Pour la plupart des gens, l’enseignement postsecondaire est synonyme de meilleures perspectives d’emploi et d’avenir prometteur. À l’inverse, peu de personnes font l’association entre nos campus et la précarité d’emploi. Or, une véritable bataille sur ce front est en cours dans nos institutions collégiales et universitaires.
La précarité d’emploi gagne en effet du terrain dans le secteur de l’enseignement postsecondaire partout au Canada.
On dit d’un emploi qu’il est précaire s’il est de nature temporaire ou de courte durée, s’il offre un faible salaire, peu ou pas d’avantages sociaux et aucune sécurité d’emploi. Aujourd’hui, un nombre croissant de travailleurs du secteur de l’enseignement postsecondaire, notamment des enseignants, des employés de cafétéria, d’entretien ou de maintenance et du personnel de bureau, occupent un poste précaire.
D’ailleurs, les universités rechignent à rendre publique leurs données sur la précarité, peut-être parce qu’elles nuiraient à leur image. Un récent rapport sur l’embauche dans les universités ontariennes révèlent toutefois que le recours aux chargés de cours et aux contractuels a bondi de 68,5 pour cent entre 2001-2002 et 2009-2010. Le nombre de postes permettant d’accéder à la permanence a, quant à lui, augmenté de 30,4 pour cent seulement pendant la même période.
Dans les faits, la précarité d’emploi dans le milieu universitaire a atteint le point de non-retour. En 2001-2002, on dénombrait 637 postes menant à la permanence de plus que de postes contractuels. En 2009-2010, le nombre d’embauches de contractuels dépassait celui des embauches menant à la permanence.
Les universités et les collèges contribuent aussi à l’accroissement de la précarité d’emploi au sein du personnel non enseignant. Des postes à plein temps sont en effet éliminés et remplacés par des postes temporaires ou à temps partiel. Dans certains établissements, ce sont des secteurs entiers, comme l’alimentation et l’entretien, qui sont confiés en sous-traitance à des entreprises qui versent de bas salaires et n’offrent aucun avantages sociaux ou régime de retraite. À l’Université de Victoria (section locale 917 du SCFP), 25 pour cent des cols bleus occupent un poste occasionnel. La durée d’un contrat occasionnel n’est pas censée dépasser trois mois, mais à l’Université de la Colombie-Britannique (section locale 2950),
17 pour cent des cols blancs occasionnels ont vu leur contrat prolongé.
Impacts négatifs sur les travailleurs
Sur les campus, les travailleurs à contrat gagnent, dans bien des cas, une fraction de la rémunération d’un employé permanent qui effectue le même travail. Par exemple, le salaire d’un professeur à plein temps occupant un poste menant à la permanence se situe entre 80 000 et 150 000 dollars par année, alors qu’un chargé de cours avec la même charge d’enseignement gagne seulement 28 000 dollars par année. De plus, les chargés de cours n’ont pas droit aux subventions de recherche, aux congés sabbatiques ou, dans certains cas, à un bureau sur le campus.
Dans le même ordre d’idées, les travailleurs qui offrent des services essentiels comme tous les autres employés de l’université, mais dont les tâches ont été confiées en sous-traitance, n’ont pas droit au régime de retraite ou aux avantages sociaux.
L’insécurité d’emploi est l’élément de précarité ayant les répercussions les plus néfastes sur les travailleurs car ils ne savent pas ce que l’avenir leur réserve. Plusieurs chargés de cours sont embauchés pour une session seulement, sans garantie de pouvoir redonner le même cours plus tard. Selon un sondage mené auprès des chargés de cours ontariens, les deux tiers des répondants disent vivre « des difficultés personnelles importantes » en raison de la courte durée de leur emploi. La plupart refusent de prendre des engagements financiers à long terme, comme acheter une voiture ou une maison.
Impacts négatifs sur les étudiants
La précarité d’emploi affecte également les étudiants car les conditions de travail du personnel enseignant et non enseignant affectent les conditions d’apprentissage. Selon les études, les étudiants réussissent mieux s’ils peuvent tisser des liens avec leurs professeurs. Or, il est beaucoup plus difficile de passer du temps en tête-à-tête avec un professeur qui doit diviser son temps entre plusieurs écoles ou partager un bureau avec des heures de visite limitées, ou qui n’a pas de bureau du tout.
Mettre fin à la précarité sur les campus
Ce n’est pas un hasard si la précarité d’emploi est en hausse depuis une vingtaine d’années. En sous-finançant l’enseignement postsecondaire, les gouvernements forcent les universités et les collèges à faire des choix budgétaires.
En 1982, le financement gouvernemental fournissait jusqu’à 83 pour cent du budget de fonctionnement des universités. Aujourd’hui, c’est à peine 55 pour cent.
Au cours des dernières décennies, les dirigeants d’entreprises ont également pris de plus en plus de place dans nos institutions collégiales et universitaires. Auparavant, la direction de ces établissements se composait essentiellement d’universitaires expérimentés et de fonctionnaires aguerris. Aujourd’hui, de nombreux représentants du secteur privé occupent des postes de direction. Leur objectif est de modifier la mission de nos universités et nos collèges.
Les syndicats contribuent fortement à la lutte contre la précarité. Les syndiqués touchent un salaire plus élevé et ont de meilleurs avantages sociaux. Les syndiqués ont aussi plus de chances de bénéficier d’une meilleure sécurité d’emploi. Parlez à votre conseiller syndical pour connaître les clauses améliorant la sécurité d’emploi qu’il faudrait privilégier lors de votre prochaine ronde de négociation.
Finalement, nous devons continuer à exiger des gouvernements qu’ils cessent de sous-financer l’enseignement postsecondaire et qu’ils recommencent à voir l’éducation comme un bien public.
En 2015, les membres du SCFP ont réclamé une campagne nationale contre la précarité dans le secteur de l’enseignement postsecondaire. Le Groupe de travail national de ce secteur travaille à la préparation de cette campagne.