La semaine dernière, le premier ministre Doug Ford annonçait que, d’ici un an, plus personne ne serait soigné dans les couloirs des hôpitaux. Or, selon des rapports publiés aujourd’hui à Queen’s Park, le budget provincial du printemps 2019 et l’analyse économique menée par le Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario (BRFO) indiquent que les coupures dans la santé s’intensifient et que le problème de la médecine de couloir s’aggrave.
Sur la base du récent examen budgétaire et économique du BRFO, le plan de dépenses du gouvernement réduira le budget réel des hôpitaux de plus de trois pour cent par an. Ces réductions s’accumulent pour atteindre, en 2023-2024, le chiffre sidérant de quinze pour cent du budget des soins de courte durée. Les conservateurs ne semblent pas avoir prévu d’enveloppe pour améliorer les capacités du système. On ne sait pas non plus si la ministre de la Santé, Christine Elliott, croit cet objectif d’un an réaliste compte tenu de l’amputation du financement.
« Les coupes budgétaires en dollars réels commencent déjà à toucher les patients », raconte Natalie Mehra, directrice de la Coalition ontarienne de la santé, un groupe provincial qui milite pour les soins de santé publics. « Les hôpitaux annulent des journées en salle d’opération pour réduire les coûts. Ils ferment des cliniques et ont rayé, au dernier décompte, 500 postes d’infirmières, de professionnels de la santé et de personnel de soutien, totalisant 900 000 heures de soins aux patients. »
Pour que le gouvernement conservateur respecte son plan budgétaire des cinq prochaines années, il devra procéder à des compressions plus importantes qu’on ne le pensait dans les hôpitaux (et dans la santé en général) : plus de huit milliards de dollars d’ici 2023-2024. « Les conservateurs créent une crise d’accès aux soins », estime Michael Hurley, président du Conseil des syndicats d’hôpitaux de l’Ontario (CSHO-SCFP). « La médecine de couloir va s’aggraver. Le premier ministre ne peut pas espérer qu’elle disparaisse comme par magie. L’Ontario devra investir 1,27 milliard de dollars l’an prochain dans les hôpitaux, les soins de longue durée, la santé publique et les services paramédicaux, uniquement pour maintenir les services à leur niveau actuel. »
Le gouvernement prévoit au moins cinq ans d’austérité. Le BRFO note que les réductions sont similaires à celles des années 90 et correspondent à environ dix pour cent, en termes réels, de l’ensemble des dépenses de l’État, soit environ 1 100 dollars constants par personne. En ce moment, le financement de l’État pour les hôpitaux augmente de deux pour cent par année. Or, l’inflation y est de cinq pour cent. Le premier ministre Ford l’a reconnu récemment, lorsqu’il s’est joint aux autres premiers ministres provinciaux pour demander au gouvernement fédéral d’augmenter le taux de croissance du Transfert canadien en matière de santé à 5,2 pour cent par an. Il a affirmé que cette augmentation était essentielle pour réduire les listes d’attente et mettre fin à la médecine de couloir en Ontario.
Outre l’analyse du BRFO, M. Hurley a aussi rendu public « Protéger l’essentiel », un rapport basé sur les restrictions budgétaires de 2019, la croissance démographique, le vieillissement de la population et l’inflation. Ce document montre que les coupes réelles par habitant proposées à l’échelle provinciale sur cinq ans représentent plus de quinze pour cent du budget des hôpitaux. Si on appliquait ces compressions dès aujourd’hui aux hôpitaux ontariens, cela représenterait une perte de 4 012 lits et de 28 197 employés pour répondre aux besoins actuels de la population.
« Nos résultats montrent que les conservateurs ne font pas ce qu’ils ont promis, résume M. Hurley : ils ne protègent pas l’essentiel. Au contraire, les réductions prévues pour les hôpitaux sont plus profondes que dans les autres secteurs. Le plan du gouvernement va intensifier considérablement les problèmes actuels en matière d’accès aux soins dans les hôpitaux. Malheureusement, le premier ministre et la ministre de la Santé prétendent régler le problème de la capacité des hôpitaux en détournant l’attention sur une réorganisation du système de santé. Ils évitent de parler des coupures et des privatisations de services à venir. »