On pourrait croire que la comptabilité est une science. On inscrit simplement les chiffres dans les bonnes colonnes, on additionne et, boum, on obtient un résultat objectif. Pourtant, même la manière dont les chiffres sont entrés et comptés peut-être très politisée, au point de fausser les politiques publiques. En effet, certains gouvernements utilisent sciemment des règles comptables qui permettent de cacher les coûts réels des partenariats public-privé (PPP) et de la privatisation.

C’est pourquoi le SCFP a soumis un mémoire au Conseil sur la comptabilité dans le secteur public du Canada (CCSP) qui examine présentement les méthodes qu’utilisent les gouvernements et les sociétés publiques pour présenter les PPP dans leurs états financiers.

Dans le secteur public canadien, il y a des normes comptables qui dictent la manière dont les gouvernements et les sociétés publiques doivent présenter leurs états financiers. Malheureusement, ces règles incitent fortement les gouvernements à privatiser des actifs publics et à conclure des PPP.

Les normes comptables canadiennes permettent en effet aux gouvernements de sous-évaluer les actifs publics dans leurs livres. Ainsi, avec des chiffres artificiellement bas dans une colonne du bilan, il devient tentant de vendre des infrastructures physiques (édifices, routes, ponts, aéroports, ports). Pourquoi ? Parce que la privatisation, même si elle est effectuée sous la valeur du marché, réduit comme par magie le déficit et la dette à long terme d’un gouvernement.

Or, la vente d’actifs, comme la vente partielle d’Hydro One, va toujours aggraver la situation financière d’un gouvernement à long terme, car l’actif et ses revenus qui étaient réinvestis dans le service et la population, sont perdus pour toujours.

Les lignes directrices en matière de comptabilité dans le secteur public canadien ne prévoient aucune norme ou règle quant à la comptabilisation des contrats et des obligations relatifs aux PPP. Pour ce qui est de la transparence et de la reddition de comptes, c’est le trou noir. Les gouvernements peuvent comptabiliser ce qu’ils veulent dans leurs états financiers, en tout ou en partie, puis changer d’idée si ça leur chante.

Les lignes directrices n’obligent pas les gouvernements à inclure les paiements futurs associés aux PPP dans leurs rapports financiers, sauf dans l’année où ceux-ci seront effectués. Comme la plupart des contrats de PPP ont une durée de 20 ans ou plus, ils semblent coûter moins cher à court terme, et ce, même si les infrastructures financées et exploitées par l’État coûtent beaucoup moins cher à long terme.

Les PPP sont en train de créer une bombe de l’endettement non comptabilisé qui va exploser en plein visage des prochaines générations. Le gouvernement britannique a additionné toutes les responsabilités et les obligations associées à ses projets en PPP (qu’on appelle là-bas initiatives de financement privé). Le total dépasse les 300 milliards de livres sterling. Ça fait près de 500 milliards de dollars canadiens, soit 20 000 dollars par famille britannique.

Heureusement, cette époque où on peut balayer les PPP sous le tapis fiscal tire peut-être à sa fin. Le CCSP propose en effet de nouvelles exigences de divulgation pour les entités publiques qui sont impliquées dans des PPP.