Voici la traduction d’une lettre du président du SCFP-T.-N.-L. adressée à la rédaction du Telegram, qui l’a publié dans son édition du 26 novembre 2016. Cette lettre réagit à un article du 22 novembre intitulé Liberal government expected to take P3 approach: construction association et aux propos de l’ex-PDG de Bridgepoint Marian Walsh qui y sont rapportés.

Rappel à tous : les promoteurs qui se battent pour décrocher le projet d’hôpital à Corner Brook, comme les autres sociétés privées, ne font rien qui ne puisse leur permettre de réaliser un profit considérable. Cette attitude entre en conflit avec l’intérêt des citoyens et des contribuables. Nous, contribuables, sommes-nous prêts à payer la facture des projets en PPP qui, immanquablement, accuseront un retard dans leur échéancier et qui défonceront leur budget de construction et de maintenance ?

Dans son rapport intitulé Ontario audit throws cold water on federal-provincial love affair with P3s, l’économiste Toby Sanger explique que tous les projets de PPP ontariens (y compris ceux de Bridgepoint) sont supervisés par Infrastructure Ontario. Le rapport de M. Sanger est peu flatteur. On y apprend que chacun des 75 PPP d’Infrastructure Ontario a été justifié par le transfert d’une grosse partie du risque financier vers le privé, alors qu’aucune preuve ou donnée empirique n’appuyait cette prétention dans les évaluations de l’optimisation des ressources.

La vérificatrice générale de l’Ontario, dans un rapport de 2014, énumère plusieurs autres points négatifs des PPP, mais ce qui m’a frappé le plus, c’est que ces projets ont accru la dette ontarienne de l’équivalent de 1 600 $ par ménage.

Imaginez-vous les familles terre-neuviennes et labradoriennes devoir assumer une dette de cette taille ?

Parlons maintenant de Partnerships BC. Un rapport du ministère britanno-colombien des Finances publié l’an dernier relève de graves problèmes de conflits d’intérêts, en plus de faire état de politiques et de pratiques douteuses chez cet organisme de promotion des partenariats public-privé.

Ce rapport se penche aussi sur une pratique courante dans les PPP : le « bundling » ou regroupement. Celle-ci empêche les petites entreprises de soumissionner sur les mégaprojets (comme la construction d’un hôpital) et d’y participer. Le gouvernement terre-neuvien agirait-il dans l’intérêt des PME s’il soutenait les PPP qui permettent ce genre de pratique ?

Lorsqu’on leur parle des échecs du passé, les promoteurs des PPP prétendent avoir corrigé leurs façons de faire. Or, nous savons que la recette n’a pas changé.

Permettez-moi de me répéter : le secteur privé profite du trésor public, tandis que la population et les contribuables finissent toujours par payer une facture plus élevée que prévu, pour des services PPP de qualité inférieure et criblés de pannes de service.

Quant à l’hypothèse de Mme Walsh voulant que les PPP soient meilleurs pour la budgétisation à long terme, j’avance que le secteur public est en mesure de planifier et de budgéter la maintenance des installations pour moins cher et avec plus de flexibilité que le privé, tout en conservant le contrôle.

Lorsque des employés de l’État, des consultants ou des agences de PPP proposent de réaliser un projet d’infrastructure en PPP dans notre province, nos élus devraient tous poser des questions. Je leur recommande, d’ailleurs, de commencer par la liste des « dix questions essentielles à poser » qu’a préparée John Loxley.

Cachoteries, refinancement, coûteux contrats de cession-bail et de vente, taux d’intérêt et coûts d’emprunts plus élevés, sous-traitance, perte de contrôle de l’exploitation et de la maintenance… nous avons trop à perdre dans un partenariat public-privé. Trop souvent, on cache à la population le coût réel et les conséquences de ces accords.

Ces risques bien concrets dépassent largement les avantages des PPP. Protégeons nos familles et les coffres de l’État de ces écueils. Non merci, on peut le faire nous-mêmes.

Wayne Lucas

Président du SCFP-T.-N.-L.