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Que contient le Nouveau Pacte ?

Selon le gouvernement fédéral, le Nouveau pacte pour les villes et les collectivités comprend quatre éléments clés : vision, relations, financement et une « lentille des villes et des collectivités ».

Vision

Tous les paliers de gouvernement doivent travailler ensemble pour répondre aux besoins des Canadiens.

Relations

Bâtir de nouvelles relations par les consultations et les dialogues avec les municipalités, les provinces, les territoires et les secteurs privé et sans but lucratif.

Financement

Remboursement intégral de la TPS (7 milliards de dollars au cours des dix prochaines années); 1 milliard de dollars dans le cadre du Fonds sur l’infrastructure municipale rurale (FIMR); 5 milliards de dollars provenant de la taxe sur l’essence répartis sur les cinq prochaines années – livrés aux municipalités par l’entremise d’ententes bilatérales avec les provinces et territoires (le montant réel pourrait augmenter cet été avec l’adoption du budget influencé par le NPD). Le gouvernement soutient que le nouveau financement viendra « compléter, et non remplacer, les programmes d’infrastructure fédéraux existants ».

Lentille des villes et des collectivités

Reconnaissant qu’il n’y a pas de « solution universelle face aux défis auxquels sont confrontées les villes et les collectivités canadiennes », le but du Nouveau pacte est d’« examiner ces programmes d’une manière globale » pour qu’ils fonctionnent mieux au niveau communautaire.

Depuis longtemps, la détérioration de l’infrastructure et des services municipaux inquiétait Kirk Oates. Ainsi, lorsque le travailleur municipal d’Edmonton a entendu parler du Nouveau pacte pour les villes et les collectivités – le programme fédéral de transfert d’argent aux municipalités pour le renouvellement de l’infrastructure – il a eu l’idée de se présenter aux élections municipales.

« C’est à cause du Nouveau pacte que je suis devenu candidat, affirme M. Oates, qui est membre du SCFP 30 depuis plus de 20 ans. À l’assemblée [de 2004] de la Fédération canadienne des municipalités (FCM), j’ai cru les femmes et hommes politiques lorsqu’ils ont dit qu’il y aurait de l’argent pour les municipalités. »

Pour M. Oates, la campagne Fortifier nos collectivités du SCFP est plus qu’un slogan : c’est un appel à l’action civique. En octobre 2004, il a brigué les suffrages au conseil municipal de Bon Accord – et a gagné.

Un an plus tard, le chèque du pacte se fait toujours attendre et le conseiller Oates a eu le temps de mieux comprendre les pressions que subissent les municipalités.

J’observe des travailleurs municipaux et je vois le genre d’outils qu’ils ont dans les mains, dit-il. Et quand je suis assis à la table du conseil, je réfléchis à comment leur procurer ces outils. »

Bon Accord est une banlieue dortoir d’environ 1600 résidents au nord d’Edmonton. Elle est en pleine crise de croissance et les conseillers tentent de se débrouiller avec le coût élevé des besoins en infrastructure et l’insuffisance de fonds.

Le Nouveau pacte est censé réinjecter des milliards de dollars dans les coffres municipaux, grâce entre autres au remboursement de la taxe sur les produits et services (TPS) pour les villes et au transfert de la taxe sur l’essence (voir l’encadré). Pour les collectivités à court d’argent partout au pays, ce n’est pas trop tôt.

« À Edmonton, l’entretien des parcs a été réduit, explique M. Oates. Les normes d’entretien des routes ne sont pas les mêmes qu’il y a 20 ans. »

David Gould, président des cols bleus de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick (SCFP 18) ressent aussi la pression que subissent les municipalités. Son conseil municipal vient d’engager son premier employé permanent depuis 1968. « La ville tient le coup mais, comme pour les autres villes, nous attendons le financement avec impatience », dit-il.

Bill Guthrie est vice-président du SCFP 416, cols bleus de Toronto. M. Guthrie est travailleur municipal à Toronto depuis plus de 30 ans et il dit n’avoir jamais vu les rues en si mauvais état.

À Montréal, l’état déplorable du système d’autoroutes de la ville, vieux de près de 50 ans, est devenu une véritable farce. Deux fois cet été, des sections des principales artères ont été inondées à la suite de violents orages.

Ces villes, et des douzaines d’autres, ont besoin d’aide – et ce, sans tarder. Mais elles savent aussi que ce n’est pas seulement l’argent qui leur manque.

Une lutte pour les gens

« Nous ne défendons pas le Nouveau pacte uniquement pour obtenir un financement adéquat pour les villes, a expliqué dernièrement le maire de Toronto, David Miller, à des membres du SCFP. Nous luttons pour le Canada, pour les gens, pour les travailleurs de la fonction publique. »

Le maire Miller prenait la parole à un rassemblement de sections locales municipales du SCFP à Toronto. (Cette rencontre innovatrice, de style « assemblée publique », n’était que le début d’un effort concerté pour développer un secteur municipal plus branché et plus coordonné au syndicat.)

M. Miller reconnaît que la levée de la TPS et le transfert d’une partie de la taxe sur l’essence sont des victoires importantes pour les villes. « Mais, a-t-il averti, ce n’est pas le but ultime du pacte. Il faut aller beaucoup plus loin. » La liste de M. Miller comprend notamment le logement, le transport en commun, les garderies, le soutien aux immigrants et l’environnement.

Avant de pouvoir s’attaquer à cette liste, les villes doivent obtenir plus de pouvoirs, soutient M. Miller. « Même si les villes sont plus importantes aujourd’hui qu’elles ne l’ont jamais été, la constitution canadienne ne reconnaît pas cette réalité, a-t-il expliqué aux délégués. La fusion forcée qu’a vécue [Toronto] a bien montré que, selon la loi, les villes n’existent qu’en vertu des caprices des provinces. Elles sont des créatures provinciales. Alors nous voulons de nouveaux pouvoirs. »

Pour avoir des collectivités plus fortes, il faut aussi du respect. « Les gouvernements municipaux doivent être des partenaires des gouvernements fédéral et provinciaux, a affirmé M. Miller. Toronto est doté du deuxième plus important système de garderies au pays, après le Québec. Mais lorsqu’il est question d’un plan national de services de garde à l’enfance, nous ne sommes pas à la table. »

James Knight est directeur général de la FCM. Il croit lui aussi que le dialogue entre les différents paliers de gouvernement doit s’améliorer et il est heureux que le Nouveau pacte semble reconnaître cette nécessité.

« Il faut préciser que [le pacte] porte sur les relations, insiste-t-il. Bien que les relations financières soient vraiment im-portantes, nous nous intéressons davantage à l’aspect intergouvernemental pour le moment. »

M. Oates se dit heureux que les gouvernements se parlent. « Mais nous devons maintenir cet engagement », dit-il en soulignant que le financement n’est prévu que pour cinq ans, ce qui l’inquiète.

La FCM a estimé à plus de 60 milliards de dollars le déficit global de l’infrastructure municipale. M. Knight croit aussi que la durée du Nouveau pacte aurait pu dépasser cinq ans, mais il est certain que le programme est là pour rester.

« Ils auraient pu, et auraient sans doute dû, élaborer un programme de dix ou 15 ans pour que les gouvernements municipaux puissent planifier avec certitude, dit-il. Mais je pense qu’il sera très difficile, d’un point de vue politique, de s’en débarrasser au bout de cinq ans. Si ce programme disparaissait, cela détruirait tous les progrès que nous sommes en train de réaliser. »

Quant à M. Guthrie, il ne croit pas que le Nouveau pacte réglera instantanément tous les problèmes. « Mais, à la longue, d’ici quelques années, ce sera une bonne affaire pour Toronto, affirme-t-il. Le pacte a de meilleures chances de fonctionner si l’obligation de rendre compte y est intégrée et si ce sont les conseillers qui prennent les décisions. »

Il a raison d’être inquiet à cet égard. Certains conseillers de Toronto ont récemment proposé la formation d’un comité exécutif qui prendrait les décisions budgétaires majeures, loin des regards du conseil municipal. Une large coalition communautaire, incluant les travailleurs municipaux de Toronto, s’oppose à cette suggestion antidémocratique.

« Le plus gros problème que nous puissions avoir, c’est que des conditions soient imposées sur la façon dont la ville sera dirigée, redoute M. Guthrie. Il est plus avantageux pour nous d’être une ville ouverte que d’être dirigés par un petit comité qui décide tout. »

Ann Dembinski, présidente du SCFP 79 qui représente les 18 000 cols blancs de Toronto, est d’accord. Elle appuie le lobbying mené par le maire Miller en faveur d’un Nouveau pacte amélioré et de meilleures relations avec la province.

« Toronto doit avoir plus de contrôle sur la façon dont l’argent est dépensé, ditelle. Nos membres ont vu les répercussions du délestage des responsabilités et des compressions, et ce qui est arrivé aux services. Il est temps de les rebâtir. »

Des collectivités fortes pour les générations futures

Lorsque l’on néglige ou que l’on privatise les services publics, c’est toute la collectivité qui en souffre – à commencer par les jeunes. À St. John’s, Terre-Neuve, Greg Baker voit les jeunes gens quitter la province pour aller travailler dans les riches champs de pétrole de l’Alberta. Le travail sous-traité à la ville ne paie que 6 $ ou 7 $ l’heure, comparativement au salaire syndiqué de 18 $ l’heure.

« Le coût de la vie ici est très élevé, souligne M. Baker, président du SCFP 569, cols bleus de St. John’s. « [Les jeunes] ne vont pas rester ici à tirer le diable par la queue, en étant forcés de rester chez leurs parents jusqu’à 30 ans. »

David Miller, maire de Toronto, s'est
adressé aux membres du SCFP en juin.

La section locale de M. Baker ne rate jamais une occasion de dénoncer les problèmes entraînés par la sous-traitance et la privatisation. La stratégie des membres inclut aussi une bataille pour une politique salariale équitable. « Tout entrepreneur qui présente une soumission pour du travail syndical devrait être obligé de payer au moins 80 pour cent du salaire syndical, soutient-il. Ainsi, tout le monde jouerait selon les mêmes règles. Ce devrait être la loi partout au pays. »

Il affirme aussi que le maire et le conseil de St. John’s doivent agir maintenant pour assurer l’avenir de la ville. « S’ils ne sont pas prêts à investir dans la jeunesse de notre ville, la collectivité n’en a plus pour longtemps. Dans dix ou 15 ans, les rues seront nettoyées par des personnes âgées. Nous devons ramener les jeunes et les garder ici pour revitaliser notre maind’oeuvre et notre syndicat. »

À l’autre bout du pays, à l’été de 2003, la protection des emplois du secteur public pour la prochaine génération a été au coeur d’un dur lock-out à Nelson, en Colombie-Britannique. Le lock-out a été imposé parce que le SCFP 339 a refusé de renoncer à une clause qui protégeait 55 services publics de la ville contre la soustraitance.

« La perte de [cette clause] aurait tout simplement ouvert la voie à la privatisation, croit la présidente de la section locale, Bev LaPointe. La ville avait promis de protéger nos emplois, mais à notre retraite, il ne serait rien resté. Plus de services publics. Plus d’emplois syndiqués pour les jeunes qui attendent. »

Terrasser le Goliath des PPP

En tant que membre du SCFP 30, M. Oates lutte contre les projets de privatisation à Edmonton depuis des années. Comme ses consoeurs et confrères ailleurs au Canada, il sait que pour protéger les collectivités, il est essentiel d’empêcher les privatiseurs de mettre la main sur les services publics municipaux.

De plus en plus, les données montrent que la privatisation nuit non seulement aux travailleurs du secteur public, mais aussi aux contribuables, qui finissent par payer plus cher pour moins de services. En outre, à une époque de puissantes règles internationales de commerce et d’investissement, la privatisation est doublement dangereuse. En effet, ces règles rendent plus difficile le retour des services au secteur public une fois qu’ils ont été privatisés.

Malgré ces cloches d’alarme, le gouvernement fédéral ne cache pas sa prédilection pour les PPP, tout comme beaucoup de gouvernements provinciaux et municipaux. Infrastructure Canada, le ministère fédéral qui coordonne des programmes comme le Nouveau pacte et fait des « investissements stratégiques » dans l’infrastructure, privilégie le modèle des PPP. Au Québec, le premier ministre libéral Jean Charest a créé l’Agence des partenariats public-privé, qui conseille le gouvernement provincial en matière de privatisation.

Sans condamner carrément la privatisation, M. Knight croit fermement qu’il est nettement avantageux de garder les services municipaux publics.

« La réalité, c’est que les services publics municipaux du Canada sont très efficaces, souligne le directeur général de la FCM. De façon générale, nos services publics sont fournis avec beaucoup d’efficacité et une grande fiabilité. Et cela présente certains défis au secteur privé, en ce qui a trait à la concurrence. »

De plus, ajoute M. Knight, le maintien des services publics est bon pour le bilan. « Les gouvernements municipaux peuvent emprunter à un taux inférieur à celui qui est consenti au secteur privé parce que leur crédit est parfaitement solide, fait-il remarquer. Ils n’ont pas le mandat de faire des profits. »

Toutefois, avec les scénarios exagérément optimistes que tentent de nous faire avaler les tenants de la privatisation, obsédés par le profit, il n’est peut-être pas étonnant que beaucoup de dirigeants municipaux et de citoyens ordinaires en viennent à croire que c’est la seule solution. C’est pourquoi l’influence des membres du SCFP – que ce soit à titre d’élus ou de lobbyistes locaux – est si vitale.

À la rencontre des sections locales municipales à Toronto, des membres de tout le pays ont échangé de l’information, des stratégies et des exemples de réussite. De nombreux participants ont insisté sur l’importance de la création d’alliances et l’édification d’une large base de soutien, tant chez les résidents que chez les conseillers municipaux favorables à leur cause.

« Nous avons gagné parce que la population était avec nous, affirme Claude Benoît, président du SCFP 1983, qui a remporté la lutte contre un projet de PPP dans le transport en commun à Montréal. Nous avons distribué 100 000 dépliants expliquant les risques des PPP pour l’ensemble de la collectivité et nous avons trouvé beaucoup, beaucoup d’alliés. Nous avons clairement démontré les avantages d’un transport en commun public. »

« Il est difficile de réussir quand on est seul, confirme la militante antiraciste Tam Goossen, qui a participé à l’assemblée publique. Nous nous sentons tous impuissants comme individus, mais nous ne sommes pas seuls dans la lutte. »

Shelley Petrie, de l’Alliance pour l’environnement de Toronto, a constaté les bienfaits de solides partenariats. « En travaillant d’ensemble, nous ne nous bornons pas à mener des campagnes de réaction, a-t-elle dit aux participants. Nous pouvons aussi déterminer l’importance des enjeux. La campagne en faveur des parcs sans pesticides à Toronto en est un exemple. Nous n’aurions pas pu la faire sans les travailleurs. Nous avons remporté beaucoup de victoires main dans la main avec eux. »

Nous pouvons aussi sensibiliser les gens à la contribution des travailleurs municipaux à leurs collectivités en dehors des situations de crise. Beaucoup de membres participent déjà aux activités de leurs oeuvres de bienfaisance, de leurs églises, de leurs équipes sportives ou de leurs groupes culturels. Ces activités fournissent des occasions de rappeler aux résidents que s’ils peuvent profiter de beaux parcs, de rues propres et d’installations sécuritaires, c’est habituellement aux travailleurs municipaux qu’ils le doivent.

« Les gens ne vivent pas à Regina pour le climat, dit en rigolant Tim Anderson, président du SCFP 21 qui représente les cols bleus de cette ville. Ils sont ici pour la qualité de vie, et de bons services municipaux font partie intégrante de cette qualité. »

Les services municipaux de Regina obtiennent constamment des notes élevées dans les sondages menés auprès des résidents. « Par exemple, nous nous occupons du côté loisirs de la vie, explique-t-il. Lorsque vous revenez du travail, il y a toujours un endroit où vous pouvez vous rendre pour vous détendre. Il y a des programmes de sports à coût raisonnable pour les enfants. C’est une zone de confort vraiment importante. »

Le maire Miller est sur la même longueur d’ondes. « Les travailleurs veulent édifier une ville agréable, a-t-il dit aux membres. Ce n’est pas seulement un emploi. [Ils] le font pour les familles qui vivent dans nos villes. Et [ils] vivent parmi ces familles. »

Influencer le vote

À l’assemblée publique des travailleurs municipaux, un autre message a été entendu très clairement : les membres à qui la ville tient à coeur ont la responsabilité d’utiliser leur influence pour modifier le résultat des élections municipales.

« Ce ne sera pas par accident que nous prendrons le contrôle de nos villes, a dit aux délégués Mike MacIsaac, du Congrès du travail du Canada. Ce sera grâce à des votes stratégiques planifiés. »

Parlez à presque n’importe quel travailleur municipal du SCFP et vous constaterez qu’il a l’intention de travailler plus fort – et de façon plus ciblée – aux prochaines élections municipales de sa ville.

Ken Davidson, col bleu de Vancouver et président du SCFP 1004, affirme que le conseil syndical local a joué un rôle important dans l’élection d’un maire progressiste et de conseillers socialement responsables dans le cadre des élections municipales de 2002. Le conseil a aidé à coordonner, à soutenir et à former des militants.

À Nelson, en C.-B., la présidente du SCFP 339 pense que ses membres savent ce qu’on attend d’eux pour les élections municipales qui auront lieu à l’automne. « Nous devons élire des conseillers qui ne croient pas aux chimères du privé, déclare Mme LaPointe. C’est ainsi que nous pourrons gagner nos luttes. »

« Maintenir des contacts à l’hôtel de ville entre les élections est aussi important que de participer aux élections, assure M. Davidson. Nous devons vraiment nous intéresser de près aux personnes que nous voulons faire élire et à la façon dont nous voulons qu’elles nous rendent des comptes. On ne peut pas se contenter d’agir et d’établir des contacts une fois tous les trois ans. Nous devons le faire tous les jours. »

Mme LaPointe et M. Davidson, comme les travailleurs municipaux de tout le pays, savent que les enjeux n’ont jamais été aussi importants. « Les services municipaux sont au coeur même de nos collectivités, souligne Mme LaPointe. Ils tissent la fibre sociale. Les impôts que je paie vont directement aux salaires des travailleurs et ceux-ci dépensent leur argent en ville. Vous avez votre mot à dire, c’est transparent et vous pouvez voir ce qui se passe. C’est ça, l’économie locale. C’est ça, la démocratie locale. »