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Quelle est la situation?


Une entreprise privée, entretenant des liens aux États-Unis et en étroite relation avec la multinationale australienne ABC Learning, cherche à acquérir des garderies privées en opération au Canada – pour le moment, nous savons qu’elle œuvre en Colombie-Britannique, en Ontario et en Alberta.

Cela pourrait constituer une menace sérieuse à l’établissement futur d’un programme public de services de garde à l’enfance à l’échelle du Canada.

L’instabilité financière récente d’ABC illustre la rapidité à laquelle la facture d’une entreprise peut se transformer et faire ainsi entrer en jeu de nouvelles règles de commerce.

Qu’est-ce que les règles de commerce international ont à faire avec les services de garde?


L’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) et l’Accord général sur le commerce des services (AGCS ou GATS) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’appliquent tous deux aux services publics et aux programmes sociaux.

En vertu de l’ALÉNA, les entreprises ont le pouvoir sans précédent de contester directement les politiques, les pratiques et les lois qui, selon elles, nuisent à leurs capacités de faire des profits. Ces règles d’investissements permettent aux sociétés étrangères de contester une politique, une loi ou une pratique gouvernementale et de réclamer des dommages-intérêts pour des pertes éventuelles de bénéfices quand les gouvernements promulguent de nouveaux règlements ou modifient, d’une manière ou d’une autre, leur « cadre commercial ».

L’Accord général sur le commerce des services (AGCS) de l’OMC peut également entrer en ligne de compte si le gouvernement canadien accepte de mettre le dossier des services de garde sur la table de négociations, une chose qui ne s’est pas encore produite. Mais si cela devait survenir dans de prochaines rondes de négociations commerciales, le Canada pourrait être empêché de mettre en œuvre un programme public de services de garde sans but lucratif parce que les règles d’accès au marché de l’AGCS interdisent tout monopole au chapitre de la prestation d’un service; une mesure qui, pratiquement, ouvre la voie aux entreprises étrangères pour inonder le « marché » des services de garde canadiens.

Les services publics et les programmes sociaux canadiens ne sont-ils pas protégés?


Oui et non. Certaines protections existent, mais elles sont limitées et à risque si une société privée étrangère acquiert une tranche suffisamment importante du secteur des services de garde canadiens. En vertu de l’ALÉNA, le Canada a conservé le droit d’étendre ses programmes sociaux et d’en créer d’autres. La formulation de cette exception, ou « réserve », stipule que le Canada peut créer ou étendre un certain nombre de services, dont les services de garde à l’enfance, pourvu qu’il s’agisse de « services établis ou soutenus à des fins d’intérêt public ».

Le gouvernement des États-Unis fait valoir que cette réserve ne s’applique qu’aux services offerts par le secteur public. En vertu de l’interprétation étatsunienne, laisser la voie libre au développement du secteur des services de garde commerciaux et à but lucratif mettrait fin aux protections invoquées par le Canada en ce qui a trait aux règles d’investissements et de services de l’ALÉNA. Pour le moment, les investissements étrangers dans le secteur des services de garde canadiens sont somme toute minimes. C’est une bonne nouvelle et cela laisse la voie ouverte à relancer la construction du nouveau programme pancanadien qu’a supprimé le gouvernement conservateur.

Que se passera-t-il si les ententes commerciales n’exemptent plus les services de garde?


Si jamais une entreprise étrangère de services de garde acquiert une bonne part du marché des services de garde au Canada, il est assez probable que l’ensemble du système devienne assujetti aux règles très restrictives de l’ALÉNA.

Une fois que les investissements étrangers dans le secteur des services de garde sont permis, les droits de ces investisseurs sont garantis en vertu de l’Accord de libre-échange nord-américain et ces droits comprennent, notamment, celui de réclamer des dommages-intérêts dans le cas où les dispositions gouvernementales empiètent sur les investissements. C’est ce qui risque, par exemple, de se produire si le gouvernement de l’Ontario met en œuvre un programme de maternelle temps plein pour les enfants de quatre et de cinq ans. Plus il y a d’investissements étrangers dans le secteur, plus le risque est grand d’être aux prises avec des réclamations en dommages-intérêts.

De plus, si des investisseurs étrangers établissent leur présence commerciale dans le secteur, l’allégation du Canada selon laquelle ses programmes sociaux sont protégés en vertu d’une règle d’exception fondamentale de l’ALÉNA perdra de sa force. Cela donnera encore plus de portée et de validité à la contestation, en vertu même de l’ALÉNA, des politiques, des lois, des programmes et des règlements en matière de services de garde.

Si les règles de l’ALÉNA s’appliquent, le droit des gouvernements d’empêcher les entreprises étrangères de services de garde d’accaparer une part importante du secteur des services de garde pourrait être nié.

Il existe déjà au Canada des services de garde à but lucratif. Est-ce que cela signifie qu’il est trop tard même si la menace actuelle est écartée?


Non. Même si le Canada compte déjà des fournisseurs de services de garde à but lucratif, l’entreprise privée ne joue pas un rôle considérable dans les services de garde canadiens et il existe peu ou pas d’investissements étrangers dans le secteur. Plus l’investissement étranger est élevé plus grand est le risque. Toutefois, il est difficile de prédire quel sera le point de bascule, à savoir le moment à partir duquel les entreprises feront valoir que les services de garde canadiens devraient être considérés comme un « commerce », donc sujet aux règles de l’ALÉNA. Globalement, la meilleure protection pour le Canada consiste à faire de la garde d’enfants un programme public sans but lucratif.

Que peuvent faire les gouvernements provinciaux?


Les gouvernements provinciaux peuvent limiter ou réglementer les investissements étrangers dans le secteur des services de garde, et cela, sans pour autant contrevenir aux règles de commerce international. Ils peuvent restreindre le financement et la délivrance de permis aux seuls fournisseurs de services de garde sans but lucratif. Mais leur droit en ce sens est fragilisé s’ils autorisent des investissements étrangers dans le secteur des services de garde.

Que peut faire le gouvernement fédéral?


Le gouvernement fédéral peut utiliser son pouvoir de légiférer et de dépenser pour créer un nouveau programme pancanadien de services de garde en s’inspirant du projet de loi C-303, Loi sur les services éducatifs et de garde à l’enfance.

Le gouvernement fédéral ne doit pas accepter d’amener la question des services de garde à la table d’éventuelles négociations commerciales. Cela vaut aussi pour toutes discussions entourant les services d’éducation « non publics » dans le cadre de l’AGCS.

Ne pourrait-on pas permettre une certaine participation étrangère dans les services de garde et voir ce qui se passera?


Une fois qu’un service ou un programme public devient une entreprise commerciale à but lucratif, la porte est ouverte aux investissements étrangers. Une fois que les investissements étrangers occupent une part importante du marché, en vertu de l’ALÉNA, il est très difficile de rebrousser chemin. Les prochains gouvernements seraient contraints par une mauvaise décision. Il leur resterait très peu d’options pour réglementer, modifier ou pour mettre fin à un secteur des services de garde soumis aux lois du marché.

Il est absolument crucial que tous les ordres de gouvernement au Canada évitent ces conséquences graves en privilégiant un mode de prestation public et sans but lucratif. Si nous permettons à des entreprises commerciales de services de garde d’acquérir une large tranche de notre système, nous risquons de perdre notre mainmise sur de nombreux aspects extrêmement importants des services de garde.

Faire du programme un système public est une mesure de protection importante. Tout nouveau programme pancanadien de services de garde, pourvu qu’il laisse peu ou pas de place aux fournisseurs commerciaux, serait à l’abri des entreprises étrangères désireuses d’exploiter des services de garde.

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