En reprochant aux Canadiens leur racisme islamophobe, n’importe quel militant peut devenir une cible—mais ce n’est qu’une raison de plus de continuer, a affirmé la conférencière invitée Dalila Awada devant les délégués hier.

 « Après chacune de mes prises de parole publiques, [je reçois des messages comme :] “Retourne dans ton pays.” Ça me fâche, ça me blesse à chaque fois, parce que ça me renvoie au visage que nous ne sommes pas des citoyens égaux. Parce qu’appartenir à une société, c’est aussi avoir le droit de critiquer les institutions, de critiquer certaines facettes de cette société, et de proposer d’autres voies, d’autres solutions. »

Dans son discours, la sociologue, écrivaine et militante montréalaise a dit aux délégués que l’islamophobie est bien réelle au Canada, mais que beaucoup la balaient du revers de la main sous prétexte qu’il s’agit en fait d’une critique de la religion. « On a de la difficulté à reconnaître ce phénomène-là comme une vraie forme de racisme, ou pire, on le voit comme une forme de racisme qui est acceptable parce que les musulmans sont perçus comme l’ultime menace aux sociétés occidentales démocratiques. Et c’est dans cet état d’esprit que les insultes et les propos haineux deviennent simplement une “expression d’opinion”. »

Dalila Awada est une critique infatigable d’une culture qui ne remet pas en question le racisme antimusulman. « De manière presque hebdomadaire, j’entends des épisodes où [les femmes musulmanes] sont victimes de bousculades, de crachats, d’insultes, de regards insistants, d’étranglement avec le foulard. Mais on continue de traiter ça comme des faits divers et non pas comme un problème de société. »

La première étape dans la lutte contre l’islamophobie, a-t-elle expliqué, c’est de reconnaître qu’il s’agit bien de racisme. Le racisme antimusulman prend différentes formes : « La discrimination à l’embauche à cause d’un prénom qui sonne étranger, comme Mohammed au lieu de Marc, c’est vu comme un détail, ce n’est pas pris au sérieux. »

L’étape suivante consiste à poser des questions sur les institutions qui perpétuent ce racisme. « [Il ne faut pas] seulement répéter les mots “diversité”, “vivre-ensemble” et “dialogue” comme des formules magiques qui fonctionnent seules. Ce n’est pas assez. »

Elle a terminé en avertissant les délégués au congrès qu’il faudra trouver des solutions radicales. « Nous n’avons pas le luxe d’attendre un autre siècle pour avoir un peu d’amélioration. Il faut un changement radical, il faut des solutions radicales… et je sais qu’une musulmane ne devrait pas employer le mot “radical”, mais j’insiste, soyons radicaux ! »

« Nous allons résister et revendiquer et exiger et lutter en n’oubliant pas, à travers tout ça, de prendre soin les uns des autres », a-t-elle conclu.