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« On n’entend pas les mots, on fabrique donc des cymbales et des tambours. En raison du manque de visibilité, on utilise des banderoles et des drapeaux pour localiser et unifier l’ouïe et la vue des gens. Une fois les gens unifiés, le brave ne peut avancer seul, le timide ne peut battre en retraite seul, voilà la règle pour déployer un groupe. »

Tiré d’un texte ancien de Sun Tzu sur l’art de la guerre

 

 

Lorsque les travailleuses et travailleurs hospitaliers de l’Ontario ont décidé de combattre l’ingérence du gouvernement dans le processus d’arbitrage et de faire campagne pour une entente négociée sans concession, une véritable augmentation de salaire et une sécurité d’emploi, elles et ils n’avaient aucune idée que la lutte se poursuivrait la majeure partie de l’année. Mais leur patience, leur souplesse et leur détermination ont finalement porté fruit lorsqu’on leur a accordé une augmentation de salaire substantielle tout en protégeant leur sécurité d’emploi. Malgré les nombreux hauts et bas de cette campagne, les travailleuses et travailleurs hospitaliers du SCFP se sont tenus et ont remporté la victoire malgré tout.

 

En juillet 1998, les travailleuses et travailleurs hospitaliers du SCFP ont formé une alliance avec le Syndicat internatio-nal des employés de services afin de contester, devant les tribunaux, la décision du gouvernement ontarien. Ce dernier sa-botait le processus d’arbitrage en nommant des juges à la retraite qui, croyait-il, allaient peser dans la balance en faveur des administrateurs d’hôpitaux et du gouvernement en réduisant les salaires des travailleuses et travailleurs et en permettant aux hôpitaux de l’Ontario de sous-traiter encore plus de services.

 

« Faire lutter les gens en laissant jouer la force du moment c’est comme faire rouler des billes de bois et des pierres. Les billes et les pierres ne bougent pas lorsqu’elles sont dans un endroit sur, mais elles roulent si elles sont sur une pente…quand les gens sont amenés adroitement à combattre, l’impulsion est comme celle des pierres rondes qui roulent du sommet d’une haute montagne; c’est la

force. »

Sun Tzu

 

 

Mobilisation

 

Incapable de prédire le résultat de la contestation judiciaire, il était important d’obtenir l’appui de la population. La plupart des Ontariennes et Ontariens ne savaient pas que les travailleuses et travailleurs hospitaliers avaient perdu le droit de faire la grève et de nombreuses personnes ne comprenaient pas nos préoccupations face au processus d’arbitrage biaisé. Elles ignoraient que nous étions sans convention de travail depuis 1995 ni que les hôpitaux voulaient privatiser nos emplois et réduire nos salaires de 18 pour cent.

 

Le SCFP et le SIES ont donc lancé la campagne de négociation appelée Négocier. Fini l’arbitrage; ils ont mobi-lisé les membres et créé un front commun dans la lutte contre l’Association des hôpitaux de l’Ontario.

 

Des lignes de piquetage d’information, des manifestations et des événements hebdomadaires organisés dans les hôpitaux de la province ont aidé la population à commencer à voir les pressions exercées par l’AHO pour la sous-traitance comme une attaque contre la qualité des soins hospitaliers. La promesse à l’effet que les services hospitaliers ne seraient pas perturbés tant et aussi longtemps que nous serions à la table de négociation a aidé les gens à parler d’une grève possible dans les hôpitaux.

 

La menace de grève dans les hôpitaux s’avérerait difficile à maintenir sur une période de plusieurs mois, mais le message était clair et fort.

 

« Nous avons aidé à maintenir le système hospitalier malgré les coupures massives et les changements drastiques », de dire Michael Hurley, président du Conseil des syndicats hospitaliers de l’Ontario. « Il est inacceptable que notre récompense pour l’avoir fait soit de perdre nos emplois ou de voir nos salaires coupés. Nous demanderons à nos membres de nous donner un mandat de grève fort si jamais les pourparlers avec les hôpitaux achoppaient. »

 

Les signes d’appui de la population et la menace d’une grève dans les hôpitaux ont mis de la pression sur l’AHO pour qu’elle revienne à la table de négociation. Mais l’AHO s’est retirée après une seule journée de négociation, lorsque le SCFP et le SIES ont dit clairement qu’ils n’accepteraient jamais les concessions relatives aux dispositions sur la sous-traitance.

 

« Donc, lors de combats de nuit, vous utilisez de nombreux feux et tambours; pour les combats de jour, vous utilisez de nombreuses banderoles et de nombreux drapeaux afin d’influencer l’ouïe et la vue des gens. »

Sun Tzu

 

 

Faire passer le message

 

Sans aucun progrès en vue, il a fallu augmenter le volume. Pour rendre la menace d’une grève plus réelle, les deux syndicats ont tenu des votes de grève dans toute la province. Le résultat : un mandat de grève à 80 pour cent des voix.

 

Nous avons publié des informations sur les grosses augmentations de salaire et les importants avantages indirects que les gestionnaires des hôpitaux se sont accordés, soit une moyenne de 15 000 $ entre 1995 et 1997.

 

Nous avons également intensifié nos attaques contre le gouvernement de Mike Harris et nous avons demandé au premier ministre d’ordonner à l’AHO de revenir négocier. La campagne du gouvernement conservateur pour réduire les budgets des hôpitaux et faire pression en faveur de la privatisation en ont fait une cible facile, compte tenu des élections qui approchaient.

 

En attendant le résultat de notre contestation judiciaire, le SCFP et le SIES ont demandé le report d’une audience d’arbitrage par un des juges à la retraite nommé par le gouvernement Harris. La demande a été refusée et il semblait que nous serions tenus d’assister à une audience biaisée mais, à la dernière minute, devant les pressions de plus en plus fortes, le Juge Flanigan a démissionné.

 

Entre-temps, l’AHO était revenue à la table de négociation mais elle l’a quittée à nouveau. Nous avions fait des progrès considérables relativement à nos demandes salariales, mais les hôpitaux sont demeurés fermes dans leur campagne pour avoir droit de sous-traiter notre travail. Ils comptaient sur le Juge Flanigan pour trancher en leur faveur si les négociations échouaient et sa démission a représenté une importante victoire pour les travailleuses et travailleurs hospita-liers.

 

« Nos membres sont la dernière ligne de défense contre la privatisation dans les hôpitaux de l’Ontario, a déclaré Michael Hurley à ce moment-là. Si nous perdons les mesures de protection contre la sous-traitance dans nos conventions collectives, cela nous fait avancer d’un pas de plus vers un système hospitalier de style américain, à deux paliers. »

 

« Ne bougez pas avant d’y voir un avantage; n’utilisez pas vos troupes à moins qu’il n’y ait des gains à faire; ne luttez pas à moins que la position soit critique. »

Sun Tzu

 

 

Il était clair que le message contre la privatisation était notre meilleur moyen d’obtenir l’appui de la population. La campagne devait changer de vitesse afin de faire comprendre ce message. Des banderoles et des pancartes, des ma-carons et du papiers à en-tête ont été élaborés pour refléter cet objectif. Le slogan de la campagne est devenu Pas à vendre avec le H de l’hôpital en arrière-plan. La sympathie accrue de la population était évidente dans les éditoriaux de tous les journaux de la province et lors des émissions-débat et des tribunes télépho-niques.

 

Pour assurer une meilleure couverture médiatique et de meilleures occasions de rassemblements, nous avons acheté une vieille ambulance et on y a peint un drapeau américain et des logos de cartes de crédit. L’intérêt des médias a été phénoménal. D’une municipalité à l’autre, avec les rassemblements, les conférences de presse et les assemblées publiques, l’ambulance a contribué à attirer l’attention de la population et à faire passer notre message. La menace de la privatisation était réelle et il fallait l’éloigner.

 

Un levier électoral

 

Avec des élections en vue et l’impatience de plus en plus grande du SIES, nous avons décidé d’approcher l’AHO pour une dernière ronde de négociation. Les sondages indiquaient que le gouvernement conservateur de Mike Harris serait probablement réélu. Dans la course menant aux élections, le gouvernement était vulnérable face à nos attaques. Mais avec un mandat renouvelé, les perspectives d’une entente positive n’étaient pas bonnes. Il était clair qu’une entente était nécessaire avant les élections.

 

Les négociations ont repris au début d’avril. Cette fois-ci, l’AHO souhaitait parler du processus. Un médiateur nommé par le gouvernement est entré en jeu, mais n’a pas été d’une grande aide. L’AHO parlait d’arbitrage, mais en vertu de l’ancien système avec un arbitre sur lequel les deux parties se seraient entendues. Une des plus grosses sections locales du SIES avait toujours souhaité aller en arbitrage. Il est devenu évident qu’elle saisirait l’occasion.

 

Une décision difficile devait être prise. Les laisserions-nous aller en arbitrage, diviser l’alliance et suivre le modèle établi par leur décision ? Sans alliance, notre position serait clairement plus faible et l’AHO sortirait gagnante. Si nous ne nous joignions pas au SIES dans l’arbitrage, nous ne pourrions pas influencer l’issue et nous serions pris avec les résultats.

 

Les deux syndicats et l’AHO se sont donc entendus pour présenter les questions en litige à l’arbitre George Adams, un arbitre d’expérience hautement respecté et un ancien président de la Commission des relations de travail de l’Ontario. À la fin, la lutte que nous avons menée a permis d’éviter un système d’arbitrage biaisé, avec des juges nommés par un organe politique du gouvernement.

 

« Les membres du SCFP et du SIES étaient prêts à lutter et ont utilisé leur pouvoir soigneusement, de dire Michael Hurley. La réussite de notre campagne commune n’aurait pas été possible si les syndicats individuels avaient travaillé isolément. »

 

« Tout juste comme l’eau ne garde pas de forme constante, dans la guerre il n’y a pas de conditions constantes. La personne qui peut modifier ses tactiques face à l’opposant et, ainsi, réussir à gagner, peut être appelée un capitaine céleste. »

Sun Tzu

 

 

La décision

 

À la fin, les travailleuses et travailleurs hospitaliers de l’Ontario ont pu fêter avec une augmentation de 7,5 pour cent et une sécurité d’emploi protégée jusqu’au prochain millénaire. Il n’y avait évidemment aucune garantie que l’arbitre allait rendre une décision en notre faveur, mais nous avions amélioré nos chances en donnant une certaine justice au processus. La solidarité et la persévérance ont fait toute la différence.

 

Robert Lamoureux