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Les comptes d’épargne-santé sont décrits comme la nouvelle méthode de financement qui sauvera le système d’assurance-maladie. Rien n’est plus éloigné de la vérité. En fait, lorsque l’on examine la logique interne des CES, ces prétentions deviennent des mythes plutôt que des réalités.

Les comptes d’épargne-santé ne sont qu’une nouvelle façon de faire porter aux personnes le fardeau des dépenses en soins de santé. Ce sont les personnes qui devront, individuellement, prendre des décisions importantes sur les services de soins de santé dont ils auront besoin et si les CES ne couvrent pas ces soins, ils devront payer ces soins de leur poche ou souscrire à une assurance.

En permettant aux personnes de décider où elles veulent recevoir les soins dont elles ont besoin, les comptes d’épargne-santé créent les conditions propices à l’ouverture du marché des soins de santé publics aux fournisseurs privés. Ces fournisseurs de soins de santé se présenteront comme la solution du secteur privé dans le nouveau marché concurrentiel des soins de santé. Le système public de soins de santé sera miné.

Ce sont l’industrie de l’assurance et les fournisseurs privés de soins de santé qui bénéficieront le plus de l’instauration des comptes d’épargne-santé. Quants aux Canadiennes et les Canadiens, ils risquent de perdre des soins de santé publics de qualité.



Voici les faits

Qu’est-ce que les comptes d’épargne santé ?

Les gouvernements prendraient des fonds déjà affectés à la santé et les déposeraient dans un CES pour chaque individu. Le montant versé

dans le compte serait déterminé selon une forme de dépense moyenne basée sur l’expérience démographique. Les Canadiennes et Canadiens utiliseraient ensuite l’argent pour payer leurs services de santé, jusqu’à ce leur compte soit épuisé.



Dans la plupart des modèles, la personne devrait assumer tout dépassement du montant alloué à son compte jusqu’à un maximum déterminé à l’avance. On appelle souvent ce modèle un « corridor ». Le gouvernement pourrait ensuite assumer les coûts, ou une partie du CES pourrait servir à se procurer une « assurance-catastrophe » comme protection contre les coûts excessifs des besoins de la personne en matière de soins de santé.

Si une personne n’utilise pas le maximum de son compte, le reste peut être épargné pour de futurs soins de santé ou pour acheter d’autres services, comme un abonnement à un centre sportif ou la participation à un programme pour cesser de fumer ou même, dans certains modèles, des vacances. Tout cela semble parfait, mais un examen attentif de la logique interne des comptes d’épargne-santé nous dévoile une réalité toute autre, une réalité qui déboulonne les mythes.

Mythe No 1: Les comptes d’épargne-santé permettront de réduire le coût des soins de santé.

Même si l’on prétend que les comptes d’épargne-santé réduiront le coût des soins de santé, il est très difficile de comprendre comment.

Les gouvernements continuent d’assumer le coût des services de santé, mais un niveau administratif s’ajoute, ce qui augmente le coût global. Chaque compte individuel doit être contrôlé pour déterminer le montant à accorder et les dépenses effectuées. Tous les aspects des services médicaux, des fournitures médicales aux radiographies, en passant par les examens et les chirurgies, devront avoir un prix. Ce sera aux consommateurs de magasiner pour trouver le meilleur prix du marché pour les services dont ils ont besoin. En outre, les prix des soins de santé seront déréglementés. Les coûts pour les usagers du système dépendront de la concurrence que se livreront les différents services des cliniques et des hôpitaux.

Les comptes d’épargne-santé ne donneront lieu à aucune économie. Michael Mendelsohn, du Caledon Institute, souligne que si le gouvernement verse l’allocation aux individus en plus des coûts de l’assurance-catastrophe et permet à ces individus de dépenser le surplus d’un compte individuel, non seulement n’y aura-t-il aucune économie, mais il y aura sans doute des coûts additionnels.1 Le compte n’y est tout simplement pas.

Non seulement les CES ne réduiront pas le total des dépenses en santé, mais ils contribueront à accentuer la pression sur les revenus des personnes et des familles qui devront payer pour les services de soins de santé. Les CES individuels ne contiendront pas suffisamment d’argent pour couvrir même les besoins les plus routiniers en matière de soins de santé (encore moins si les chirurgies sont incluses), sans parler des besoins plus complexes. Les gens pourraient être acculés à la faillite s’ils n’ont pas d’assurance.

Même si vous êtes assurés, rien ne garantit que votre assurance couvrira tous les coûts. En général, les assureurs n’aiment pas verser d’indemnités car leurs profits diminuent. Les indemnités sont régulièrement refusées dans d’autres domaines de l’assurance (automobile, habitation, feu, vol) ce qui oblige les assurés à s’adresser aux tribunaux pour se faire payer. Plus l’examen des réclamations pour des événements catastrophes en matière de santé sera serré, plus la situation deviendra problématique.

Mythe No 2: Les comptes d’épargne-santé favoriseront la liberté de choix au sein d’un système public.

Les comptes d’épargne-santé n’offriront aucun choix aux patients souffrant de maladies complexes qui exigent consultations et longs traitements, ni à ceux dont les revenus sont insuffisants pour leur permettre de rehausser le niveau de soins couvert par le régime du compte d’épargne-santé.

Les Canadiennes et les Canadiens ont déjà amplement le choix quand vient le temps de choisir un médecin. Il peuvent choisir leur médecin ou en changer, pour des raisons aussi diverses que les simples préférences personnelles ou le niveau de compétence du médecin. Ils ont aussi accès à un large éventail de traitements.

Jusqu’à maintenant, on n’avait jamais demandé aux gens de tenir compte du coût d’un traitement pour décider quels sont les meilleurs soins. Mettre un prix sur les services médicaux tend à limiter le choix plutôt qu’à l’élargir. Les gens commenceront à hésiter avant d’avoir recours à des soins non urgents, de peur de dépenser trop. Les gens souffrant de maladies complexes devront choisir l’aspect de leur maladie qui doit faire l’objet d’une attention plus particulière, de façon à ne pas épuiser d’un coup le crédit de leur compte d’épargne-santé.

Dans une large mesure, les comptes d’épargne-santé ressembleront aux tickets modérateurs, avec les mêmes résultats. Certaines personnes ne dépenseront rien pour des petits problèmes de santé, de peur d’avoir besoin de cet argent plus tard pour d’autres besoins plus importants. Mais en ne traitant pas leurs problèmes au début, ou en évitant de subir des traitements plus mineurs, les gens pourraient s’exposer à des problèmes de santé plus graves à long terme, ce qui coûterait plus cher. Plus les règlements d’assurance seront stricts pour les besoins d’urgence en santé, plus les problèmes grossiront. Les personnes âgées, les pauvres, les femmes et les enfants seront les plus durement touchés.

Mythe No 3: Les comptes d’épargne-santé permettront de préserver le caractère public de notre système de soins de santé

Le véritable but des CES est de « libéraliser l’offre dans le système d’assurance-maladie », c’est-à-dire de privatiser le système.

D’après l’Institut Fraser, ardent défenseur des comptes d’épargne-santé, l’échelle de tarifs centralisée négociée par les gouvernements serait abolie et la prestation de services hospitaliers serait permise à tous les fournisseurs admissibles, qu’il s’agisse de sociétés à but lucratif, d’organismes sans but lucratif ou du secteur public.

Le CES incitera les consommateurs à rechercher, dans un marché très compétitif, le meilleur « rapport qualité-prix » pour les soins dont ils ont besoin. Le prix des services serait déterminé par l’offre et la demande dans un milieu ou les hôpitaux, les médecins et les autres fournisseurs de soins de santé, qu’ils soient du public ou du privé, se feraient concurrence. Les CES deviennent ainsi une source de profit pour les fournisseurs de services – des profits qui viennent des fonds publics. Dans un système public, cet argent sert aux soins directs et il demeure dans le système.

Les établissements privés prospéreront pendant que le système public s’étiolera.

Mythe No 4: Les comptes d’épargne-santé sont un bon point de départ pour une réforme du système de soins de santé du Canada.


Le système de soins de santé du Canada a effectivement besoin d’une réforme. Mais la réforme dont a besoin la population canadienne doit renforcer et étendre le système public de soins de santé – et non menacer la nature publique et universelle de ce système.

Les comptes d’épargne-santé ont été conçus pour augmenter le nombre d’intervenants privés dans le système en utilisant des subventions gouvernementales qui seront distribuées aux personnes.

Le succès de notre système public repose sur la réglementation, par le gouvernement, de la plupart des actes médicaux, ce qui limite la capacité des fournisseurs de faire grimper les prix pour maximiser leurs profits. Les gouvernements ont aussi choisi d’être le « payeur unique » des services offerts aux Canadiennes et Canadiens en vertu de la Loi canadienne sur la santé afin que personne ne soit exclus du système. Les comptes d’épargne-santé changeraient tout cela. Les CES transfèrent aux personnes la responsabilité de l’achat des services. La capacité des gouvernements provinciaux de contrôler le coût de la santé et de prévoir les hauts et les bas de la demande en serait considérablement réduite.

Les conclusions du Forum national sur la santé (1997) et du rapport Fyke en Saskatchewan (2001) démontrent que dans le cadre d’une amélioration de notre système de soins de santé, les gens ont besoin d’un accès amélioré et plus constant à des services comme les soins à domicile et l’assurance-médicaments. Ces études n’ont pas recommandé que les bénéficiaires aient plus de « choix » en matière d’hôpitaux ou de cliniques, en fonction du prix des services offerts.

Les comptes d’épargne-santé n’aident pas à assurer cette expansion du système. En conséquence, les CES seront un nouvel obstacle à l’accessibilité à des soins de qualité, efficaces et abordables pour tous ceux et celles qui en ont besoin – peu importe la valeur monétaire de leur compte d’épargne-santé.

Mythe No 5: Les bénéficiaires du système de soins de santé sont ceux qui profiteront le plus des comptes d’épargne-santé

Faux ! Ce sont l’industrie de l’assurance et les fournisseurs privés de soins de santé qui en profiteront le plus.

Les CES profiteront aux assureurs en raison du besoin accru d’assurance-catastrophe. Presque tous les Canadiens et les Canadiennes devront souscrire à une assurance qui couvrira le coût de soins de santé non couverts par les comptes d’épargne-santé. Les assureurs feront preuve de beaucoup d’enthousiasme et de zèle pour vendre leurs polices, mais le résultat final sera une diminution des soins. Comme dans le cas des HMO aux États-Unis, l’industrie de l’assurance commencera à exercer un contrôle considérable sur les indemnités versées afin de protéger leurs profits. En conséquence, les demandes des assurés seront scrutées à la loupe et les assurances pourraient ne pas couvrir de larges pans de leurs dépenses en soins de santé.

Malik Hasan, médecin et chef de la direction de Foundation Health Systems aux États-Unis est cité dans le New England Journal of Medicine :

« Nous nous enrichirions comme des voleurs mais, comme médecin, je crains sérieusement [que nous] ne fragmentions le consortium d’assureurs …. Nous nous lançons dans les [CES] parce qu’ils sont une mine d’or … cela ne fait aucun doute. C’est un racket, et nous aurons notre part de ce racket. »2

Ce n’est pas une coïncidence si le Comité permanent du Sénat sur les Affaires sociales, la Science et la Technologie, présidé par le sénateur Michael Kirby, et le Conseil consultatif sur la santé de l’Alberta, présidé par l’Honorable Don Mazankowski, soulignent tous deux que les CES sont d’excellentes recommandations en prévision d’une réforme du système de soins de santé. Le sénateur Kirby est membre du conseil d’administration d’Extendicare, l’un des plus importants intervenants dans le secteur des soins de longue durée et des soins à domicile en Amérique du Nord; de plus, il entretient des liens très étroits avec l’industrie de l’assurance. Pour sa part, M. Mazankowski est membre du conseil d’administration de Power Corporation et de ses filiales, Great-West Lifeco, le Groupe Investors, la London Insurance Group et la London Life. Great-West Lifeco est l’un des plus importants fournisseurs canadiens de régimes d’assurance-maladie.3

L’industrie de l’assurance ne sera pas la seule gagnante. Les comptes d’épargne-santé créeront les conditions favorables à l’apparition de nombreux fournisseurs privés de soins de santé. Les CES encouragent les gens à choisir eux-mêmes où ils désirent obtenir les soins de santé dont ils ont besoin. Ils favorisent une situation où il devient acceptable de se procurer des soins de santé auprès de sociétés privées à but lucratif. Si le gouvernement fédéral cède aux demandes répétées de plusieurs gouvernements provinciaux qui veulent permettre la privatisation des soins de santé, les sociétés privées à but lucratif auront un accès illimité au marché canadien des soins de santé, un marché de près de 100 milliards de dollars. Les campagnes de publicité menées par ces sociétés auprès des détenteurs de comptes d’épargne-santé seront féroces et elles feront diminuer le soutien au système public.

Mythe No 6: Les comptes d’épargne-santé aideront à diminuer la demande de services de santé

Les partisans des CES, dont l’Institut Fraser et le Conseil consultatif sur la santé de l’Alberta (Don Mazankowski) soutiennent que les comptes d’épargne-santé feront diminuer la demande en services de santé parce qu’ils feront prendre conscience aux personnes du coût de ces services en les rendant responsables de leurs propres dépenses.

La demande globale ne diminuera pas mais, malheureusement, la baisse sera réelle dans le segment de la population qui n’a pas les ressources pour payer les primes d’assurance élevées et les coûts dépassant le montant maximum de leur compte d’épargne-santé. Et le coût réel sera élevé. Les personnes devront désormais décider s’ils doivent ou non consulter un professionnel de la santé. Et le facteur primordial dans ce choix sera l’argent plutôt que la santé. Cela démontre la nature perverse de la théorie économique appliquée à la politique sociale.

La demande ne diminuera toutefois pas de la part de ceux et celles qui peuvent s’offrir des soins privés. Ces personnes peuvent se le permettre même sans CES. La demande venant de ce groupe augmentera sans doute, parce qu’ils peuvent s’offrir des services, peu importe le coût. Le résultat sera la consolidation d’un système parallèle à but lucratif et l’affaiblissement du système public.

Mythe No 7: Les comptes d’épargne-santé ont réussi à faire diminuer le coût des soins de santé dans d’autres pays

L’expérience internationale en matière de CES montre aussi les lacunes de ce modèle.4 Singapour a instauré un programme de CES appelé Medisave en 1984. Depuis, le coût des soins de santé par habitant a grimpé plus vite et le gouvernement a dû imposer des restrictions sur l’offre, parce que les CES n’avaient pas suffisamment restreint la demande. Le gouvernement de Singapour a dû limiter la technologie, imposer des plafonds de prix aux services, réduire le nombre de lits et resserrer les contrôles sur les médecins,5 et ce malgré la jeunesse et la santé relatives de la population de Singapour et donc l’absence de l’augmentation de la demande due au vieillissement.6

Le gouvernement chinois a entrepris deux projets pilote de CES en 1994 et les a étendus à 50 villes au cours de la même année, puis à toutes les régions urbaines avant 1999. Là encore, cela n’a pas suffit à maîtriser les coûts.7 Le gouvernement a quand même dû limiter les procédures diagnostiques et les médicaments, et contrôler la rémunération des professionnels de la santé.8

Les CES sont utilisés aux États-Unis, mais n’ont pas encore été soumis à une évaluation rigoureuse. Ils existent surtout dans les lieux de travail individuels et pour les travailleuses et travailleurs autonomes, et sont offerts par les compagnies d’assurance.9 Certaines études ont tenté de simuler l’impact des CES sur le système de santé américain. Selon les conclusions préliminaires, il semble que les CES ne réduiront pas les dépenses en santé et ne permettront pas à un plus grand nombre d’Américains d’être assurés.10

Conclusion

Il nous faut donc conclure que les CES ne permettent pas de réduire les coûts comme le suggère le conseil consultatif. Si le modèle de CES est instauré, il ne sera qu’une « expérience idéologique » sans justification pratique. Son adoption au Canada serait, comme le suggère le titre de l’article de M. Shortt, « une mésaventure politique11 qui affaiblira la viabilité du système public de soins de santé.

1.Michael Fitz-James, «Here’s Your Allowance, Dear,» Canadian Healthcare Manager, octobre/novembre 1998.

2.New England Journal of Medicine, 1997 : 336 : 1828.

3. Robert MacDermid, «Mazankowski handsomely paid by Power Coporation and Great-West Lifeco,» Straight Goods, 26 février 2002

4. S.E.D. Shortt, «Borrowing Policy Misadventures from Abroad; Howe Not to Reform Canada’s Health System, Queen’s University Centre for Health Services and Policy Research, document d’orientation 01-01, novembre 2001. Ce document décrit les expériences de CES menées à Singapour, en Chine et aux États-Unis.

5.Ibid. p. 6

6. Ibid, p.7.

8. Ibid.

9. Ibid, p.8.

10. Ibid, p. 9.

11. Ibid.



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