la colline du Parlement de l'édifice de l'OuestLe budget fédéral 2019 a correctement identifié bon nombre des problèmes auxquels sont confrontés les Canadiens : pénurie de logements abordables pour tous, et ce, indépendamment du revenu, montée en flèche du coût des médicaments, besoin d’expérience de travail pratique pour les jeunes et de formation professionnelle pour les travailleurs expérimentés, lourd fardeau de la dette étudiante, manque de sécurité financière à la retraite pour les aînés à faible revenu et besoins en infrastructures des municipalités et des communautés autochtones. Malheureusement, bon nombre des solutions proposées par le gouvernement Trudeau sont d’une portée si limitée que peu de gens en bénéficieront. Dans certains cas, l’approche proposée dans le budget aggravera les problèmes systémiques.

Logement

Prenons l’exemple du logement abordable. Le budget 2019 permettra aux acheteurs d’une première maison de retirer 35 000 dollars de leurs REER pour faire une mise de fonds, alors que la limite actuelle est de 25 000 dollars. L’argent retiré des REER pour acheter une maison doit être remboursé au cours des 15 années suivantes. Le problème, c’est que moins de la moitié des travailleurs âgés de 25 à 33 ans ont un REER. Pour ceux qui en ont un, le montant épargné médian n’est que de 7000 dollars, ce qui est bien en dessous de la limite actuelle de 25 000 dollars. Cette mesure peut donc aider quelques personnes à revenu élevé, mais elle ne modifie en rien les facteurs sous-jacents qui rendent la location ou l’achat d’un logement inabordable.

Une autre solution avancée dans le budget 2019 consiste à demander à la SCHL de prêter directement aux acheteurs d’une première maison jusqu’à dix pour cent du prix d’achat afin de réduire le montant du prêt hypothécaire. Pour être admissible, il faudra ne jamais avoir acheté de maison auparavant, disposer d’au moins cinq pour cent du montant en liquidités pour la mise de fonds et avoir un revenu familial inférieur à 120 000 dollars. De plus, le montant total du prêt hypothécaire plus l’incitatif de la SCHL doit être inférieur à quatre fois le revenu familial annuel. Enfin, pour obtenir le plein dix pour cent, il faudra acheter une maison neuve. L’acheteur d’une maison plus ancienne pourra tout de même avoir droit à un maximum de cinq pour cent. Ainsi, le prix de la maison la plus chère qu’on pourra obtenir en vertu de cette mesure se situe entre 500 000 et 600 000 dollars, selon le revenu familial et le montant de la mise de fonds, ce qui signifie qu’elle ne s’applique tout simplement pas aux acheteurs de Toronto et de Vancouver.

Aucune de ces mesures ne permet d’améliorer la qualité des logements locatifs ou de les rendre plus abordables. Le budget ne contient pas non plus de mesures pour favoriser la création de nouveaux logements abordables ou de coopératives d’habitation.

Assurance-médicaments

En ce qui concerne l’assurance-médicaments, le gouvernement s’est engagé à verser 35 millions de dollars sur quatre ans pour créer une nouvelle agence qui évaluera l’efficacité des nouveaux médicaments sur ordonnance et qui négociera les prix des médicaments pour le compte des divers régimes d’assurance-médicaments canadiens. Il consacre aussi un milliard de dollars sur deux ans, à compter de 2022, pour compenser le coût élevé des médicaments pour les personnes atteintes de maladies rares et améliorer leur accès à ces médicaments. Avec leur budget, les libéraux semblent reconnaître les grands problèmes du système actuel d’assurance-médicaments, un mélange hétéroclite de régimes publics et privés, mais sans plus.

En effet, bien que ces mesures limitées visant à améliorer le système soient les bienvenues, nous sommes encore bien loin du régime national d’assurance-médicaments public, universel, complet et à payeur unique préconisé par le SCFP depuis de nombreuses années. L’approche largement insuffisante du gouvernement déçoit. Elle démontre l’absence d’une vision claire chez les libéraux de ce à quoi devraient ressembler un régime national d’assurance-médicaments et sa mise en œuvre.

Formation professionnelle

Le gouvernement a présenté le budget 2019 comme celui « des compétences ». Il contient des mesures comme la nouvelle Allocation canadienne pour la formation, un crédit d’impôt remboursable de 250 dollars par année (un maximum de 5000 dollars pour la carrière d’un individu) qui peut être utilisé pour payer jusqu’à la moitié des frais de scolarité dans un collège, une université ou un autre établissement admissible. Une nouvelle allocation de soutien à la formation de l’assurance-emploi fournira également une aide financière pour un maximum de quatre semaines de congé de formation tous les quatre ans.

Malheureusement, le budget de 2019 laisse en plan les travailleurs qui ont le plus besoin d’aide, comme les travailleurs précaires ou à faible salaire, qui n’ont peut-être aucune épargne et qui n’auront peut-être jamais accès à des possibilités de formation financées par l’employeur. Pour avoir droit à l’Allocation canadienne pour la formation, un travailleur doit gagner au moins 10 000 dollars par année. Il doit aussi être en mesure de payer lui-même au moins la moitié du coût de sa formation, ainsi que l’intégralité de la facture, de sa poche, en attendant de pouvoir récupérer l’autre moitié au moment de l’impôt.

Il en va de même pour l’allocation de soutien à la formation de l’assurance-emploi. Il faut avoir cumulé 600 heures d’emploi assurable au cours de l’année précédente pour pouvoir en bénéficier. Pourtant, les travailleurs à statut précaire ont déjà de la difficulté à recevoir des prestations d’assurance-emploi, précisément parce qu’ils n’arrivent pas à cumuler suffisamment d’heures durant la période de référence.

 Autres problématiques

Parmi les autres solutions trop limitées, citons la possibilité pour les personnes âgées à faible revenu de conserver une plus grande partie de leurs gains avant de perdre le Supplément de revenu garanti. Cette mesure est utile pour ceux qui sont capables de continuer à travailler après 65 ans, mais elle n’aidera qu’une poignée de gens et ne fait rien pour remédier aux problèmes systémiques associés à la pauvreté chez les personnes âgées.

Lors de la campagne électorale de 2015, les libéraux avaient promis d’éliminer le crédit d’impôt pour options d’achat d’actions. Le budget de 2019 se limite à le plafonner à 200 000 dollars par an pour les employés d’entreprises « matures ». Ce crédit n’est toujours pas plafonné pour les nouvelles entreprises et les « entreprises en croissance rapide ».

Avec des élections fédérales à l’automne, la situation financière du gouvernement demeure bonne dans l’ensemble. Le gouvernement libéral dispose donc d’une marge de manœuvre pour mettre de l’avant d’autres idées plus porteuses et élargir la portée des solutions budgétaires proposées. Les conservateurs ont beaucoup insisté sur le fait que le budget n’est pas équilibré, bien que la dette fédérale recule par rapport au PIB. Dans ce contexte, le gouvernement libéral aurait pu dépenser moins d’argent dans des solutions ciblées et plus d’argent dans des besoins urgents susceptibles de provoquer des changements systémiques, comme les garderies publiques ou un régime d’assurance-médicaments universel. 

Photo credit: Daniel Hu Utilisation sous Creative Commons Attribution 3.0 Unported License.