Hugh Pouliot | Service des communications du SCFP
Pas besoin d’une loupe pour voir une nouvelle tendance politique se dessiner au Canada. De la Saskatchewan à la Nouvelle-Écosse, une vague inquiétante prend de l’ampleur. Les gouvernements de droite tentent de faire tomber la façon dont l’État sert le peuple et de redéfinir fondamentalement les droits du travail.
On remarque des différences d’une région à l’autre. D’ailleurs, les couleurs et les affiliations politiques varient, mais, dans l’ensemble, la formule reste la même.
Les services publics importants manquent cruellement de ressources, ce qui les empêche de servir la population et accroît la pression sur leurs employés.
On privatise ou on envoie en sous-traitance des services importants, malgré l’abondance de données fiables démontrant que les services dispensés par l’État sont meilleurs et moins chers.
Les attaques contre les salaires et les conditions de travail sont devenues monnaie courante. Avant, on utilisait les lois de retour au travail seulement en dernier recours. De nos jours, c’est apparemment la solution numéro un de tout premier ministre de droite.
Faisons un survol du pays pour voir comment cette tendance est à l’œuvre.
En Nouvelle-Écosse, les libéraux de Stephen McNeil s’en prennent aux droits des travailleurs avec autant d’acharnement que n’importe quel gouvernement conservateur.
Ils ont imposé la Loi 148, qui prive les travailleurs du secteur public du droit de négocier leur salaire et leur indemnité de départ. Les tribunaux risquent fort de la juger inconstitutionnelle, mais cela n’a pas empêché le gouvernement d’aller de l’avant. En parallèle, les libéraux néo-écossais établissent des partenariats public-privé dans le système de santé et tentent de privatiser l’entretien des autoroutes, même si les membres du SCFP font un meilleur travail à moindre coût.
« Comment la province fera-t-elle des économies en payant des entreprises privées pour faire ce travail ? », s’interroge Mike MacIsaac, trésorier du SCFP 1867, le syndicat des travailleurs de la voirie de la Nouvelle-Écosse. « Nos membres peuvent le faire plus efficacement et pour moins cher. Pourquoi louer une voiture quand on en possède déjà une ? »
Rien ne force le gouvernement McNeil à attaquer les travailleurs ou à réduire les services publics. Nous sommes devant un cas où l’idéologie passe avant les bonnes décisions. Comme le fait remarquer la présidente du SCFP‑N.‑É. Nan McFadgen, « c’est une erreur dont nous allons tous payer le prix ».
Pendant ce temps, la Saskatchewan vit une histoire similaire depuis plus d’une décennie sous le gouvernement conservateur des premiers ministres Brad Wall et Scott Moe du Parti saskatchewanais.
Cette formation a régné durant des années de forte croissance économique. Au lieu d’en profiter pour investir et épargner, le premier ministre Wall a gaspillé de précieuses ressources financières en réduisant les impôts des personnes à revenu très élevé. Il a laissé le déficit social augmenter, alors même que les revenus pétroliers montaient en flèche. À l’éclatement de la bulle pétrolière, fin 2014, le gouvernement a fait porter le blâme du déficit budgétaire sur les fonctionnaires, les travailleurs et les personnes défavorisées.
« Non seulement le budget de l’an dernier imposait de vastes compressions et des reculs », rappelle Tom Graham, président du SCFP-Saskatchewan, « mais, il augmentait les taxes à la consommation. C’est ce qui fait le plus mal au citoyen moyen. Les Saskatchewanais préféreraient un investissement judicieux dans l’avenir de la province. Et cela commence par un système fiscal plus équitable dans la colonne des revenus. »
Avec son budget 2018, le nouveau premier ministre Scott Moe se distingue très peu de son prédécesseur Brad Wall : il prétend que la province est pauvre, mais il flambe des milliards dans de coûteux PPP.
Le Parti saskatchewanais a prétendu haut et fort éliminer le déficit provincial, mais, en réalité, il se contente de pelleter des responsabilités dans la cour des municipalités, des organisations non gouvernementales et du citoyen ordinaire.
Au Canada, si les partis de droite gagnent, ce n’est pas parce qu’ils sont très populaires auprès du public. C’est même souvent l’inverse. Ils gagnent parce qu’ils savent manipuler notre système électoral archaïque qui empêche la majorité des voix d’être entendues.
À maintes reprises, les experts ont démontré que la province pourrait éliminer son déficit tout en maintenant les emplois et les services en adoptant une approche à moyen terme mesurée. Hélas, le Parti saskatchewanais est plus intéressé par une attaque idéologique contre les services publics que par de bonnes politiques, pire même que le gouvernement McNeil en Nouvelle-Écosse. Brad Wall et Scott Moe utilisent le déficit budgétaire comme couverture.
Finalement, l’Ontario vient d’élire un gouvernement conservateur dirigé par Doug Ford, après que les libéraux de Kathleen Wynne soient allés en guerre contre les enseignants et les travailleurs scolaires et aient fait de l’Ontario la province qui dépense le moins par habitant pour les soins de santé.
Ford a gagné en promettant des réductions d’impôts de 7,6 milliards de dollars, une diminution des dépenses annuelles de 500 millions de dollars et l’équilibre budgétaire d’ici 2021. « Il n’y a pas de recette magique », explique l’économiste en chef du SCFP national, Toby Sanger. « Le plan Ford consiste à distribuer des milliards en allégements fiscaux, souvent à des gens qui n’en ont pas besoin, et à équilibrer le budget d’ici 2021, entraînant des compressions profondes dans les dépenses et donc, d’importantes pertes d’emplois. » On parle de 46 000 à 159 000 emplois, secteurs public et privé confondus. « C’est une mauvaise nouvelle pour les travailleurs ontariens, peu importe l’angle d’approche », déplore-t-il. Ford a également promis d’annuler l’augmentation du salaire minimum prévue dans la prochaine année. Les gens craignent ce que cela laisse présager pour les droits du travail en Ontario.
Il ne fait aucun doute que la droite est sur une lancée au Canada.
Et si les élections présidentielles de 2016 aux États-Unis et les élections ontariennes de 2018 nous ont appris quelque chose, c’est que les élections comptent. Nous devons intensifier notre participation aux campagnes électorales, à tous les paliers de gouvernance.
Cependant, il faut aussi comprendre que les gouvernements de droite améliorent leur position sans accroître leur soutien populaire. Cela démontre qu’il faut changer la manière dont nous élisons nos dirigeants.
Hillary Clinton a obtenu deux millions de voix de plus que Donald Trump, mais elle a quand même perdu. Chez nous, le système électoral accorde un gouvernement majoritaire à des partis qui n’ont pas obtenu la majorité des votes. C’est ce qu’on appelle le scrutin majoritaire uninominal à un tour, et c’est la raison pour laquelle les premiers ministres McNeil et Ford détiennent cent pour cent du pouvoir dans leur assemblée législative en n’ayant reçu que quarante pour cent de l’appui populaire. C’est aussi la raison pour laquelle le Parti saskatchewanais bénéficie d’une opposition considérablement entravée : le NPD a obtenu 30 pour cent des voix, mais seulement 16 pour cent des circonscriptions.
La solution, c’est la représentation proportionnelle, un système où chaque vote est compté et pèse dans la balance. C’est simple : 40 pour cent des voix donnent 40 pour cent des sièges.
Bien que la droite monte d’un océan à l’autre, il y a de l’espoir à l’horizon, puisque des référendums sur la réforme électorale sont prévus en Colombie-Britannique et à l’Île-du-Prince-Édouard.
Les Canadiens chérissent leurs services publics. Nous devons nous mobiliser dès maintenant pour les défendre alors qu’ils sont la cible des gouvernements de droite partout au pays.
Mais à long terme, l’un des meilleurs moyens de protéger les services publics et les droits des travailleurs consiste à mettre en place un système qui reconnaît la voix de la majorité des Canadiens lorsque nous allons aux urnes. Cela pourrait commencer en Colombie-Britannique et à l’Île-du-Prince-Édouard avant de se répandre partout au Canada pour les mois et les années à venir.