Amanda Vyce | Employée du SCFP
Aline Patcheva | Employée du SCFP
Le Mois des bibliothèques au Canada est l’occasion de célébrer nos bibliothèques et les services indispensables offerts par leur personnel au sein de nos communautés, nos écoles, nos universités et nos collèges. Les bibliothèques sont bien plus que des entrepôts de livres, et le travail en bibliothèque comporte un éventail de responsabilités bien plus large qu’on ne le pense.
Pour souligner l’apport crucial du personnel de bibliothèque du SCFP, nous avons discuté avec Kathleen Brennan, technicienne d’accès à la bibliothèque du collège Keyano à Fort McMurray, en Alberta. Membre du SCFP 2157, Kathleen Brennan fait partie du comité de négociation de sa section locale, dont elle a déjà été vice-présidente et secrétaire exécutive. Elle est aussi vice-présidente représentant les jeunes travailleuses et travailleurs du SCFP– Alberta et agente de liaison avec le comité du personnel des bibliothèques de l’Alberta.
Kathleen Brennan possède une vaste expérience dans chaque sous-secteur, puisqu’elle a travaillé dans la bibliothèque d’un établissement postsecondaire, une bibliothèque publique et deux bibliothèques scolaires. Ses observations mettent en lumière la diversité du travail en bibliothèque et ses facettes souvent surprenantes.
Question 1
Qu’est-ce qui a suscité votre intérêt pour le travail en bibliothèque et quel est l’aspect de votre travail qui vous passionne le plus?
J’ai grandi dans une famille qui adore lire. Je me souviens que quand j’étais jeune, mon père et ma grand-mère m’emmenaient souvent à la bibliothèque municipale. Plus tard, à l’école secondaire, des défis de santé mentale m’ont empêchée de suivre mes cours, mais je ne pouvais pas rester à la maison non plus. J’ai donc passé un semestre à aller à la bibliothèque de l’école tous les jours, et c’est à ce moment-là que je suis vraiment tombée en amour avec les livres et la lecture.
Les bibliothèques offrent un espace sécuritaire où on peut être soi-même, sans se faire juger en fonction de ses origines ou de sa situation financière. Lorsqu’on est en difficulté, comme lorsque j’étais adolescente, on cherche des points communs avec les personnes et les histoires qu’on rencontre. On les trouve dans les bibliothèques qui regorgent d’histoires inspirantes; c’est un lieu où tout le monde est sur un pied d’égalité.
Dans mon travail à la bibliothèque, j’adore faire découvrir aux gens les nombreuses ressources disponibles au-delà des livres, et les accompagner dès le départ dans leur parcours de lecture et d’apprentissage. Les bibliothèques sont des espaces publics fantastiques, même pour une personne qui ne lit pas.
Question 2
Depuis combien de temps travaillez-vous dans les bibliothèques et quel aspect pourrait nous étonner de votre poste actuel?
Mon premier emploi en bibliothèque a été dans une bibliothèque publique en Ontario pendant mes études supérieures, où j’ai travaillé pendant cinq ans. J’ai ensuite travaillé comme bibliothécaire d’école pendant trois ans, avant de déménager en Alberta pour entreprendre mon emploi actuel au collège Keyano en février 2018.
La première bibliothèque scolaire où j’ai travaillé était dans une école ontarienne comptant 1 500 élèves de la maternelle au secondaire. Je n’avais pas de budget pour acheter des ressources, comme c’est souvent le cas dans les écoles de l’Ontario. J’ai ensuite travaillé dans une école secondaire ontarienne fréquentée par 700 élèves. Le conseil scolaire comptait 26 écoles et la mienne était la seule à avoir une bibliothécaire, mais je disposais d’un petit budget de 1 200 $.
Dans mon poste actuel au collège Keyano, à Fort McMurray, je rencontre des étudiant(e)s qui n’ont jamais vu de bibliothèque dans une école. Mon aspect préféré, c’est d’avoir des outils et un budget modeste qui me permettent d’obtenir de nouvelles ressources et de faire preuve de créativité.
Notre bibliothèque compte trois bibliotechnicien(ne)s, trois bibliothécaires et quelques étudiant(e)s assistant(e)s. Je suis responsable d’acquérir toutes les ressources : les livres, la technologie, les vidéos, les fournitures de bureau, et bien plus. Je m’occupe des amendes et des retenues financières, en plus de créer des programmes, des expositions virtuelles et physiques, et des infolettres pour promouvoir nos ressources. Je gère aussi notre participation à NEOS, un consortium de bibliothèques qui œuvre à créer et à maintenir un catalogue en ligne des collections partagées par plusieurs établissements.
Ce que certaines personnes ignorent peut-être, c’est que je joue un rôle important dans la promotion de l’équité, de la diversité et de l’inclusion, une priorité pour notre collège. Par exemple, je crée des guides LibGuides axés sur ces thèmes, afin d’organiser et de présenter les multiples ressources et services de la bibliothèque qui sont disponibles pour la recherche et l’étude. Les guides LibGuides proposent des ressources sous diverses formes, notamment des livres, des bases de données, des revues et des contenus librement accessibles en ligne, comme des balados, des articles et des événements communautaires.
Question 3
Quel rôle joue la bibliothèque dans la vie communautaire du collège Keyano?
Nous explorons constamment de nouveaux moyens de soutenir les étudiant(e)s afin de combler les lacunes dans leur vie. Par exemple, pendant la pandémie, on s’est aperçu clairement qu’un grand nombre d’étudiant(e)s n’avaient pas accès à la technologie. À Fort McMurray, l’accès à l’internet et à la technologie peut être inabordable pour certaines personnes. Lorsque le collège est passé des cours en personne aux cours en ligne, nous avons aidé à lancer un programme de prêt d’ordinateurs portables, avec à peine 10 ordinateurs au départ. Chaque année, j’ai déniché de l’argent et des subventions pour acheter plus d’ordinateurs portables, et nous en avons maintenant 70, ce qui garantit un accès égal à la technologie. Notre objectif est d’éliminer les obstacles que les étudiant(e)s rencontrent dans leur parcours éducatif.
J’organise aussi un concours de lecture d’été pour le personnel, appelé Keyano Reads. La lecture est aussi un outil important pour favoriser la santé mentale et soulager le stress du personnel. De plus, je participe à des clubs de lecture avec les étudiant(e)s et je soutiens les étudiant(e)s qui découvrent leur identité, en créant un espace sécuritaire à la bibliothèque pour les personnes en transition.
Question 4
Si le personnel de la bibliothèque du collège Keyano n’était pas là, quel serait l’impact sur les étudiant(e)s?
Ce serait terrible. Les étudiant(e)s perdraient un soutien essentiel et indispensable, comme de l’aide individuelle pour la recherche et les citations, que les professeurs ne peuvent pas offrir à cause que les classes sont trop nombreuses.
Par ailleurs, le collège Keyano accueille un grand nombre d’étudiant(e)s au parcours non traditionnel, notamment des personnes en réorientation de carrière et des parents qui suivent des cours le soir et la fin de semaine. Toutes ces personnes ont besoin d’accéder à la bibliothèque et le soutien du personnel est crucial. Sans nous ou avec des horaires réduits, leur accès aux ressources et aux services de la bibliothèque serait fortement limité, ce qui nuirait à leur réussite.
Question 5
Quels sont les défis qui vous touchent en tant que travailleuses et travailleurs de votre bibliothèque et comment pourrait-on y remédier?
On s’attend constamment à ce que nous en fassions plus avec moins. Le manque de personnel est en tête de liste. Cette année, nous avons eu quelques postes vacants et du personnel étudiant a comblé les trous, même s’il n’est pas qualifié pour effectuer ce travail. L’employeur a du mal à trouver du personnel qui a les compétences et la formation requises, mais il propose des contrats plus courts, moins d’heures et des salaires plus bas. On comprend les gens de ne pas vouloir accepter ces postes à long terme.
Un financement adéquat est la clé pour résoudre ce problème et accorder de meilleures conditions de travail. Ça permettrait à l’employeur d’embaucher du personnel qualifié et de prolonger les heures d’ouverture de la bibliothèque afin d’en améliorer l’accessibilité, particulièrement pour notre clientèle non traditionnelle et internationale.
Question 6
Quel est le message clé à diffuser au sujet des bibliothèques et du travail de leur personnel pendant le Mois des bibliothèques au Canada?
La plupart des gens ne savent pas ce qui se passe dans une bibliothèque. Le travail en bibliothèque est essentiel, spécialisé et devrait être bien rémunéré. Les bibliothèques offrent des ressources uniques et irremplaçables qui peuvent vraiment améliorer la vie d’une personne.
Un excellent exemple est le programme des Cours de langue pour les personnes immigrant au Canada (CLIC), financé par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada dans le cadre du Programme d’établissement. Il offre des cours d’anglais (et de français) gratuits aux nouveaux arrivants adultes, à temps partiel ou à temps plein, dans les bibliothèques des établissements postsecondaires partout au pays. C’est pourquoi notre bibliothèque a constitué une collection de ressources pour aider ceux et celles qui apprennent l’anglais comme langue seconde ou comme langue supplémentaire.
C’est incroyablement gratifiant d’entrer en contact avec ces apprenant(e)s, de favoriser leur sentiment d’appartenance et de les aider dans leur apprentissage de la langue.
Si vous devez choisir entre deux écoles, celle qui a une bibliothèque serait un choix évident. Les bibliothèques sont cruciales pour enrichir la vie des gens et favoriser l’apprentissage.
Les membres du SCFP sont les premiers employé(e)s de bibliothèques en grève
Les employé(e)s de la bibliothèque de London, membres du SCFP 217, sortent en grève en 1970 pour réclamer des hausses salariales égales pour l’ensemble du personnel. L’accord conclu inclut une hausse générale des salaires de 13 %, une clause sur les congés de maternité et l’abandon des demandes de la direction d’exclure du syndicat les gestionnaires de la bibliothèque.
Sur cette photo, Jackie Jeffery, employée de la bibliothèque de London et membre du SCFP 217, fait face à une pile de livres retournés pendant les deux semaines de grève. Il s’agit de la première grève organisée par des travailleuses et travailleurs de bibliothèque au Canada, et qui ont ainsi réussi à obtenir des hausses salariales égales pour l’ensemble du personnel.