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Lors d’une conférence de presse qui s’est déroulée le 24 juillet dernier à Bogota, les dirigeants syndicaux du secteur public du Canada ont affirmé qu’un accord de libre-échange avec la Colombie entraînerait une hausse des cas d’abus commis en matière de droits de la personne et de droits du travail et aggraverait la situation de collectivités déjà vulnérables.

Voici la déclaration que les dirigeants syndicaux canadiens ont prononcée devant une brochette de journalistes à la suite de leur rencontre avec des dirigeants de la centrale unie des travailleurs et travailleuses (CUT), l’une des trois centrales syndicales de la Colombie :

« En tant que dirigeants syndicaux représentant un million de travailleurs et travailleuses du secteur public du Canada, nous sommes venus en Colombie pour étudier la situation des droits de la personne et celle des droits des travailleurs et travailleuses parce que nos gouvernements respectifs négocient un accord de libre-échange.

À cette fin, nous nous sommes entretenus avec des représentants de nombreux secteurs de la société colombienne, notamment des représentants officiels du gouvernement, de la centrale unie des travailleurs et travailleuses et d’autres syndicats, des leaders de l’opposition, des représentants d’organisations non gouvernementales, de groupes représentant les Autochtones et les Afro-Colombiens de même qu’avec l’ambassadeur du Canada en Colombie.

Nous étions également présents pour entendre le tribunal populaire permanent rendre public son rapport final rédigé après deux années d’audiences menées dans six secteurs de l’économie de la Colombie. Les auteurs du rapport condamnent le gouvernement colombien et les sociétés transnationales pour les innombrables violations commises en matière de droits de la personne et de droits syndicaux.

Notre constat est accablant : un accord de libre-échange n’aidera en rien la population de la Colombie. Un tel accord ne fera qu’allonger une liste déjà épouvantable de cas d’abus en matière de droits de la personne et de droits des travailleurs et travailleuses, que réprouve la communauté internationale.

La Colombie demeure le pays le plus dangereux au monde pour les syndicalistes et militantes et militants de la société civile. En effet, depuis le début de l’année, 32 syndicalistes ont été assassinés. De plus, nous avons constaté que la Colombie ne possède aucun cadre juridique permettant la libre négociation collective.

À notre retour au Canada, nous allons aviser nos membres, au nombre d’un million, nos gouvernements et l’ensemble de la population du Canada qu’il est inacceptable de signer un accord de libre-échange avec la Colombie tant et aussi longtemps que les syndicalistes seront en danger et que le droit à la libre négociation collective de même que les droits de la personne et ceux des travailleurs et travailleuses ne seront pas respectés. »

Cette déclaration a été signée par Denis Lemelin, président national du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, Paul Moist, président national du Syndicat canadien de la fonction publique, John Gordon, président national de l’Alliance de la fonction publique du Canada et George Heyman, vice-président international du Syndicat national des employées et employés généraux du secteur public.

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Plus tôt dans la journée, les dirigeants syndicaux s’étaient réunis avec plusieurs sénateurs du parti de l’opposition, Polo Democratica Alternativa (PDA ou Polo), y compris la sénatrice Alexandra Lopez. Militante syndicale de longue date, Mme Lopez avait d’ailleurs assisté, en 2003, à une conférence des droits de la personne tenue à Toronto sous l’égide du SCFP.

Les sénateurs ont dit s’opposer sans équivoque à l’accord de libre-échange canado-colombien. « Nous ne croyons pas au libre-échange, un point c’est tout », a fait remarquer l’un d’entre eux. « Ce n’est pas une bonne façon de construire des rapports sains entre deux pays. Selon un autre sénateur : « Le libre-échange représente une nouvelle forme de colonisation. Et notre parti s’y oppose. »

Les sénateurs colombiens ont exhorté les dirigeants syndicaux à les aider à empêcher la destruction d’un village vieux de 400 ans par une entreprise minière canadienne (Colombia Goldfield) qui convoîte les gisements d’or découverts sous le village. En fait, il se peut que le gouvernement de la Colombie lui permette d’exploiter cette mine.

Les sénateurs ont offert leurs opinions sur plusieurs autres questions :

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- 5 000 morts dans les conflits armés;
- 26 000 décès par suite de conflits sociaux;
- 20 000 enfants morts de faim;
- 3 millions d’enfants non scolarisés. »

Statistiques annuelles : « Il y a des réalités qu’Uribe passe sous silence : Uribe et Polo – « Uribe accuse faussement nos membres afin de nous jeter en prison. »Uribe et les relations syndicales – « Uribe tente de déstabiliser les relations syndicales parce que les syndicats sont à l’avant-plan de l’opposition à son gouvernement. »Privatisation – « Les emplois des travailleuses et travailleurs des postes ont été décimés, passant de 3 000 à 300. Les postes dans l’enseignement subissent le même sort et 81 hôpitaux ont été privatisés. »Coopératives ouvrières – « Elles détruisent les relations entre employeur et employés », disent les sénateurs, offrant comme exemple la situation des travailleuses et travailleurs de cannaie et celle des travailleuses et travailleurs des tribunaux. »Ingrid Betancourt – « [Le président Alvaro] Uribe a mis à profit on ne peut mieux sa libération. »

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Le groupe canadien a aussi rencontré des dirigeants de la CUT (centrale unie des travailleurs et travailleuses ), y compris le président Tarisco Mora et des membres du Comité exécutif de la centrale. Mora a fait remarquer aux dirigeants syndicaux canadiens que la CUT, l’une des trois centrales syndicales de la Colombie, comptait à ses débuts 1,5 million de membres, alors qu’aujourd’hui, elle n’en a que 460 000.

« De plus, la Colombie, dit-il, est peut-être le seul pays du monde n’ayant pas de ministre du Travail. Ce ministère a été remplacé par celui de la Protection sociale. »

Les dirigeants de la CUT se sont aussi exprimés sur d’autres questions :

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Visite des dirigeants syndicaux : « Votre présence ici est la preuve par excellence que nous ne sommes pas seuls. »Déclaration tripartitre du gouvernement Uribe voulant l’amélioration de la situation des syndicalistes – « C’est une autre manigance visant à convaincre la communauté internationale que les investisseurs n’ont pas à craindre la Colombie. Cette déclaration vise à faire oublier que 30 militants syndicaux ont été assassinés cette année. D’ici quelque mois, 30 autres seront morts, et le gouvernement fera une autre déclaration semblable. Rien n’aura changé. »Éventuelle quatrième centrale syndicale – « L’idée suscite peu d’intérêt, sauf chez les dirigeants syndicaux qui représentent les patrons. » Opposition publique des dirigeants syndicaux canadiens à l’accord de libre-échange – « C’est une aide inestimable à tous les Colombiens », dit le président Mora.Aide procurée aux travailleuses et travailleurs par l’ambassade du Canada – « Autrefois, l’ambassade aidait les famillles menacées; aujourd’hui, elle accueille des paramilitaires », dit l’un des membres du Comité exécutif de la CUT.Création de syndicats – « Dans notre pays, dit Mora, il est plus facile de créer un groupe paramilitaire que d’établir un syndicat, »

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Dans un contexte tout à fait autre, les dirigeants syndicaux se sont aussi réunis avec le ministre de l’Intérieur du gouvernement colombien, Fabio Valencio, accompagné de vice-ministres, dont celui chargé du portefeuille du travail.

Le ministre n’a pas manqué de signaler d’emblée la déclaration tripartite sur l’amélioration des rapports avec les syndicats. Mais il s’est tout aussitôt empressé de soutenir que le commerce et l’investissement devaient passer avant l’amélioration des droits du travail, question, selon lui, « de la poule ou de l’œuf ».

Valencio a dressé un portrait flatteur des réalisations du gouvernement Uribe : baisse du chômage, recul du nombre d’assassinats, renforcement de la confiance des investisseurs, plus forte croissance économique. Selon lui, on ne pouvait pas comparer la Colombie au Canada ou à l’Europe. « Le gouvernement affronte des organisations terroristes de la droite comme de la gauche, dit-il. Et le problème de la drogue transcende tous les autres enjeux. »

Néanmoins, les dirigeants canadiens ne se sont pas laissés leurrer.

« Quand la Colombie se mettra-t-elle à respecter les conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail, qui agit au nom des Nations Unies? » a demandé Paul Moist, président national du SCFP. « D’après ce que nous avons appris, 95 pour cent des travailleuses et travailleurs de votre pays n’ont pas de convention collective exécutoire. Tant que cette situation durera, nous ne pouvons pas soutenir un accord de libre-échange. »

Le ministre n’a pas du tout caché son mécontentement en apprenant que le groupe de dirigeants syndicaux allait, une fois de retour Canada, se déclarer contre la signature d’un accord de libre-échange.

« Selon nous, le libre-échange n’améliorera pas les droits de la personne, » a déclaré  Denis Lemelin, président national du STTP, au ministre Valencio. « Il y a une différence importante entre libre-échange et commerce équitable. Le libre-échange ne concerne que l’investissement. »

Les dirigeants syndicaux ont quitté la Colombie le 25 juillet dernier.