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« PARLONS RENTES » Volume 1 Numéro 1 : Lobligation fiduciaire



Depuis de nombreuses années, les syndicats et dautres organisations sociales insistent sur limportance du rôle que jouent nos régimes de retraite dans les marchés financiers et dans léconomie en général. Nous avons été nombreux à défendre la mise en uvre dune politique ferme qui guiderait les placements de nos régimes de retraite ailleurs que dans des entreprises ou des gouvernements que nous nappuyons pas, et plutôt vers des projets et des investissements dont nous partageons les objectifs.

Ce travail a déjà porté fruit. Certains régimes de retraite utilisent maintenant différentes formes de sélection sociale
· des techniques qui « éliminent » les actions ou obligations des entreprises dont les activités sont particulièrement nuisibles à lenvironnement, qui fabriquent des armes ou qui exploitent le travail des enfants (pour ne donner que ces quelques exemples).
· Dautres ont consciemment choisi de garder tous leurs placements au Canada, pour soutenir les investissements et les emplois canadiens.
· Dautres encore ont dirigé certaines portions de leurs placements vers des projets qui jouissent dun large soutien et qui combinent dimportants objectifs sociaux à des taux de rendement sûrs et raisonnables (comme des projets de logement à coût abordable).

Bien que ces exemples demeurent une proportion relativement faible du total de lactif des régimes de retraite, ils constituent un premier pas vital vers la démonstration que les placements des régimes de retraite font partie dune catégorie différente du reste de lindustrie financière. En tant que salaire différé des travailleuses et travailleurs, les régimes de retraite devraient combiner un taux de rendement sûr et raisonnable au soutien dun environnement économique plus large qui maintient et améliore les intérêts à long terme des travailleuses et travailleurs eux-mêmes. En outre, il est clair que les régimes de retraite ne doivent pas être utilisés de façon à miner et à affaiblir les perspectives demploi de leurs membres.
Lobligation « fiduciaire »
Toutefois, lindustrie des pensions, bien établie et extrêmement rentable y compris pour la très grande majorité de ses gestionnaires nest pas daccord avec ces considérations. Ses représentants utilisent un argument juridique contre la politique dinvestissement qui défend les intérêts des travailleuses et travailleurs : ils insistent sur « lobligation fiduciaire » des administrateurs des régimes de retraite. Essentiellement, cette obligation est la responsabilité légale spéciale de celles et ceux qui contrôlent les « biens en fiducie » (comme les régimes de retraite) de défendre les intérêts du véritable propriétaire. Bien entendu, les professionnels ultraconservateurs qui, en général, définissent ces « intérêts » les ont habituellement réduits à une notion très étroite voulant que les fonds de placements détenus en fiducie doivent être investis de façon à maximiser le taux de rendement, sans égard aux autres aspects des placements.

Évidemment, dans le mouvement syndical, nous ne croyons pas un seul instant quil soit dans lintérêt des travailleuses et travailleurs de maximiser aveuglément les taux de rendement. Les travailleuses et travailleurs et les membres des régimes de retraite ont un intérêt particulier dans leur propre emploi, dans le niveau global de lemploi et dans le fonctionnement constant dune économie durable et saine. Pour nous, lobligation fiduciaire des administrateurs des régimes de retraite doit tenir compte des ces intérêts plus larges.

Cette obligation élargie pose bien sûr un défi aux administrateurs des régimes. Quels placements saccordent avec ces intérêts plus larges, et lesquels leur nuisent ? Et sur quelle base devons-nous prendre ces décisions ? Il est difficile mais possible de répondre à ces questions. Il devrait être très évident quune décision en matière de placements qui aurait comme répercussion immédiate de faire perdre leurs emplois aux membres du régime ne peut pas être dans lintérêt de ces mêmes membres ni de lensemble du régime. Par exemple, si les fiduciaires du régime de retraite appartenant à des travailleuses et travailleurs de buanderie dun hôpital investissaient dans les actions ou dans les obligations dune entreprise qui veut sous-traiter des services de buanderie dhôpital, on comprendra facilement que lintérêt de ces membres ne serait pas servi. Cela est évident, peu importe le taux de rendement que pourraient produire ces actions. Étant donné quil existe un nombre significatif dentreprises dont lobjectif est de prendre le contrôle de services publics (et, dans les faits, déliminer des emplois ou la sécurité demploi dans le secteur public), les fiduciaires des régimes de retraite doivent être très conscients de ces répercussions plus larges.

De façon plus générale, nous croyons quil est très important de proposer des priorités tout aussi importantes en matière de régime de retraite. On peut clairement soutenir que le maintien dinvestissements extrêmement importants dans léconomie canadienne (à un moment où de nombreux investisseurs qui nont pas de placements dans les régimes de retraite sortent leurs capitaux du pays) répond aux intérêts plus larges des travailleuses et travailleurs. Comme nous lavons mentionné précédemment, on devrait également promouvoir lélimination de linvestissement dans des entreprises dont on sait quelles nuisent à lenvironnement, violent les normes de santé et sécurité et traitent mal leurs propres employées et employés. Au Canada, plusieurs organisations offrent maintenant ce service de présélection à un coût minime. Au sein du secteur non institutionnel des placements, les faits démontrent que lexamen des placements possibles selon ce type de critères naboutit pas nécessairement au sacrifice du taux de rendement. Certains observateurs ont même suggéré que des portefeuilles de placements sélectionnés peuvent offrir un taux de rendement supérieur, ce qui confirme la sagesse économique à long terme de pratiques commerciales qui respectent ces principes syndicaux de base.
Les limites à linvestissement socialement responsable
Faut-il conclure de tout cela que les fiduciaires des régimes de retraite devraient pouvoir investir dans nimporte quoi, peu importe le taux de rendement ? Bien que le débat sur les intérêts plus larges des travailleuses et travailleurs se poursuivra sans doute longtemps, nous pensons que les administrateurs des régimes de retraite ont toujours limportante obligation fiduciaire de réaliser des taux de rendement raisonnables. Autrement dit, lélimination de placements inacceptables au profit des autres qui le sont ne peut se faire que lorsque la solution de rechange offre un taux de rendement raisonnable. Évidemment, personne ne peut prédire le taux de rendement des placements, mais les experts ont à leur disposition des méthodes dévaluation des rapports risque-avantage. Il y a toujours des solutions de rechange.

Ce point de vue est certainement appuyé par la loi provinciale qui régit présentement les placements dans les régimes de retraite. Cette loi, qui diffère légèrement dans chaque province, insiste sur la nécessité dinvestir prudemment et dobtenir des taux de rendement corrects. En Ontario (où la plupart des régimes de retraite du Canada sont agréés), la loi inclut la directive suivante :

Dans létablissement et lapplication des Politiques et buts relatifs à létat des placements, le choix des placements doit être fait en tenant compte du contexte global du portefeuille des placements, sans risque indu de perte ou de baisse de valeur et avec une attente raisonnable dun rendement ou dune appréciation acceptables compte tenu de la nature du placement. (cest nous qui soulignons)
Règlements relatifs à la Loi sur les régimes de retraite de lOntario, article 67(2)

Rien dans les lois canadiennes sur les pensions ne mentionne lobligation de maximiser les rendements. Toutefois, il y a une limite. Un régime de retraite ne peut certainement pas correspondre aux exigences établies ci-dessus si ses fonds sont investis dans des placements dont on sait quils sont très risqués ou quils donneront certainement ou même peut-être des rendements bien inférieurs à ce quil serait possible dobtenir autrement. Par conséquent, lanalyse des placements possibles doit inclure tant lanalyse financière étroite qui a toujours été utilisée que les considérations relatives aux intérêts plus larges des membres du régime en tant que travailleuses et travailleurs.
Conclusion
À lheure actuelle, la très grande majorité des régimes de retraite incluant ceux qui sont contrôlés par des fiduciaires représentant les membres des régimes continuent dêtre investis selon une définition très étroite des intérêts des travailleuses et travailleurs. Toutefois, les choses commencent à changer. À mesure que nous nous rapprochons dun cadre qui englobe les intérêts plus larges des membres des régimes de retraite, nous pouvons nous attendre à des analyses plus fréquentes des autres répercussions que peuvent avoir les placements des régimes de retraite sur les lieux de travail particuliers et sur léconomie en général. Limportance des régimes de retraite comme joueurs dans les marchés financiers a augmenté et, puisque les politiques gouvernementales et dentreprises vont souvent à lencontre des intérêts des travailleuses et travailleurs, le mouvement syndical doit encourager cet examen plus minutieux des placements des régimes de retraite. Enfin, nous devons faire la preuve que lintégration dun ensemble plus large dintérêts des membres du régime à lélaboration dune politique en matière de placements est non seulement permise, mais aussi quelle constitue une composante nécessaire de lobligation fiduciaire.



siepb 491
Nov. 14, 2001
file: Pensions & BenefitsP3PenKitFiduciary Duty french.doc