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Le National Post récidive.  En tandem avec l’Institut Fraser, le quotidien fait la promotion de la privatisation municipale. Leur dernière salve, un article de Terence Corcoran qui défend l’eau à but lucratif à Toronto et les services municipaux privatisés à Fort McMurray, exige impérativement une réponse pour rectifier les faits sur la privatisation et l’eau et les PPP municipaux.

Le National Post récidive.  En tandem avec l’Institut Fraser, le quotidien fait la promotion de la privatisation municipale. Leur dernière salve, un article de Terence Corcoran qui défend l’eau à but lucratif à Toronto et les services municipaux privatisés à Fort McMurray, exige impérativement une réponse pour rectifier les faits sur la privatisation et l’eau et les PPP municipaux.

Le SCFP a répondu au Post. Nous ne savons pas si l’éditorial de Paul Moist sera publié, mais nous l’affichons sur scfp.ca pour mettre en lumière les lacunes et les omissions que contient l’article de M. Corcoran.

 Mettre de l’ordre dans le chaos
par Paul Moist

Un récent article du National Post décriant le « chaos qui règne dans le financement urbain » à Toronto et à Fort McMurray se trompe de coupable. Le sable dans l’engrenage du financement municipal, c’est le délestage des coûts et des responsabilités aux administrations locales sans hausse de revenus correspondante.

Les villes et villages du Canada sont aux prises avec un déficit d’infrastructure à cause d’un immense sous-financement. Les transferts fédéraux et provinciaux sont passés de presque 26 pour cent des revenus des administrations locales en 1995 à 17 pour cent en 2005. Les municipalités ont perdu près de 5 milliards $ au cours des dix dernières années.

Le transfert d’une partie de la taxe sur l’essence par le gouvernement fédéral comble moins de la moitié de ce manque à gagner. En fait, comme le souligne la Fédération canadienne des municipalités, 92 cents de chaque dollar d’impôt produit reviennent aux gouvernements fédéral et provinciaux, ce qui laisse les villes avec un maigre 8 cents pour répondre à des besoins croissants, qui vont de la sécurité aux services.

Bien entendu, l’entretien et l’expansion de l’infrastructure s’opposent à une multitude d’autres besoins des villes, dont une liste sans fin de responsabilités qui ont été refilées aux administrations locales.  Ces dernières doivent donc compter de plus en plus sur des formes régressives de financement, comme les impôts fonciers et les frais d’utilisation.

Cette dynamique devient encore plus étouffante dans les municipalités qui vivent une croissance débridée, comme Fort McMurray. L’expansion explosive des sables bitumineux est alimentée en partie par les subventions fiscales fédérales et provinciales accordées au secteur du pétrole et du gaz et est exacerbée par une absence de planification de la part du gouvernement albertain.

Mais rien ne permet de croire que la privatisation mettra de l’ordre dans ce chaos. Les coûts élevés et la faible reddition de comptes caractéristiques des partenariats public-privé en font un mauvais choix pour les services publics.

Le mois dernier, la Sauder School of Business de l’Université de la Colombie-Britannique a publié une étude analysant 10 PPP canadiens de divers secteurs. L’étude met en lumière la réticence du secteur privé à assumer des risques financiers et conclut que « les avantages potentiels des PPP sont souvent éclipsés par le coût élevé de la conclusion des contrats et par l’opportunisme ».

Malgré les faits qui montrent que les PPP coûtent plus cher et donnent de moins bons résultats, des groupes comme l’Institut Fraser en font toujours la promotion à chaque occasion. Le gouvernement fédéral et certains gouvernements provinciaux acculent encore plus les villes au mur en obligeant les administrations locales à conclure des PPP pour avoir accès à l’argent destiné à l’infrastructure.

Toronto est dans le même bateau que d’innombrables autres municipalités. On estime à 50 milliards $ ou plus le déficit en infrastructure publique de l’eau du Canada. Il est impossible de réparer des conduites qui fuient – sans parler de se conformer aux nouvelles normes et aux nouveaux règlements – avec le même budget de misère. En 2005, un groupe d’experts en infrastructure de l’eau de l’Ontario s’est prononcé en faveur de la corporatisation et de la privatisation des services d’eau de la province. Mais l’analyse du SCFP montre que ce choix ferait grimper le coût pour les Ontariens de 3 à 4 milliards $ au cours des 15 prochaines années. Avec sagesse, le gouvernement de l’Ontario n’a pas donné suite à la proposition du groupe.

À Hamilton, les activités des PPP de l’eau ont créé un roulement continu d’entreprises qui voyaient le projet comme une vache à lait. Bien que le financement d’un grand projet de renouvellement des conduites d’eau potable et d’égout représente un défi pour la Ville de Toronto, la privatisation des services d’eau ne fera pas baisser le prix de l’opération, qui s’élève à 800 millions $. Et il y a aussi la question de la reddition de comptes et du contrôle public. Tous les sondages montrent que les Canadiens rejettent la privatisation des services d’eau et la plupart des gestionnaires municipaux respectent ce point de vue et le partagent.

En Alberta, le développement débridé du secteur de l’énergie est de plus en plus remis en question. Beaucoup d’intervenants, dont les administrations locales, se rendent compte qu’une planification mieux équilibrée est essentielle.  Il faut mettre au point un plan à long terme pour assurer un investissement public durable dans l’infrastructure physique et sociale, de même que des mesures environnementales pour restreindre l’utilisation de l’eau et contenir l’émission des gaz à effet de serre.  En l’absence d’une telle vision, d’autres villes champignon se retrouveront dans la dèche, avec de sérieuses conséquences environnementales et sociales.

Un investissement public durable dans l’infrastructure est plus que possible – et non seulement dans les provinces riches comme l’Alberta. Malgré l’hystérie de la dette, le ratio dette-PIB est faible et en baisse, tant au niveau fédéral qu’au niveau provincial. Les surplus fédéraux devraient servir au financement de l’infrastructure et non aux baisses d’impôts. Les gouvernements ont la capacité et la marge de manœuvre voulues pour accroître de façon significative leurs emprunts dans le but de financer l’infrastructure. Avec l’instauration de la comptabilité d’exercice dans le secteur public, les gouvernements peuvent maintenant emprunter pour des investissements immobiliers et amortir le coût pendant la durée de vie de l’investissement – tout comme le font les entreprises commerciales.

Il existe d’autres méthodes plus économiques que les PPP, comme les obligations d’État et le financement commun de la dette. Les partenariats public-public, dans le cadre desquels les municipalités réalisent des économies en travaillant ensemble, sont une autre possibilité à explorer. En outre, les caisses de retraite comme le RPC ont déjà été, et devraient redevenir, une source importante de capitaux pour l’infrastructure publique.

L’investissement public dans l’infrastructure doit servir à améliorer les services offerts au public de manière sûre et économique – et non à garnir les coffres des entreprises privées.



Paul Moist est président national du Syndicat canadien de la fonction publique, qui représente 550 000 travailleuses et travailleurs offrant des services publics partout au Canada.