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On ne se la cachera pas : le mouvement ouvrier canadien est confronté à de nombreux défis. Depuis la crise économique mondiale de 2008, les attaques contre les travailleurs et leurs syndicats du monde entier sont d’une force inégalée depuis la Grande Dépression.

Malgré ce contexte, les médias canadiens font preuve d’un cynisme gratuit et souvent sans fondement  à l’endroit des syndicats.

Prenons pour exemple la récente assemblée du Congrès du travail du Canada. Plus de 4000 dirigeants et militants syndicaux de partout au Canada se sont réunis pendant une semaine à Montréal.  Il s’agissait probablement du plus gros rassemblement syndical dans l’histoire canadienne.

Pendant une semaine, on y a débattu avec vigueur d’enjeux touchant les travailleurs et l’ensemble de la population. On y a aussi choisi les dirigeants du mouvement ouvrier canadien dans une élection chaudement disputée.

Malheureusement, les journalistes, les rédacteurs en chef et les réalisateurs des grands médias canadiens n’en ont presque pas parlé.

Bien sûr, les médias ont leurs propres contraintes. On demande aux journalistes, comme à tous les travailleurs, d’en faire plus avec moins dans un secteur très concurrentiel. Cela étant dit, je pourrais démontrer qu’il est dans l’intérêt du public (notamment les 3,3 millions de syndiqués représentés parle CTC) de couvrir une assemblée de cette magnitude, mais cela n’est pas mon propos aujourd’hui.

En effet, il y a une attitude plus grave et plus insidieuse qu’il faut dénoncer en priorité: en plus d’ignorer l’assemblée du CTC, des chroniqueurs et des éditorialistes n’ont pas hésité à publier des chroniques et des articles pleins d’erreurs de faits défendant les intérêts de leurs patrons. Pire, ces papiers ont été présentés comme des « nouvelles ».

Prenons le cas de Terrance Corcoran, éditorialiste au Financial Post. Bien que ni lui ni personne de son journal ou de son empire médiatique, Post Media, n’ait assisté à l’assemblée du CTC, il a eu le front de publier une chronique dénigrant l’événement.

Armé uniquement de ce qu’il a pu trouver dans les réseaux sociaux et d’une poignée d’articles provenant d’autres médias (qui, eux non plus, n’ont pas assisté au congrès), M. Corcoran a trouvé le moyen de noircir plusieurs centimètres carrés de copie sur l’état du mouvement ouvrier au Canada. Et ce, sans même parler à un syndicaliste ou en interviewer un. Sa chronique aurait été plus juste et factuelle s’il avait pris le temps de recueillir le point vue syndical.

Dans sa chronique, Terrance Cochrane prédit le déclin du taux de syndicalisation dans le secteur privé canadien, comme pour l’ensemble des travailleurs du pays. Or, il tait le fait que, comparativement aux pays de l’OCDE, le taux de syndicalisation globale au Canada s’est maintenue au même niveau au cours des dernières décennies. C’est tout le contraire de la situation aux États-Unis et dans bien d’autres pays. C’est aussi le contraire de ce que souhaite entendre M. Corcoran pour raffermir son préjugé antisyndical bien connu.

De plus, même lorsqu’il a les bonnes données en main, il les interprète mal.

Terrance Corcoran prétend que la contestation de la constitutionnalité des lois limitant le droit de grève des fonctionnaires saskatchewanais est une preuve de faiblesse syndicale. À mon avis, par l’entremise de leurs syndicats, ces hommes et ces femmes font légitimement valoir que le gouvernement saskatchewanais n’est pas au-dessus de la loi.

M. Corcoran rapporte avec justesse la décision d’Unilever de mettre un terme à ses activités à Bramalea en Ontario pour les déménager aux États-Unis, une mesure qui jette 280 syndiqués à la rue. Il conclut toutefois que le fait d’être syndiqué n’a pas aidé les employés d’Unilever.

N’aurait-il pas été plus plausible de dire que ces travailleurs (au même titre que les 500 000 autres travailleurs du secteur manufacturier qui ont perdu leur emploi) ont été victimes, des concessions faites par le Canada lors de la négociation de ses accords commerciaux et de l’absence d’une vraie stratégie industrielle nationale?

Accords commerciaux irresponsables, paris risqués sur la vente de ressources naturelles non-transformées, dépendance chronique au Programme des travailleurs étrangers temporaires permettant de subventionner les salaires des entreprises, tous ces problèmes contribuent au déclin du Canada comme nation de bâtisseurs. D’ailleurs, toutes ces questions ont fait l’objet de débats au congrès du CTC.

Or, si un journaliste veut donner un portrait fidèle à la population des effets de ces enjeux n’a-t-il pas la responsabilité de présenter des points de vue différents? N’a-t-il pas le devoir de suivre et de comprendre les débats en cours au sein du mouvement syndical sur ces importants dossiers? N’a-t-il pas la responsabilité, à tout le moins, de parler à un dirigeant syndical avant de se prononcer sur son leadership?

Bien que cet aveuglement délibéré nous complique la tâche à nous, dirigeants syndicaux, elle fait encore plus mal aux travailleurs canadiens, syndiqués ou non. Ce sont eux qui perdent le plus au change.

Faute de journalistes présents, les médias ont manqué des débats de haut niveau sur la sécurité à la retraite. L’anxiété croissante de la population qui ne dispose pas de bonnes options d’épargne pour préparer leur retraite a notamment été exposée. Les journalistes ont aussi manqué des débats rigoureux sur l’avenir de Postes Canada, les inégalités de revenu et notre responsabilité, comme Canadiens, envers les peuples autochtones.

Les opinions de M. Corcoran sont plus en harmonie avec celles du lectorat du Financial Post, je vous l’accorde. Or, la population a droit à des médias qui reflètent le débat public au lieu de se contenter de renforcer les préjugés et les points de vue déjà établis de leurs lecteurs.

Les syndicats canadiens font partie d’un mouvement moderne et vivant qui livre la marchandise à ses membres, jour après jour. Et ce mouvement vise la justice pour tous.

C’est un fait : les syndicats canadiens ne ménagent pas les efforts pour faire respecter les droits de tous les travailleurs, ainsi que pour protéger l’assurance-maladie, l’enseignement public et les services municipaux essentiels comme l’eau et la sécurité publique.

Dans ces dossiers clés, les valeurs du mouvement ouvrier sont en phase avec celles de la population.

Fermer les yeux sur ces faits ne les fera pas disparaître. Et fermer les yeux sur le rôle des syndicats ne fera pas disparaître tout ce que nous accomplissons.