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L’article d’opinion qui suit, écrit par Paul Moist, président national du SCFP, et Maude Barlow, présidente nationale du Conseil des Canadiens, a été publié dans le quotidien The Globe and Mail le 7 janvier 2013.


On ne s’étonne plus du secret entretenu par le gouvernement Harper autour des négociations « commerciales » en cours avec l’Union européenne. Plus on en apprend sur l’Accord économique et commercial global (AÉCG), moins on a de raisons de l’aimer.

La dernière fuite de documents offre matière à réflexion. On a maintenant une bonne idée des compromis sur la table et de ce que devront abandonner les gouvernements municipaux et provinciaux pour permettre à M. Harper de conclure cet accord fortement déséquilibré.

Selon les fuites, le Canada a attaché un seul enjeu, l’accès au marché pour les produits agricoles comme le bœuf et le porc, aux plus importantes revendications de l’UE, comme le prolongement de la durée des brevets pharmaceutiques (enchâssé dans un chapitre portant sur la propriété intellectuelle), les marchés publics et la gestion de l’offre du secteur laitier.

Le message qu’envoie M. Harper est limpide : laissez plus de viande canadienne traverser vos frontières et nous vous accorderons à peu près tout ce que vous voulez dans ces autres domaines. Même si cela entraînera une hausse du coût des soins de santé; même si nos municipalités devront abandonner leur droit de favoriser les entreprises locales.

L’UE demande au Canada de modifier son système de brevets pharmaceutiques afin qu’il offre une protection plus longue aux fabricants de médicaments de marque déposée, au détriment de la concurrence générique. Pourtant, le report, même d’un an ou deux, de l’entrée sur le marché d’un médicament générique aura d’énormes conséquences financières sur notre réseau public de la santé, ainsi que sur les Canadiens qui ont besoin de médicaments abordables.

D’ailleurs, pourquoi le Canada parle-t-il de politiques pharmaceutiques dans le cadre d’un accord soi-disant commercial? Nous sommes plusieurs à nous poser cette question.

Le Conseil des Canadiens et le Syndicat canadien de la fonction publique étaient d’une délégation du Réseau pour le commerce juste dépêchée en Europe en novembre dernier pour s’entretenir des négociations de l’AÉCG avec des décideurs européens. Plusieurs députés du Parlement européen remettent en question la présence même d’un chapitre sur la propriété intellectuelle.

Nous sommes d’accord avec eux. En outre, nous croyons que le Canada doit retirer beaucoup de choses de la table, particulièrement dans le domaine de l’approvisionnement des marchés publics.

On parle ici, essentiellement, des dépenses publiques, de l’argent que dépensent nos villes, villages, hôpitaux et commissions scolaires pour acquérir des biens, des services et des infrastructures. Les accords interprovinciaux actuels permettent aux villes de favoriser les biens canadiens dans certaines catégories d’achats ou d’exiger l’inclusion d’un certain pourcentage de matériaux canadiens dans leurs grands projets d’infrastructures.

Or, l’AÉCG mettra fin définitivement à cette pratique. Plus d’une quarantaine de municipalités (dont Toronto, Victoria, Sackville, Hamilton, Mississauga et Red Deer) ont demandé d’être exemptées de ces règles exagérées.

Pourtant, dans l’un des documents européens ayant fait surface, on qualifie l’offre du Canada en matière de marchés publics de « très satisfaisante ». Ce serait « l’offre la plus ambitieuse et la plus complète qu’aient faite le Canada et ses provinces à leurs partenaires, y compris les États-Unis. »

Accepter de payer nos médicaments sous ordonnance plus cher et cesser de recourir aux dépenses publiques pour encourager le développement durable et la création d’emplois. Est-ce là ce que vous appelleriez un bon marché?

Pas nous, mais cela ne nous surprend guère. Dans le dossier du bois d’œuvre, M. Harper a plié l’échine devant les États-Unis dès que le ton a monté. Dans les négociations « Buy American » avec les États-Unis, nous avons concédé beaucoup pour deux semaines d’accès aux dépenses de relance. De même, l’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) conclu récemment avec la Chine est extrêmement déséquilibré, au profit des sociétés chinoises en activité au Canada. Le gouvernement actuel a démontré son incapacité à négocier quoi que ce soit d’à peu près équilibré.

L’AÉCG s’inscrit dans cette veine de priorités douteuses. Des documents ayant fait l’objet d’une fuite ont révélé qu’il inclura un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, mécanisme qui permettra aux sociétés européennes de poursuivre le Canada chaque fois qu’une politique ou une décision publique ne fera pas leur affaire. Ces sociétés pourront saper le pouvoir de nos gouvernements locaux lorsqu’une décision démocratique portera atteinte à leurs profits.

Pourquoi signerait-on ces mauvais accords?

D’après nous, parce que ce qui compte le plus, comme dans tous les autres accords commerciaux internationaux pilotés par le gouvernement Harper, ce sont les intérêts des sociétés. Nous ne nous opposons pas au commerce;  le Canada est une nation commerçante et le commerce international joue un rôle vital dans tous les aspects de notre économie. Or, à la suite des dernières fuites de documents, nous demeurons fermement opposés à l’AÉCG et à l’ordre du jour commercial des Conservateurs qui priorise les profits des multinationales au détriment de l’intérêt public, de la création d’emploi et d’un avenir plus durable.