Emily Niles | Employée du SCFP
Marnie Thorp | Employée du SCFP
La plupart des travailleuses et travailleurs rêvent d’une longue et heureuse retraite. Mais est-ce réaliste pour la plupart des Canadien(ne)s ?
Le modèle canadien de sécurité de la retraite ressemble à un « tabouret à trois pattes », l’idée étant qu’on a besoin des trois pattes pour qu’il soit stable. Deux de ces pattes sont publiques : la Sécurité de la vieillesse (SV) et le Régime de pensions du Canada (RPC). Mais le système a été conçu pour que ces deux régimes publics soient à eux seuls insuffisants.
Le gouvernement du Canada compte sur le fait que les gens aient un régime de retraite au travail pour atteindre un niveau de vie décent à la retraite. Or, 60 % des travailleuses et travailleurs n’ont pas accès à un régime de retraite au travail.
Dans les faits, jamais dans l’histoire on n’a vu une majorité de gens avoir accès à une prestation de retraite supérieure aux modestes programmes publics.
La pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) est le programme de pension public universel de base pour les citoyen(ne)s et les résident(e)s canadiens. Il est financé par nos impôts ; on peut donc dire que tout le monde y cotise. Les personnes âgées à faible revenu peuvent également recevoir un complément à la SV : le Supplément de revenu garanti (SRG). Mais, à elle seule, la prestation de la SV-SRG ne suffit pas à protéger les gens de la pauvreté.
Le Régime de pensions du Canada (RPC) offre une pension à vie aux personnes retraitées qui ont travaillé au Canada et qui ont cotisé au RPC. Il est financé à parts égales par les cotisations des employeurs et celles des travailleurs et travailleuses, sous forme de retenues sur la paie. La valeur de notre RPC à la retraite dépend de nos revenus tout au long de notre vie active.
Un couple moyen, avec une prestation moyenne du RPC plus la SV-SRG, aurait un revenu annuel maximal provenant des programmes publics fédéraux d’un peu moins de 35 000 dollars par année à partir de 65 ans. C’est plus de 2600 dollars de moins que ce que Statistique Canada considère comme la mesure de faible revenu pour un ménage de deux personnes.
Linda Clayborne, membre retraitée du SCFP 786, a travaillé comme infirmière auxiliaire autorisée de 1975 à 2016 dans le système de santé de l’Ontario. Elle est bien consciente des lacunes des régimes publics : « Si on regarde ce qu’on reçoit de la Sécurité de la vieillesse et du Régime de pensions du Canada, comment peut-on survivre avec ça ? Surtout aujourd’hui, avec l’inflation ? C’est impossible. »
Les régimes de retraite au travail sont donc nécessaires pour combler les manques causés par les pensions de la SV et du RPC. Mais même si le système de retraite public canadien est insuffisant de nature, il n’y a aucune obligation légale pour les employeurs de fournir un régime de retraite à leur main-d’œuvre. Et il existe de multiples types de régimes de retraite, allant de régimes à prestations déterminées plus sûrs à des régimes à cotisations déterminées moins adéquats.
Linda Clayborne, qui reçoit une pension du régime de retraite Healthcare of Ontario Pension Plan (HOOPP), reconnaît l’importance de celui-ci : « Franchement, je remercie Dieu constamment d’avoir un régime de retraite. J’ai travaillé pendant 42 ans et je reçois une rente d’environ 2600 dollars par mois, plus les prestations publiques. C’est beaucoup plus que les 1253 dollars que je toucherais si je n’avais pas la rente du HOOPP ! »
Si certains employeurs offrent un régime de retraite comme le HOOPP, c’est parce que les syndicats se sont battus pour les obtenir et les protéger. Environ 76 % des personnes syndiquées sont membres d’un régime de retraite offert par l’employeur, comparativement à seulement 28 % des travailleuses et travailleurs non syndiqués. On trouve plus de régimes de retraite au travail dans le secteur public, qui est plus densément syndiqué. Au privé, la couverture a diminué parallèlement à la baisse de la syndicalisation. Sans les syndicats, il n’y aurait tout simplement pas de régimes de retraite au travail.
Et n’oublions pas que les travailleuses et travailleurs temporaires, à temps partiel et à faible revenu sont beaucoup moins susceptibles d’avoir un régime de retraite. Ces personnes sont également, de manière disproportionnée, des personnes racisées, autochtones et en situation de handicap. L’adhésion volontaire aux régimes de retraite au travail prolonge les inégalités sur le marché du travail en perpétuant la précarité à l’âge de la retraite.
De nombreux membres du SCFP et leurs proches sont membres de leur régime de retraite offert par l’employeur depuis longtemps, parfois pendant près de 70 ans, si l’on tient compte des années de cotisation et des années de retraite. Souvent, leur régime est le plus gros actif financier de leur vie ; il est parfois plus précieux que leur maison.
Le système de revenu de retraite du Canada s’appuie sur les régimes de retraite d’employeur et l’épargne personnelle ; il s’attend à ce que ces deux sources comblent les besoins que le système public, insuffisant, ne comble pas. Depuis plus d’une décennie, les sections locales du SCFP se battent pour conserver leurs prestations de retraite et les protéger contre les coupures et les conversions. Le SCFP poursuit également ses efforts pour étendre la couverture des régimes de retraite au travail par la négociation collective.
Le mouvement syndical est le meilleur moteur pour assurer que tous et toutes jouissent d’une retraite digne et sûre.
Nous devons maintenir notre détermination à améliorer la couverture des retraites publiques afin de rehausser le niveau de vie de tout le monde. La Sécurité de la vieillesse, financée collectivement par les impôts et quasi universelle, est l’un des seuls programmes publics à incarner une approche progressiste et syndicale de la sécurité de la retraite. Mais elle ne suffit pas pour joindre les deux bouts, même avec sa récente augmentation de 10 % à partir de 75 ans, ce qui arrive trop tard pour bien des retraité(e)s de la classe ouvrière qui ont besoin d’un soutien immédiat.
Nous avons la responsabilité collective et publique de prendre soin de nos aîné(e)s en leur assurant un niveau de vie décent. Après une vie consacrée au travail dans ce pays, on devrait pouvoir prendre sa retraite dans la sécurité et la dignité, au lieu de sombrer dans la pauvreté.
« Je pense qu’il faut faire de l’éducation sur l’importance des régimes de retraite », fait remarquer Linda Clayborne. « Si peu de gens en ont un de nos jours que je ne sais pas si nos membres qui en ont un savent à quel point ils sont chanceux. La pension, c’est tout ce qu’on a. C’est l’avantage le plus important de toute notre vie professionnelle. »