Front façade of Queen's Park   Tard dans la journée du vendredi 14 février, avant la longue fin de semaine, le gouvernement conservateur de Doug Ford a annoncé les prochaines étapes de son projet pilote de gestionnaires des systèmes de services d’emploi. Celui-ci touche trois régions ontariennes : Hamilton-Niagara, Peel et Muskoka-Kawartha. Il s’inscrit dans un plan visant à transférer la gestion du système de services d’emploi des 47 conseils d’administration municipaux et de district des services sociaux vers quinze nouvelles entités régionales. Dans chaque région, les municipalités, les organismes à but non lucratif et les entreprises privées soumissionneront pour obtenir la gestion des clients des régimes d’aide sociale de l’Ontario, d’Ontario au travail (OT) et du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH).

Le comité des services sociaux du SCFP-Ontario condamne cette initiative, dans laquelle il ne voit qu’un stratagème de privatisation. Il soutient que le gouvernement aurait dû faire cette annonce le jour de la marmotte, plus tôt ce mois-ci, puisqu’il s’agit presque d’une copie conforme du projet pilote ActionEmplois mis sur pied par les libéraux il y a 15 ans.

En mars 2005, le gouvernement ontarien embauchait une entreprise à but lucratif britanno-colombienne, West Coast Group (WCG), pour fournir des services d’emploi et de soutien aux travailleurs bénéficiaires de l’aide sociale. Ce projet reposait sur un modèle de rémunération au rendement : la rémunération de WCG équivalait à un pourcentage de la réduction des prestations d’aide sociale. Il s’est soldé par un échec.

Selon une évaluation indépendante d’ActionEmplois, les bénéficiaires d’Ontario au travail étaient principalement placés dans des emplois à temps partiel et à faible salaire. WCG, pour gonfler sa rémunération, encourageait les gens à accepter des emplois qui ne leur convenaient pas. Le SCFP-Ontario s’oppose à la présence du privé dans les services d’emploi. Il craint que le projet annoncé vendredi ne répète les erreurs du passé. Relier le financement à des cibles a pour effet de fragiliser le réseau des services d’emploi. Devant la précarité du marché du travail, on devrait plutôt favoriser la complémentarité des programmes d’aide à l’emploi. L’éventail des services fournis aux bénéficiaires de l’aide sociale doit inclure des soutiens en amont (formations, recherche d’emploi) et en aval (mesures de maintien à l’emploi). 

Il fut un temps où les gestionnaires des services municipaux regroupés (GSMR) et les conseils d’administration de district des services sociaux (CADSS) disposaient d’un système solide et intégré de soutien à l’emploi directement lié à la gestion des cas. Les bénéficiaires de l’aide sociale pouvaient travailler avec plusieurs employés qui se coordonnaient entre eux pour obtenir de meilleurs résultats. Or, depuis une dizaine d’années, les municipalités et les CADSS ont de plus en plus recours à des programmes et des services externes offerts par des sous-traitants d’Emploi Ontario ou des organismes multiservices sans but lucratif.  

Le nouveau plan du provincial ne fera qu’empirer les choses. 

Les renvois à des organismes externes pour obtenir de l’aide à l’emploi diminuent la cohésion dans la prise en charge des dossiers. Cela sépare l’emploi du mode de vie en se concentrant sur l’employabilité à court terme, ce qui entraîne des impacts à long terme. Le passage à quinze régions pour la gestion des services réduit la responsabilité locale et la continuité des services fournis par les municipalités et les partenaires communautaires. Cette transition vers de grandes régions géographiques ressemble à ce que les conservateurs de Ford proposent pour les services de santé publique et d’ambulance terrestre, des idées auxquelles les Ontariens résistent beaucoup.

Les travailleurs de première ligne craignent toujours que des gens passent entre les mailles du filet. Avec ce modèle de services, le gouvernement fait de ces mailles des trous béants. Ce plan nuira aux personnes les plus vulnérables de notre société, celles qui ont le plus besoin de soutien. Le SCFP-Ontario et son comité des services sociaux se joignent aux nombreuses autres organisations qui critiquent cette initiative. Nous continuerons de nous y opposer.

Photo«Queen’s Park» by gorbould is licensed under CC BY-NC-ND 2.0