Le SCFP prévient le gouvernement Ford que la crise s’aggravera si celui-ci s’en tient à son plan insuffisant, sans investir davantage dans la capacité et la dotation en personnel des hôpitaux

La crise dans le secteur hospitalier ontarien ne fera que s’aggraver au cours des quatre prochaines années, à moins que le gouvernement n’investisse considérablement pour améliorer la capacité et la dotation en personnel, prévient un nouveau rapport rendu public aujourd’hui par le Conseil des syndicats d’hôpitaux de l’Ontario (CSHO-SCFP).

Citant les données les plus récentes, le document intitulé The Hospital Crisis: No Capacity, No Plan, No End (Crise hospitalière : sans capacité, sans plan, sans fin - en anglais seulement) estime que l’Ontario doit augmenter la capacité en lits et la dotation en personnel de 22 % chacun pour répondre adéquatement aux besoins d’une population vieillissante et croissante au cours des quatre prochaines années.

Pour l’ensemble de la province, cela représente l’embauche de 60 000 employé(e)s et l’ajout de 8 170 lits. Uniquement pour Toronto, on parle de 11 960 employé(e)s et de 2 270 lits.

Toutefois, selon les plans actuels du gouvernement Ford, les hausses prévues sont de moins de quatre pour cent (contre 22 %) sur la même période.

Récemment, la ministre de la Santé, Sylvia Jones, a vanté à plusieurs reprises le plan de son gouvernement visant à ajouter 3 000 lits au cours des dix prochaines années. C’est bien en deçà des besoins estimés par le SCFP. Cela ne représente qu’une augmentation annuelle de 0,79 %. Or, selon les prévisions officielles, la croissance démographique atteindra 1,5 % par année pendant la même période.

« Le gouvernement doit s’attaquer de front à la situation intenable de nos hôpitaux publics », dit Michael Hurley, président du CSHO-SCFP, le syndicat de 40 000 travailleuses et travailleurs hospitaliers ontariens.

« On vit une grave crise, sans aucun signe d’amélioration; on laisse en plan la clientèle et la main-d’œuvre. On réduit des services faute de personnel, on soigne des malades sur une civière faute de lits, des gens attendent une éternité pour obtenir des services, d’autres reçoivent leur congé prématurément. C’est inacceptable. »

Le CSHO-SCFP s’appuie sur des données récentes de Statistique Canada qui montrent que la dotation en personnel dans les hôpitaux n’a augmenté que de 0,4 % par an depuis 2020, alors que la demande aurait nécessité une croissance annuelle de 5,2 %. 

La lourde charge de travail qui pèse sur le personnel, combinée aux compressions salariales, explique l’exode des travailleuses et des travailleurs. En effet, le taux de postes vacants au premier trimestre de 2023 était trois fois plus élevé qu’en 2015.

« Les problèmes de rétention et de recrutement ne feront que s’aggraver si le gouvernement n’améliore pas les salaires et les conditions de travail, ajoute M. Hurley. Le ratio employé(e)-patient(e) est très mauvais et ne cesse d’empirer. La demande augmente constamment, tout comme la charge de travail. Les conditions de travail sont si mauvaises que les membres du personnel ont l’impression de manquer à leurs devoirs envers les patientes et patients; ils n’en peuvent plus. »

En Ontario, la dotation en personnel hospitalier est inférieure de 38 % à la moyenne canadienne. Si elle était la même que dans le reste du pays, les hôpitaux ontariens compteraient 33 778 employé(e)s à plein temps de plus, en incluant personnel soignant et personnel de soutien.

Le rapport du CSHO-SCFP formule plusieurs recommandations pour résoudre les problèmes de personnel. Mentionnons l’augmentation du nombre de postes à temps plein, l’amélioration des salaires réels et l’interdiction du recours aux agences de placement.

Toujours selon ce rapport, l’amélioration de la dotation en personnel contribuerait à résoudre le problème de capacité des hôpitaux de l’Ontario. Depuis 2022, on dénombre plus de 145 fermetures de salles d’urgence en raison de pénuries de personnel, et rien ne laisse présager un retour à la normale en 2023.

Mais le problème va au-delà des pénuries de personnel, car la capacité hospitalière de la province a fortement diminué depuis 30 ans. Selon les derniers chiffres de l’ICIS, le Canada dans son ensemble compte 7,7 % de lits d’hôpitaux de plus par habitant que l’Ontario. Résultat : le taux d’occupation des lits est très élevé, on annule des chirurgies et on soigne les gens où on peut. D’ailleurs, depuis l’élection de Doug Ford en 2018, la « médecine de couloir » a progressé de 22 %.

M. Hurley souligne qu’en plus de la croissance démographique, supérieure aux investissements dans le réseau de la santé, l’âge de la clientèle a une incidence sur les besoins en soins. Et la tranche des 65 ans et plus, celle qui utilise le plus les hôpitaux, croît deux fois plus vite que le reste de la population de l’Ontario.

Bien que le dernier budget ontarien ait considérablement augmenté les enveloppes consacrées aux soins de longue durée et aux soins à domicile, les projections du Bureau de la responsabilité financière n’indiquent pas d’amélioration importante dans ces deux sous-secteurs essentiellement à but lucratif, ce qui aurait permis de soulager les hôpitaux.