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Par Paul Moist

Depuis des années, nous entendons autant d’arguments en faveur d’une baisse des droits de scolarité qu’en faveur de leur hausse prohibitive. D’un côté, on soutient que l’éducation est un droit et devrait donc être accessible à tous, et de l’autre, on affirme que l’éducation est un investissement dans l’avenir et que des droits de scolarité élevés seront compensés plus tard par un revenu élevé de professionnel.

En bout de ligne, il est question de classe et de main-d’œuvre à bon marché.

Pour beaucoup de familles à moyen et à faible revenu qui veulent envoyer leurs enfants à l’université ou au collège, les droits de scolarité sont perçus comme la barrière traditionnelle à l’accessibilité. Aujourd’hui, la dette des jeunes qui finissent leurs études est plus élevée que jamais. Contrairement aux « baby boomers », qui ont eu la chance de faire des études universitaires, de trouver de bons emplois bien payés, puis d’obtenir une hypothèque lorsqu’ils choisissaient d’acheter une maison, les jeunes qui terminent leurs études aujourd’hui se retrouvent dans une situation d’emploi précaire, avec des dettes si élevées qu’elles équivalent presque à une hypothèque.

Mon propre syndicat, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), représente plus d’un demi-million de travailleurs canadiens. Ses membres sont un bon échantillonnage de familles à moyen et à faible revenu qui espèrent envoyer leurs enfants à l’université ou au collège. Nous sommes bibliothécaires, concierges, cols bleus, agents de bord, travailleurs de l’électricité, aides-enseignants, orthophonistes, cuisiniers et chauffeurs d’autobus. Il semble raisonnable que nos membres s’attendent à ce que leurs enfants aient accès à une éducation postsecondaire s’ils souhaitent poursuivre leurs études après le secondaire. Mais leurs espoirs sont souvent déçus, car même si les salaires et les avantages sociaux de nos membres n’ont pas augmenté de façon significative depuis dix ans, les droits de scolarité, eux, ont grimpé en flèche.

Bien que notre taux de chômage national soit tombé à son niveau le plus bas depuis 32 ans (6,1 pour cent) en mai dernier, un examen plus approfondi indique des taux de chômage systématiquement élevés chez les jeunes travailleurs, d’environ 12 pour cent. Les revenus sont à la hausse, mais là encore, quand on y regarde de plus près, on décèle une tendance troublante. Pour les travailleurs syndiqués dans les lieux de travail qui comptent plus de 500 employés, les hausses salariales négociées ont été en moyenne de 2,5 pour cent jusqu’à maintenant cette année. Entre-temps, les chefs d’entreprises se sont accordés des augmentations de 39 pour cent en moyenne l’an dernier.

Il est indéniable que le Canada a produit plus de richesse. Mais cette richesse est distribuée de façon plus inéquitable qu’à n’importe quel moment de notre histoire. La croissance des salaires réels des travailleurs, mesurée sur des décennies, révèle aussi des tendances troublantes. De 1940 à 1970, les salaires réels ont crû dans les deux chiffres à chaque décennie. La croissance a ralenti dans les années 70 et 80, mais les salaires réels des familles ont quand même augmenté de presque 10 pour cent à chaque décennie. Pendant les années 90, la croissance des salaires réels a chuté et est restée stagnante pendant la majeure partie de la décennie.

L’économie a crû à un rythme constant au cours des dernières années et la productivité du travail a bondi. Mais les travailleurs obtiennent une part de plus en plus petite du gâteau de l’économie, pendant que les profits des entreprises et les salaires de leurs dirigeants en accaparent une part de plus en plus grande.

En 2002, Statistique Canada signalait que parmi ceux qui disaient trouver difficile l’accès à l’éducation postsecondaire, 70 pour cent indiquaient que le principal obstacle était financier. Entre 1990 et 2006, pendant que les transferts fédéraux à l’éducation diminuaient d’environ 4 milliards de dollars, les droits de scolarité augmentaient de près de 200 pour cent. Entre-temps, la dette étudiante individuelle grimpait, approchant les 30 000 $ dans certaines provinces. Les universités reçoivent des proportions plus petites de leur budget de fonctionnement des gouvernements. Les transferts de fonds fédéraux destinés à l’éducation postsecondaire sont inférieurs de plus de la moitié à ce qu’ils étaient en 1992-1993 en proportion du produit intérieur brut. Malgré tout, pendant que les étudiants et les universités se débattent avec un financement insuffisant, les gouvernements, tant fédéral que provinciaux, déclarent des surplus.

L’une des solutions désuètes proposées est l’instauration d’un régime de prêts remboursables en fonction du revenu. Ce plan de prêt étudiant est basé sur la notion voulant que les individus soient les seuls à profiter de leur éducation et qu’ils doivent en assumer le coût entier. Avec les régimes de prêts remboursables en fonction du revenu, les emprunteurs remboursent leurs prêts selon un pourcentage de leur revenu à la fin de leurs études. Les diplômés à plus faible revenu remboursent leur dette à plus long terme, ce qui leur coûte plus cher, puisqu’ils paient des taux d’intérêt plus longtemps.

L’éducation profite à tous les Canadiens. La plupart des pays industrialisés reconnaissent que l’éducation contribue à la croissance économique. Un accès accru à l’éducation fournit des avantages tant à la société qu’à l’individu. Les droits de scolarité des universités sont négligeables sinon inexistants dans de nombreux pays européens comme l’Allemagne, le Danemark, la Suède, l’Islande, l’Irlande, le Pays de Galles, l’Écosse, la France et la Norvège. Une croissance record des droits de scolarité a propulsé le Canada parmi les premiers rangs des pays du monde industrialisé où l’éducation coûte le plus cher.

Nos enfants méritent d’avoir accès à l’éducation postsecondaire et nous devons faire cet investissement maintenant, pour le bien de notre société.