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Par Paul Moist

La fête du Travail est un moment propice à la réflexion sur les principaux enjeux auxquels sont confrontés les travailleurs et les employeurs du Canada. C’est également un moment pour se rappeler les grands progrès socioéconomiques rendus possibles par les luttes syndicales et la coopération entre travailleurs et employeurs dans les milieux de travail.

Les commentaires formulés quotidiennement sur les fondements macroéconomiques du Canada laissent entendre que notre pays - et donc, ses citoyens - se porte bien. Les taux de chômage sont bas, l’inflation est sous contrôle et le dollar canadien est fort. En règle générale, l’économie se porte bien.

Toutefois, une autre perspective peint un tout autre portrait.

Bien que le taux de chômage national ait diminué à 6,1 % (du jamais vu en 32 ans) en mai dernier, un examen plus approfondi révèle que, parmi les jeunes travailleurs, le taux chômage demeure toujours près du double, soit près de 12 %.

Bien que la croissance de l’emploi alimentée par un boom dans les secteurs des ressources et de la construction soit soutenue, le Canada a perdu 200 000 emplois manufacturiers depuis 2002. Il s’agissait pour la plupart d’emplois à temps plein bien rémunérés. Toutefois, une part grandissante de cette base industrielle passe à des mains étrangères - une tendance qui sera lourde de conséquences pour les prochaines générations de travailleurs.

Notre pays a désespérément besoin d’une stratégie industrielle nationale, car notre prospérité future en dépend.

Les revenus sont en hausse, mais là encore, un examen plus approfondi révèle une tendance inquiétante. Depuis le début de l’année, dans les milieux de travail syndiqués comptant plus de 500 employés, l’augmentation de salaire négociée se chiffre en moyenne à 2,5 % en date d’aujourd’hui. Entre-temps, les PDG se sont versé une augmentation de 39 % l’année dernière.

Le Canada est donc, en effet, un pays producteur de richesse. Toutefois, cette richesse est distribuée moins équitablement qu’à tout autre moment de notre histoire.

La mesure de la croissance réelle des salaires des travailleurs au fil des décennies révèle une autre tendance inquiétante. Entre 1940 et 1970, le revenu réel a connu des taux de croissance dans les deux chiffres chaque décennie. Cette croissance s’est ralentie dans les années 1970 et 1980, mais les familles ont néanmoins vu leur revenu réel augmenter de près de 10 % au cours chacune de ces deux décennies. Durant les années 1990, la croissance du revenu réel a chuté et stagné pendant la majeure partie de la décennie.

Malgré la croissance économique robuste des dernières années et le rebondissement de la productivité de la main-d’œuvre, les travailleurs se partagent une pointe de plus en plus petite de la tarte économique tandis que les profits des grandes sociétés et les salaires des PDG accaparent de plus en plus de cette tarte.

L’expérience des Canadiennes sur le plan des revenus est encore plus sombre. Bien que le nombre de femmes occupant un travail rémunéré ait connu une augmentation draconienne, les femmes qui travaillent à temps plein continuent de ne gagner qu’environ 71 % de ce que gagnent leurs homologues masculins (données de 2003). Cela témoigne d’une iniquité que les gouvernements et les employeurs n’ont pas réussi à pallier.

Les problèmes de développement de la main-d’œuvre sont légion au Canada. Pendant que beaucoup d’attention est mise avantageusement sur l’immigration pour combler les emplois qui seront éventuellement à pourvoir, nos systèmes d’éducation et les investissements des employeurs dans leur main-d’œuvre actuelle défraient rarement la chronique.

Selon le Conference Board du Canada, le Canada est passé du 12e au 20e rang, entre 2002 et 2004, pour ce qui est de la priorité qu’accordent les employeurs canadiens à la formation de leur main-d’œuvre comparativement à nos principaux partenaires commerciaux. Les études menées par ce même organisme indiquent que les employeurs canadiens investissent moins en formation par employé que ceux des autres pays industrialisés. Entre autres pays, nos employeurs investissent quelque 20 % de moins que les employeurs américains.

Le nombre de jeunes Canadiens qui abandonnent l’école secondaire demeure très élevé. Dans le cas de ceux qui décrochent un diplôme d’études postsecondaires, le retrait des investissements gouvernementaux dans l’éducation postsecondaire fait en sorte que le diplômé moyen quitte l’université grevé d’une dette personnelle de plus de 20 000 $.

L’Alberta, la province canadienne la mieux nantie, affiche le taux d’abandon scolaire le plus élevé au pays (un jeune sur quatre n’y finit pas ses études secondaires). Plusieurs qualifient cette réalité de disgracieuse et de scandaleuse. Pourtant, peu commentent ou s’inquiètent du fait que ce même taux d’échec de 25 % est partagé par les programmes provinciaux d’apprentissage. Il est choquant d’entendre presque quotidiennement des commentaires sur la pénurie de main-d’œuvre dans une province en plein boom économique grâce à ses industries de ressources et de la construction.

De citer une récente étude menée par la fédération du travail de l’Alberta : « une diversité chaotique de définitions, de formations et de normes entourant les corps de métier a créé un marché du travail rigide et inflexible en empêchant ou en décourageant les déplacements de travailleurs spécialisés et d’apprentis entre les provinces. »

Cette étude incite fortement le gouvernement albertain « à faire de l’harmonisation pancanadienne des programmes de formation, des normes et des définitions des corps de métiers des provinces une priorité ».

Aucun enjeu touchant le développement de la main-d’œuvre ne m’apparaît plus critique que celui auquel s’adresse cette recommandation. Pourtant, ce sont précisément de tels enjeux qui semblent retenir si peu l’attention pendant les dialogues entre le fédéral et les provinces.

Donc, les travailleurs ont beaucoup à célébrer en cette fête du Travail. Ce sont eux qui ont bâti le Canada, et nous continuons de jouir aujourd’hui d’une des économies les plus productives et stables au monde. Ce sont les syndicats qui aident à créer la certitude et la stabilité que les Canadiens recherchent et méritent.

Il reste néanmoins beaucoup à faire pour corriger les iniquités du passé et du présent et pour renforcer nos collectivités afin qu’elles puissent relever les défis d’un monde où règne de plus en plus l’incertitude.

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Paul Moist est le président national du plus important syndicat au Canada, le Syndicat canadien de la fonction publique.

Pour renseignements : Louise Leclair, directrice du Service des communications du SCFP national, au 613-237-1590, poste 268; cellulaire : 778-838-0699, ou avec Dan David, agent principal aux Communications, au 613-237-1590, poste 267