Message d'avertissement

Attention : cette page est tirée de nos archives. Il se pourrait que notre site Internet contienne des informations plus récentes sur ce sujet. Pour le savoir, utilisez notre moteur de recherche.

Le ministre des Finances Flaherty doit avoir tout un sens de l’humour d’avoir choisi l’Halloween pour faire l’annonce de son programme d’équité fiscale régissant les fiducies de revenus. Cette annonce a suscité suffisamment de crainte dans les marchés pour effacer plus de 20 milliards $ en valeurs. Le programme inclut néanmoins quelques bonbons pour les aînés.

Bien que le Parti conservateur ne tienne ainsi pas sa promesse électorale, il a enfin fait la bonne chose. Les fiducies de revenus coûtent un milliard de dollars par année en pertes de recettes fiscales aux gouvernements et mettent en péril la santé de l’économie canadienne. Toutefois, quelles leçons les politiciens peuvent-ils tirent de ce fiasco?

Les gouvernements libéral et conservateur à la fois ainsi que les organismes de réglementation doivent se partager le blâme d’avoir permis à cette échappatoire fiscale de devenir une véritable catastrophe pour nombre de personnes âgées, régimes de retraite de travailleurs et d’autres investissements. Ralph Goodale, ministre des Finances sous l’ancien gouvernement libéral, a droit à une mention spéciale à cet égard pour avoir cédé à la pression des banques d’investissement il y a un an.

Bien que certaines banques aient accusé d’énormes profits grâce à des fiducies de revenus, elles l’ont habituellement fait en cannibalisant les placements et les revenus futurs de ces entreprises. La mollesse des règles mises en place pour protéger les investisseurs a permis aux promoteurs de fiducies de revenus, et particulièrement aux banques d’investissement, de tromper la confiance d’investisseurs non expérimentés en leur promettant des rendements élevés. Inévitablement, la valeur de plusieurs fiducies aurait fini par s’effondrer en emportant avec elle les épargnes de retraite de nombreux aînés.

Les acteurs qui bénéficiaient de cette situation sans courir le moindre risque étaient des banques d’investissement, dont les recettes provenant uniquement de la mise en place de fiducies de revenus totalisent 4 milliards ou plus. Les fonds de capitaux privés et leurs gestionnaires ont également accusé d’énormes profits en convertissant des entreprises productives en fiducies de revenus. La triste ironie dans tout cela est qu’ils font encore plus d’argent en reconvertissant ces fiducies de revenus en sociétés de capitaux. Non seulement sortiront-ils de ce bourbier sans la moindre égratignure, mais ils pourront aussi s’échapper au volant de leur Porsche neuve ou prendre les airs à bord de leur jet privé.

Et qui aura payé le prix? Les personnes âgées, les régimes de retraite et d’autres investisseurs qui se sont joints à la fête en retard. Ce sont eux qui auront à payer les 20 milliards en plus des « frais de nettoyage ».

Le fiasco des fiducies de revenus a été utilisé pour justifier une réduction des impôts sur les sociétés, hausser le crédit d’impôt pour dividendes et offrir des allégements fiscaux de consolation aux aînés. Ces mesures indirectes coûteront près de 10 milliards en pertes de revenus aux gouvernements fédéral et provinciaux au cours des six prochaines années.

Quelles sont quelques-unes des leçons devant être tirées de cette expérience?

La première leçon est que les gouvernements et les organismes d’autoréglementation doivent agir de façon proactive et décisive pour protéger le public et les investisseurs.

Ils n’ont aucune excuse pour ne pas renforcer les obligations d’information ayant permis aux promoteurs de fiducies de revenus de tromper la confiance de petits investisseurs. Quelques-uns des acteurs indépendants les plus respectés de la communauté financière tels que Standard & Poors, Phillips, Hager & North et l’experte financière Diane Urquhart dénonçaient depuis longtemps ce manque de protection des investisseurs.

Au lieu d’agir de façon décisive, les gouvernements ont fermé les yeux sur ces conversions et ont déchargé leurs responsabilités sur les organismes d’autoréglementation de l’industrie. Il est clair que ces derniers n’ont pas été très efficaces pour ce qui est de protéger les petits investisseurs. L’annonce de Flaherty n’inclut rien pour renforcer l’obligation d’information et rehausser la protection du public.

La deuxième leçon à en tirer est que les gouvernements auraient intérêt à éliminer les échappatoires fiscales plus tôt que tard, comme le SCFP et d’autres ont réclamé.

Malheureusement, ce n’est que cette semaine que Flaherty a laissé entendre qu’il cherche activement à créer une autre échappatoire fiscale massive en éliminant des impôts sur les gains en capital. Cette décision malavisée risque de donner lieu à un autre fiasco financier.

Les sociétés de capitaux et les membres les plus affluents de la population canadienne qui en bénéficieraient le plus n’auront jamais eu la vie aussi facile pour gérer leurs profits astronomiques et leurs revenus élevés. Ils disposent d’amplement de capitaux et tout ce qu’il leur manque est la volonté de les investir de façon véritablement productive dans l’économie canadienne plutôt que dans l’optique de faire des profits à court terme en versant dans la spéculation.

Pour augmenter la capacité de production de notre pays, nous devons pouvoir compter sur des politiciens souhaitant gouverner en investissant dans l’avenir à long terme des Canadiennes et Canadiens sur les plans de l’éducation, des soins de santé et d’autres services sociaux. Nos politiciens semblent plutôt vouloir de soustraire à leurs obligations de gouvernance en créant d’autres échappatoires fiscales, en coupant dans les budgets alloués aux services publics et en négligeant de réglementer ou de protéger l’intérêt public.

Originalement publié par le Toronto Star, le 2 novembre 2006.

Toby Sanger
Économiste en chef, Syndicat canadien de la fonction publique
(613) 237-1590, poste 241