Les travailleurs de proximité doivent affronter une triple menace : la COVID, la crise des opioïdes et la crise du logement.
Depuis que la pandémie de COVID-19 a été déclarée l’an dernier, les efforts des travailleurs de première ligne de la Colombie-Britannique ont été largement célébrés, à juste titre. Ces travailleurs, dont les membres du SCFP de plusieurs secteurs, ont fait preuve d’un dévouement désintéressé et d’un altruisme exceptionnels et inspirants, qu’il s’agisse de lutter directement contre le coronavirus et de sauver des vies, ou de risquer leur propre santé physique ou mentale pour maintenir le fonctionnement des services publics vitaux.
Parmi ces employés de première ligne, mentionnons les membres du SCFP qui travaillent dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver et dans d’autres poches urbaines de la province où pauvreté et toxicomanie se croisent. Ces membres — ambulanciers paramédicaux et travailleurs sociaux, mais aussi nutritionnistes et coordonnateurs en logement — à l’esprit de sacrifice intarissable ont sauvé d’innombrables vies, littéralement, tout en améliorant le quotidien de nombreuses personnes. Or, aucune autre catégorie de travailleurs que ceux du secteur de la santé mentale ne connaît mieux la douleur et la souffrance qu’ont engendrées les effets combinés de la crise du logement, de la crise des opioïdes et de la COVID-19 sur les citoyens les plus vulnérables de la société.
Le SCFP représente des centaines de membres qui travaillent dans la santé mentale pour la PHS Community Services Society (SCFP 1004), Fraser Health et Vancouver Coastal Health (SCFP 15, SCFP 4816) et l’Association canadienne pour la santé mentale (SCFP 3403-01) à Port Alberni. Ces membres sont coordonnateurs en établissement, intervenants auprès des sans-abris, conseillers et travailleurs sociaux, entre autres. Dire que ceux-ci fournissent des services essentiels pendant une pandémie tient de l’euphémisme : les citoyens les plus marginalisés de la société ont besoin de stabilité et de soutien à un moment où les restrictions sanitaires rendent les gens tristes et solitaires, entraînant une augmentation de l’abus d’alcool et de drogues. C’est ce que fournissent ces membres du SCFP.
Un coup de main pour qui en a besoin
Les membres du SCFP qui travaillent dans la santé mentale jouent un rôle central, au quotidien, pour les sans-abris et les autres personnes dans le besoin. Ils leur trouvent de quoi manger, leur offrent un soutien émotionnel et leur pointent des possibilités d’emploi à court terme. Depuis le début de la pandémie, ils continuent à prodiguer ce soutien, même si la COVID-19 sème des embûches sur leur chemin et transforme leur façon de travailler.
« Nous avons été une ressource précieuse simplement en étant présents », raconte Tuesday Andrich, membre du SCFP 1004 et coordonnatrice de jour dans le Downtown Eastside. « Beaucoup de gens n’ont pas accès aux services. Nous faisons donc des recommandations pour les aider à obtenir de l’aide. »
Les membres du SCFP 15 couvrent une gamme de postes dans le domaine de la santé mentale, explique Mia Nickel, déléguée syndicale et orthophoniste
« Nous avons des conseillers en troubles concomitants et en santé mentale dans une grande variété de milieux : soins primaires, cliniques de santé mentale, tribunal de la toxicomanie, jeunes et familles, cliniques pour jeunes, etc. Nous avons des gens qui travaillent dans le traitement de l’alcoolisme et de la toxicomanie en résidence et en centre de jour, des travailleurs sociaux, des travailleurs de soutien et du personnel de bureau. La liste est longue. »
Bien que la situation n’y soit pas aussi grave que dans le Downtown Eastside ou le Grand-Vancouver, les travailleurs en santé mentale de l’ACSM fournissent le même genre de services et doivent surmonter les mêmes défis à Port Alberni.
« Nous offrons à nos clients des placements sûrs dans des logements avec services de soutien où ils peuvent obtenir des repas et avoir accès à des programmes où ils acquièrent des compétences et obtiennent de l’information et des possibilités d’emploi de transition », décrit Shaunah Cairney, déléguée syndicale en chef du SCFP 3403-01 et coordonnatrice en établissement.
Dans ces possibilités d’emploi, ajoute-t-elle, il y a de tout, de la tonte de pelouses et de la peinture de salles de bains au programme Food Matters, où les clients apprennent à travailler dans une cuisine et obtiennent la qualification Food Safe afin de pouvoir postuler à des offres d’emploi.
Relever le défi sur trois fronts
Les membres du SCFP dans ce domaine ont travaillé d’arrache-pied pour surmonter les défis posés par trois grands problèmes qui se chevauchent : l’itinérance, la crise des opioïdes et la COVID-19.
« La COVID-19 a fait ressortir les lacunes des services, raconte Mia Nickel. Nos membres les ont comblées en continuant à fournir des services aux personnes les plus vulnérables de la société. »
Par exemple, ajoute Shaunah Cairney, la décision de fermer le pavillon de sa communauté a supprimé un exutoire social vital pour les clients, car ce lieu était sûr. On pouvait s’y rencontrer, acquérir des compétences et obtenir d’autres formes de soutien.
« C’était difficile, parce qu’il fallait maintenant faire plus de terrain pour s’assurer que les clients disposaient des ressources dont ils avaient besoin, même si nous ne pouvions pas le faire sur place. Heureusement, nous avons réussi à répondre à ces besoins, nous et les autres organismes à but non lucratif de la communauté. »
Tuesday Andrich affirme que les membres du SCFP 1004 qui répondent aux surdoses ont dû développer de nouvelles procédures pour garder les clients en vie, en adaptant régulièrement leurs méthodes de travail. Entre autres, il fallait relever le défi de soutenir les résidents positifs à la COVID-19. Certains travailleurs en santé mentale membres du SCFP sont employés dans de nouveaux programmes de logement ou des projets pour les personnes positives à la COVID-19 qui ont besoin de soutien.
« Nos membres font de leur mieux pour répondre aux besoins des résidents et des participants aux programmes, qu’il s’agisse d’expliquer les consignes de la santé publique ou d’assumer des tâches supplémentaires à la suite de changements apportés aux méthodes de travail », explique-t-elle. Depuis la fermeture des programmes de sécurité alimentaire, note-t-elle, les membres ont dû passer des commandes en gros à la banque alimentaire et les emballer pour distribution aux résidents.
« Il incombait à nos membres de trouver d’autres moyens d’intervenir auprès de la communauté. Nous avons tous des styles différents. Nous avons trouvé différentes façons de faire comprendre aux gens que nous sommes disponibles, mais ce qui compte, c’est que nous sommes capables de les rejoindre. Et nous faisons de notre mieux pour nous assurer que les gens ont ce dont ils ont besoin. »
Partager le fardeau
Pour les travailleurs de la santé mentale membres du SCFP, l’ironie, dans leur travail, c’est que les répercussions de la pandémie sur la santé mentale des clients peuvent, par ricochet, affecter leur propre santé mentale, estime Tanya Paterson, coordonnatrice du secteur de la santé au SCFP.
« Imaginez travailler quotidiennement avec tant de personnes qui luttaient déjà dans leur vie avant l’arrivée de la COVID. Cela ne peut qu’ajouter de l’anxiété et du stress, surtout lorsque la vie change si radicalement en raison de la pandémie et de l’inconnu qu’elle apporte. »
Mia Nickel est d’accord.
« Ces travailleurs de première ligne sont dans les tranchées. Ils manquent de direction et de soutien de la part des employeurs, mais on attend d’eux qu’ils en fassent toujours plus. Évidemment qu’ils ont souffert ! Leurs clients meurent, régulièrement, d’une intoxication au fentanyl. Ils gèrent ces drames en équipe et en solitaire. » Elle ajoute que la charge de travail s’est alourdie dans le secteur, faute de personnel suffisant (il est difficile d’attirer et de retenir du bon personnel en santé mentale lorsque les salaires accusent du recul et que la charge de travail augmente), de sorte que la santé mentale devient inévitablement un problème pour les travailleurs dans ce domaine.
Selon Tuesday Andrich, le travail des membres du SCFP était déjà suffisamment stressant et épuisant sans pandémie à gérer. L’ajout de la COVID-19 a donc eu un impact sur leur capacité à fournir des services.
« Le nombre de membres qui partent en congé pour cause de stress a augmenté, c’est certain, et d’autres dont le système immunitaire est affaibli ont dû prendre congé pour ne pas s’exposer à la COVID-19, dit-elle. On remarque beaucoup de peur de l’inconnu. »
Shaunah Cairney juge que les membres de sa section locale s’inquiètent eux aussi pour leur propre santé en raison des risques inconnus d’exposition et du fait qu’ils ne peuvent pas contrôler les actions de leurs clients ou les contraindre à suivre les consignes de la santé publique.
« Dans ces circonstances, difficile d’être présente ou totalement engagée avec autrui », déplore-t-elle. “Mais notre employeur nous contacte pour s’assurer que tout le monde va bien et offrir des ressources utiles. C’est difficile, mais nous passons à travers. »
C’est ce genre de dévouement désintéressé, cet engagement envers les personnes dans le besoin, qu’illustrent les travailleurs en santé mentale membres du SCFP, rendant leur syndicat si fier.