À cause de la crise du logement abordable au Canada, l’accès à la propriété est hors de portée pour beaucoup de monde. Il est également de plus en plus difficile de trouver un logement locatif sûr, propre et confortable.
Voici un obstacle à l’abordabilité du logement qu’on ne soupçonne pas : l’insuffisance des pensions publiques au Canada. Trop de gens doivent compter sur l’augmentation de la valeur de leur habitation pour prendre leur retraite, ce qui aggrave la situation pour les générations futures.
Les deux programmes de retraite publics du Canada, le Régime de pensions du Canada et la Sécurité de la vieillesse, ne sont pas suffisants pour prémunir les personnes retraitées contre la pauvreté. Oui, il y a des gens qui bénéficient d’un régime de retraite au travail qui s’ajoute à ces revenus de retraite, mais, au Canada, plus de 60 % n’en ont pas.
Pendant longtemps, le gouvernement fédéral a laissé cette majorité se débrouiller seule. Et l’un des moyens de s’en sortir consiste à acheter une maison et à espérer que sa valeur augmente au fil du temps. Autrement dit, on traite le logement comme un investissement plutôt que comme un droit fondamental. Et environ 40 pour cent des ménages canadiens comptent sur la croissance de cet investissement pour financer leur retraite.
C’est un plan risqué qui laisse les gens à la merci du cycle d’expansion et de ralentissement du marché immobilier. Et ces propriétaires peuvent considérer les efforts visant à faire baisser les prix de l’immobilier comme une menace directe à leur plan de retraite. Cette crainte injustifiée d’une baisse des prix de l’immobilier peut les conduire à lutter contre des mesures comme l’augmentation du nombre de logements abordables dans leur quartier.
Au Canada, les propriétaires sont majoritaires. Sans pension garantie, universelle et adéquate, il sera difficile d’obtenir leur appui à des politiques susceptibles de faire baisser le prix des habitations.
Plus le prix des maisons explose, plus on compte de locataires au pays. Ces gens, qui ne disposent pas d’un investissement sous forme de maison, doivent financer leur retraite avec leur épargne personnelle. Mais, avec la flambée des loyers, comment faire, lorsqu’on a un salaire très modeste, pour trouver un loyer selon ses moyens, sans parler de mettre de l’argent de côté?
Les grands fonds d’investissement, qu’on appelle fiducies de placement immobilier ou FPI, achètent des propriétés locatives dans les villes et les villages d’un océan à l’autre. Souvent, ils augmentent le loyer de logements abordables afin d’augmenter leurs profits. Dans certaines provinces, le secteur de l’investissement possède entre 20 et 30 % des logements locatifs.
Cette situation a elle aussi un lien avec l’insuffisance des régimes de retraite publics. Les personnes bénéficiant d’un régime de retraite au travail comptent sur celui-ci pour compléter les prestations de retraite publiques. Et ces caisses de retraite doivent investir les cotisations de leurs membres pour les faire fructifier. Or, elles se tournent de plus en plus vers le logement résidentiel; elles y voient un investissement sûr qui apporte un flux régulier de revenus.
Hélas, on connaît plusieurs exemples de caisses de retraite qui investissent dans des entreprises qui violent les droits des locataires. Certaines ne respectent pas la limite d’augmentation des loyers prévue par la loi ou expulsent les locataires. Des membres de syndicat siègent au conseil d’administration de certains régimes de retraite, mais les lois sur les investissements des régimes n’empêchent pas les investissements non éthiques, attrayants en raison de leur rentabilité.
Pourtant, logement abordable et sécurité de la retraite n’ont pas à entrer en conflit. Le SCFP a fait plusieurs recommandations au gouvernement fédéral pour résoudre ces problèmes.
Considérer le logement comme un droit fondamental. Créer et appliquer des lois pour protéger ce droit. Par exemple, on pourrait établir des normes nationales pour la protection des locataires et rediriger l’argent du fédéral vers le logement social, sans but lucratif et coopératif.
Garantir un bon régime de retraite à tout le monde. Veiller à ce que tout le monde bénéficie d’une couverture suffisante pour vivre une retraite digne. Sans cela, les gens continueront à compter sur la valeur de leur habitation pour financer leur retraite et seront moins susceptibles d’appuyer des idées qui visent à faire baisser les prix de l’immobilier.
Limiter les bénéfices dans le logement locatif. Empêcher les caisses de retraite d’investir dans l’immobilier résidentiel. Supprimer les échappatoires fiscales et resserrer les normes en matière de droits de la personne afin de rendre ce type d’investissement moins attrayant.
Vous trouverez ces recommandations, et bien d’autres, dans le mémoire du SCFP à la commission d’examen sur la financiarisation des logements construits pour la location du Conseil national du logement et dans son mémoire sur la financiarisation du logement remis au Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées.