Les profits passent avant la sécurité des passagers

Avec ses 628 000 membres, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) est le plus grand syndicat au Canada. Nous représentons d’ailleurs plus de 10 000 agents de bord employés chez Air Canada, Air Transat, Calm Air, Canadian North, Canjet, Cathay Pacific, First Air et Sunwing.

Nous estimons que Transports Canada met la sécurité des passagers en danger en permettant aux transporteurs aériens de voler avec moins d’agents de bord dans leurs avions. Le 6 mai 2013, Transports Canada a accordé à WestJet, Sunwing, Air Canada (transporteur principal et rouge), Air Transat, Canadian North, et Canjet une dérogation à la règle actuelle d’un agent de bord pour 40 passagers. Ces transporteurs peuvent maintenant utiliser le ratio d’un agent pour 50 sièges passagers à bord de leurs appareils. Transport Canada souhaite aller plus loin et modifier la réglementation pour permettre à toutes les compagnies aériennes canadiennes d’opter pour le nouveau ratio.

Le gouvernement fédéral prétend que ce changement permettra aux transporteurs canadiens de mieux concurrencer les transporteurs étrangers. En prenant une telle décision, Transports Canada fait passer les profits avant la sécurité des passagers.

Un dangereux changement de position pour le gouvernement

Les exemptions et la modification réglementaire proposée constituent un dangereux changement de position pour le gouvernement. Celui-ci soutenait la règle de 1/40 depuis au moins 2001. Cette année-là, Transports Canada avait rejeté une demande de l’Association du transport aérien du Canada consistant à faire passer le ratio de 1/40 à 1/50. La haute direction de Transports Canada, jugeant qu’un nombre inférieur d’agents de bord représenterait un recul inacceptable en matière de sécurité, avait rejeté la demande en des termes non équivoques :

Nous sommes « persuadés qu’une nouvelle diminution du nombre d’agents de bord ne ferait rien pour améliorer la sécurité, mais aurait plutôt un impact négatif ».

Puis, en 2003, une évaluation des risques menée par Transports Canada concluait que la règle de 1/50 n’offrait pas un niveau de sécurité « équivalent » à la règle actuelle de 1/40.

Le 22 mai 2014, Transport Canada a organisé une rencontre de « consultation » d’à peine six heures sur la modification réglementaire proposée. Durant la rencontre, l’inspecteur de Transport Canada, Christopher Dann, a reconnu que le niveau de sûreté offert par le ratio de 1/50 ne sera jamais équivalent à celui offert par le ratio de 1/40. Transport Canada a aussi admis que la nouvelle réglementation proposée n’a jamais été soumise à une évaluation des risques.

Par le passé, la Chambre des communes a indiqué que tout changement à la règle actuelle de 1/40 devrait faire l’objet d’un examen et de discussions approfondis. Les députés ont affirmé, à plusieurs reprises, qu’on ne doit pas contourner cette règle par voie de dérogation et que toute demande de modification à cette règle doit être soumise au Comité permanent des transports. Nous sommes tout à fait d’accord avec ce point de vue.

En 2004, en s’adressant au Comité permanent des transports, la députée conservatrice Lynne Yelich a judicieusement déclaré que cette question en est une de sécurité publique :

« Pour moi, c’est véritablement une question de sécurité. Il y a tant de choses qui se passent de nos jours, et tout cela est dû aux attentats du 11 septembre, et c’est pour cela que nous essayons d’imposer des mesures de sécurité rigoureuses au sol, avant l’embarquement. Mais à mon avis, c’est dans l’avion qu’il faut faire en sorte que le personnel soit suffisant pour pouvoir intervenir en cas d’incidents, comme la rage de l’air, par exemple, comme ce passager qui avait une bombe dans sa chaussure, ou encore lorsqu’un passager a un gros problème de santé. Il y a tant de choses qui peuvent se passer. » (Nous soulignons.)

Air France évite une tragédie

En août 2005, pendant un orage violent, le vol 358 d’Air France a roulé au-delà de la piste de l’aéroport Pearson de Toronto et s’est enflammé. Quelques mois plus tard, le ministre des Transports de l’époque, Lawrence Cannon, a décidé de maintenir le ratio d’un agent de bord pour 40 passagers dans les gros avions, parce que « le gouvernement conservateur a reconnu l’importante contribution des agents de bord, particulièrement lors d’évacuations d’urgence ».

Le ratio sur le vol d’Air France était d’un agent de bord pour 30 passagers. Tous les passagers ont survécu. Dans une situation d’urgence comme l’accident d’Air France, les agents de bord disposent d’à peine 90 secondes pour faire sortir tous les passagers de l’avion. Voilà qui illustre le rôle essentiel des agents de bord hautement qualifiés et l’importance d’en avoir un nombre suffisant à bord.

Dans une situation d’urgence, chaque seconde compte : le ratio de 1/40 est une norme de sécurité éprouvée

Les agents de bord SCFP sont des professionnels de la sécurité. À bord, ces femmes et ces hommes font office de pompiers, de policiers et d’infirmiers. Les agents de bord sont essentiels à la sûreté et à la sécurité des passagers en cas d’urgence, parce que chaque seconde compte. Les agents de bord sont sur la première ligne de défense quand les choses tournent mal dans un avion. Et, malheureusement, plusieurs choses peuvent mal tourner :

  • évacuation;
  • décompression de la cabine;
  • urgence médicale;
  • passager indiscipliné ou violent (rage de l’air);
  • incendie à bord;
  • terrorisme.

S’il y a moins d’agents de bord, la sécurité à bord en souffrira, la charge de travail et le stress des agents de bord augmenteront, ainsi que le risque que courront les passagers, surtout depuis les détournements du 11 septembre 2001. Avec un ratio de 1/50, en cas d’évacuation sur un gros avion, il n’y aurait pas assez d’agents de bord pour couvrir toutes les sorties de secours. Cela pourrait nuire gravement à la sécurité des passagers, surtout pour les voyageurs handicapés et les aînés qui ont besoin de plus de temps et d’aide pour sortir de l’avion. Les statistiques compilées à partir de situations d’urgence bien réelles démontrent qu’il faudrait plus d’agents de bord, pas moins.

Transports Canada se tourne vers le ratio de 1/50 sans avoir fait les recherches nécessaires. Le ministère dit qu’on peut abaisser délibérément la sécurité, parce que le nouveau ratio de 1/50 est « assez sécuritaire ». Or, le ministère ne dit pas comment il définit « assez sécuritaire ». Il dit simplement que ce ratio doit être sécuritaire, puisque d’autres l’appliquent. Pourtant, les cas réels d’accident et les études scientifiques démontrent qu’un ratio de 1 agent de bord pour 40 passagers ou mieux accroît les chances de survie des passagers dans une situation d’urgence. Les preuves démontrent que, pour sauver des vies dans de vrais accidents, il est préférable d’avoir un ratio de 1/40 ou mieux.

Les exemptions et la modification réglementaire n’ont pas fait l’objet d’un examen public adéquat. Elles vont aussi à l’encontre des décisions antérieures de Transports Canada. Le gouvernement fédéral ne devrait pas agir unilatéralement, compte tenu de l’importance de l’enjeu pour les passagers.

Les demandes du SCFP

Pour toutes ces raisons, nous demandons au gouvernement fédéral d’annuler les dérogations accordées, de ne pas accorder d’autres dérogations de ce genre et ne pas procéder à des changements réglementaires. Il est contraire à l’intérêt public que Transports Canada prenne de telles décisions, lorsque les faits démontrent que le ratio de 1/50 abaissera le niveau de sécurité des passagers. Le SCFP est clairement contre ce changement. Nous soutenons qu’il est contraire à l’intérêt public et qu’il réduit la sécurité publique. Le Comité permanent des transports de la Chambre des communes doit entreprendre une enquête publique sur cette question.