de trouble » sans se faire taper sur les doigts, ceux-ci étant alors obligés de quitter le pays. Aux Philippines, le travailleur qui revendique ses droits risque de finir en prison, comme le démontre le cas des « deux courageux » et de 400 autres prisonniers politiques.

Les gens qui travaillent au Canada méritent mieux. Il faut accorder aux travailleurs migrants le statut de résident permanent, une voie d’accès à la citoyenneté et l’opportunité de se bâtir une vie meilleure chez nous entourés de leurs proches. Ils méritent le droit d’être respecté et de se défendre sans être menacé de représailles allant jusqu’à l’emprisonnement sommaire comme aux Philippines.

Ces revendications n’ont rien d’extravagant. On parle ici des fondements de la dignité. Honte au premier ministre Harper et au président Aquino, eux qui jugent leur prix trop élevé.