Message d'avertissement

Attention : cette page est tirée de nos archives. Il se pourrait que notre site Internet contienne des informations plus récentes sur ce sujet. Pour le savoir, utilisez notre moteur de recherche.

Document de référence

Dans une décision marquante, rendue par l’Honorable Juge Gans, le 19 avril 2002, la Cour supérieure de l’Ontario a conclu que le gouvernement provincial n’a pas le pouvoir de privatiser Hydro One. La décision est arrivée tout juste une semaine après que le SCEP et le SCFP se sont présentés devant le tribunal pour dire que le gouvernement agissait de manière illégale en offrant de céder le contrôle de la deuxième plus importante société de transmission d’électricité en Amérique du Nord à des investisseurs privés et étrangers.

Le lendemain, les journaux canadiens traitaient tous de la décision du juge et de la défaite des sociétés de Bay Street qui s’étaient arrangées pour faire des profits à la suite de la plus importante privatisation de l’histoire du Canada. La décision présente aussi le nouveau premier ministre de la province, Ernie Eves, qui venait tout juste d’arriver de Bay Street, avec sa première patate chaude sur le plan politique. M. Eves, qui avait promis que son gouvernement serait plus ouvert et sensible, devra maintenant décider s’il écoutera la population de l’Ontario qui semble être fermement opposée à la privatisation d’Hydro One, ou ses anciens collègues des sociétés de placement de Bay Street.

Pendant les années 1990, le gouvernement Harris avait élaboré des plans détaillés pour introduire la concurrence sur le plan de la consommation et pour diviser Hydro-Ontario en différentes parties. Mais le gouvernement n’a pas souligné ses projets de privatiser Hydro One Inc., qui a repris le réseau de transmission d’Hydro-Ontario ainsi que la distribution directe de l’électricité à plus d’un million de clients résidentiels et commerciaux de l’Ontario.

Au contraire, en 1998, quand la Loi sur la concurrence de l’électricité a été introduite en deuxième lecture, Jim Wilson, le ministre de l’Énergie, de la Science et de la Technologie, a informé l’assemblée législative de l’Ontario que « nous ne parlons pas de privatisation ». M. Wilson a précisé ce point dans une lettre à l’éditeur du Financial Post, en décembre 1998, écrivant « Allô! Y a-t-il quelqu’un qui écoute?…le gouvernement Harris a introduit la Loi sur la concurrence dans le domaine énergétique pour présenter des choix aux clients, fournir les prix les plus bas possibles et des investissements pour l’Ontario – pas pour privatiser le service public ».

Mais en décembre 2001, Mike Harris a annoncé que le gouvernement avait l’intention de vendre Hydro One. M. Harris a souligné que la privatisation serait « beaucoup plus importante » que la privatisation de 2,65 milliards de dollars de CN Rail, la plus importante privatisation a être faite jusqu’à ce jour. Dans un article de journal publié au moment de l’annonce de ce marché, un cadre d’une société de Bay Street qui voulait un morceau du gâteau a été cité comme suit: « Nous sommes tellement excités que nous essayons tous de ne pas pisser dans nos culottes. »

Le 28 mars, les détails de la transaction proposée ont été rendus publics pour la première fois. La Loi sur l’électricité autorise le ministre à « acquérir » et à « détenir » des actions dans Hydro One au nom de la Province de l’Ontario, mais il est étrangement muet sur la question de la vente de ces actions. Le SCEP et le SCFP ont affirmé qu’il faut une autorisation statutaire spécifique avant que le gouvernement puisse vendre Hydro One, dont les actifs sont évalués à quelque 11,1 milliards de dollars et qui, l’an dernier seulement, a enregistré des mouvements de caisse de près de 1 milliard de dollars pour le bénéfice de la population ontarienne.

Après avoir examiné soigneusement les dispositions de la Loi sur l’électricité, la cour a conclu que le parlement n’avait pas l’intention d’adopter un programme de privatisation à cette étape de la réorganisation et de la corporatisation d’Hydro-Ontario. À ce sujet, la cour note que bien que l’un des objectifs de la Loi soit de voir à ce que la dette d’Hydro-Ontario soit remboursée, il n’y a pas de disposition dans la loi pour rembourser la dette à même la vente d’Hydro One. Tout argent provenant de la vente irait au Trésor et pourrait être utilisé par le gouvernement pour quelque raison que ce soit. Par contraste, la Loi prévoit que lorsqu’une municipalité vend des actifs ou des actions d’un service public local qui lui appartient ou qu’elle contrôle, les fonds doivent être remis à une société financière créée pour détenir la dette d’Hydro Ontario. Aucune exigence similaire n’a été imposée au ministre quant à la vente d’Hydro One.

La cour a également noté que les objectifs de la Loi sur l’électricité sont énoncés en détail dans la Loi et la privatisation n’est pas l’un des objectifs. Le tribunal a conclu comme suit :

« J’aurais cru que l’idée de la privatisation aurait été établie clairement et en termes non équivoques dans la partie ‘objectifs’ de la Loi sur l’électricité, comme cela a été le cas pour toute une série de questions sociales et économiques importantes. La privatisation d’un établissement public important qui existe depuis longtemps, comme Hydro-Ontario, n’est pas quelque chose qui aurait dû se produire sans traiter de la question directement. Le fait que cela n’a pas été énoncé comme un objectif avoué est logique si on conclut que la Loi sur l’électricité, en tant que loi exhaustive, ne vise pas à traiter de la privatisation comme telle, encore moins par le biais d’une capacité implicite d’aliéner la propriété personnelle comme une personne naturelle. »

Enfin, la cour a noté que son interprétation de la Loi était appuyée non seulement par les autres dispositions de la Loi mais aussi par les assurances du ministre au moment de l’introduction de la Loi à l’effet que le gouvernement « ne parlait pas de privatisation » et par le Livre blanc, publié avant la Loi et qui ne traitait pas de la privatisation.

La cour a également rejeté les arguments du gouvernement à l’effet que le SCEP et le SCFP n’avaient pas la qualité pour faire la demande, concluant que bien que les syndicats et leurs membres peuvent ne pas avoir un intérêt personnel direct dans la vente d’Hydro One, ils répondaient au test de la qualité de l’intérêt public. En ce sens, la cour a noté que les intérêts des syndicats ouvriers vont au-delà des intérêts économiques immédiats de leurs membres :

« Il est reconnu depuis longtemps que les syndicats ont un intérêt dans les affaires qui transcendent le ‘domaine de la négociation et de l’administration des conventions’. Pour citer [une affaire de la Cour suprême du Canada] ‘les intérêts des syndicats ne s’arrêtent pas à une frontière artificielle quelconque entre l’économie et le politique ». Inhérente à cette proposition se trouve l’idée que les intérêts des syndicats sont extensibles et peuvent inclure plus que le « simple gain économique pour les travailleurs’.