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De plus en plus, on vante les partenariats public-privé (PPP ou 3P) comme la solution aux problèmes de financement dans le secteur de la santé. Les PPP sont relativement nouveaux dans le secteur santé au Canada. Toutefois, ils sont moins nouveaux dans d’autres segments du secteur public canadien et sont assez répandus dans celui des soins de santé au Royaume-Uni. Nous avons beaucoup à apprendre de ces diverses expériences.

En 1999, le SCFP demandait au professeur John Loxley de l’Université du Manitoba de coordonner une série d’études sur les PPP. Le professeur Loxley a été invité à examiner rigoureusement les tenants et aboutissants économiques des partenariats public-privé1. Les résultats sont stupéfiants. Aucun des PPP n’a rempli ses promesses. Les études découvrent plutôt une longue liste de problèmes2  :

  • Les gouvernements ont exagéré les économies possibles, tant en ce qui a trait aux coûts d’immobilisations qu’aux coûts de fonctionnement.
  • Les frais d’emprunt pour le secteur privé sont très supérieurs à ceux du gouvernement.
  • Les gouvernements ont assumé presque tous les risques, permettant ainsi au secteur de n’en accepter que très peu ou aucun, et ce malgré le fait que le secteur privé prétend que l’un des avantages des PPP pour le gouvernement est le transfert des risques au secteur privé.
  • Avec les PPP, la qualité des services ne s’est pas améliorée.
  • Dans le secteur privé, une grande partie de l’information est classée « confidentielle », ce qui réduit l’obligation de rendre des comptes aux contribuables.
  • La probabilité est très élevée que le service ou l’établissement appartienne à des intérêts étrangers. Même si la propriété est nationale au début, elle peut facilement passer à des intérêts étrangers à la suite de ventes ou de fusions3.
  • Si des frais d’utilisation sont exigés, il n’y aura probablement pas de limite au montant de ces frais ni aux profits réalisés par le partenaire du secteur privé. Les autoroutes à péage en sont un exemple probant, et il n’y a aucune raison de croire que le même principe ne s’appliquera pas au secteur de la santé.
  • L’une des raisons majeures pour lesquelles le gouvernement s’engage dans les PPP est qu’il veut rayer la dette de ces projets de ses livres grâce aux contrats de cession-bail. Mais ça ne marche pas. La responsabilité incombe toujours au gouvernement.
  • La responsabilité potentielle des problèmes de rendement du partenaire du secteur privé peut revenir au gouvernement, comme ce fut le cas dans un déversement accidentel survenu à Hamilton Wentworth.
  • Le personnel de niveau supérieur du gouvernement peut être drainé par le partenaire du secteur privé, ce qui diminue la capacité de gestion du gouvernement. Souvent, ces cadres supérieurs faisaient partie du groupe qui avait initialement accordé le contrat au secteur privé. Cette façon de faire soulève d’importants problèmes de reddition de comptes. L’information et le processus décisionnel doivent être transparents.
  • La fragilité d’une entreprise du secteur privé dans un marché volatile peut rendre nulles les garanties d’exécution.
  • Les travailleuses et travailleurs paient souvent un prix élevé lorsque les salaires, les avantages sociaux et les caisses de retraite sont sacrifiés dans une entente de PPP sur laquelle ils n’ont aucun contrôle. La charge de travail augmente souvent radicalement et les travailleuses et travailleurs subissent d’énormes pressions pour assurer les garanties de service.
Et cette liste est loin d’être exhaustive.

Les PPP examinés dans ces études de cas étaient tous des projets d’immobilisations et de services du secteur public. Aucun partenariat de ce type n’a été tenté dans le secteur de la santé, mais il n’y a aucune raison de croire que la situation aurait été différente.

En fait, un projet de PPP a été tenté au Manitoba avec la création d’un système centralisé d’alimentation en hôpital avec la Urban Shared Services Corporation (USSC). Dire que l’aventure a été désastreuse serait presque un euphémisme. L’USSC a dépassé son budget de façon extravagante. Il y a eu d’innombrables plaintes sur la qualité de la nourriture préparée en établissement avec la méthode de « cuisson et refroidissement ». Il y a eu de graves problèmes d’approvisionnement qui empêchaient de répondre aux besoins des établissements. En fait, les deux principaux hôpitaux de Winnipeg ne recevaient pas de nourriture de l’USSC, même s’ils étaient membres partenaires de la nouvelle société.

En fin de compte, un nouveau plan a dû être élaboré (après un changement de gouvernement) et les cuisines ont dû être rénovés dans les principaux hôpitaux pour répondre aux demandes en matière de services alimentaires.

Le système scolaire de Nouvelle-Écosse a fait l’expérience des PPP. Le gouvernement provincial s’est retiré des projets après qu’il fut devenu évident qu’aucune économie ne serait réalisée – en fait, les coûts auraient même pu être plus élevés à long terme. Le ministre des Finances Neil LeBlanc a même dit que « l’ancien gouvernement avait essayé d’avoir recours à la comptabilité pour rayer les coûts des nouvelles écoles de ses livres, mais il n’a pas réussi à tromper les prêteurs, ni les contribuables. Une dette est une dette, et nous devons l’assumer »4.

À l’Île-du-Prince-Édouard, le gouvernement s’est retiré d’un projet d’hôpital en PPP dans le comté Prince Edward après avoir déterminé que le coût en serait plus élevé que s’il en assumait lui-même la construction.

L’expérience internationale en matière de PPP est beaucoup plus large et accablante. Au R.-U., les « Projets de financement privé » (Private Finance Initiatives ou PFI) ont fait l’objet d’une étude approfondie5. Un éditorial du British Medical Journal a traité les PFP de « perfide idiotie financière »6 . Non seulement ils ne sont pas économiques, mais ils ont également un effet négatif sur le nombre de lits disponibles dans la collectivité. Les fiducies créées pour construire de nouveaux établissements n’avaient pas l’argent voulu pour créer des lits en nombre suffisant pour répondre aux besoins de la collectivité en matière de soins de santé.

Allyson Pollock de la London University signale que les PFP se sont accompagnés « de diminutions majeures de la qualité et de l’accès, de listes d’attente croissantes et d’un système à deux vitesses. Ceux qui peuvent se le permettre paient pour leurs soins de santé »7. Elle indique de plus que les hôpitaux PFP ont donné lieu à une réduction de 30 pour cent des lits et de 25 pour cent des budgets consacrés au personnel. La qualité des soins de santé en souffre inévitablement.



Les PPP dans les soins primaires sont aussi minutieusement examinés au R.-U. Une étude menée dernièrement par la société indépendante King’s Fund and the NHS Alliance déconseille les partenariats avec le secteur privé dans les services de soins primaires, à moins d’obtenir des garanties en matière de personnel et de services de santé8.

L’étude émet trois mises en garde contre la participation du secteur privé : 1) Le recours à des institutions privées pour fournir des services auparavant assurés par les hôpitaux du NHS (système national d’assurance-maladie) peut entraîner des coûts supplémentaires et menacer la disponibilité des services de spécialistes. 2) Les fournisseurs du secteur privé n’ont pas les mêmes systèmes de contrôle de la qualité que le NHS. 3) Le recours aux partenariats public-privé peut n’être qu’un simple exercice de réduction des coûts aux dépens des salaires et des conditions de travail du personnel.

Dans une autre étude, le King’s Fund souligne que même si l’on pouvait accepter que les partenariats public-privé fonctionnent, il faudrait une importante réglementation gouvernementale 9 - une réglementation que les gouvernements ne sont pas prêts à assurer et que les entreprises privées ne sont sans doute pas prêtes à accepter. En conséquence, le coût de la réglementation et de son application sera sans doute supérieur à tout avantage concurrentiel auquel peut prétendre le secteur privé.

Presque tous les PPP sont vendus au public en vantant la réduction des coûts qui en résultera. La principale motivation des gouvernements est de pouvoir, d’une façon ou d’une autre, se dégager de leurs responsabilités en matière de dépenses reliées aux services et aux infrastructures en santé. Dans les faits, bien peu de PPP répondent à cette norme et les services de santé en souffrent.

Et, malheureusement, une telle politique ne tient pas compte du facteur le plus important dans les soins de santé, c’est-à-dire le fait que les citoyennes et citoyens ont droit à des soins de santé, peu importe leur condition humaine, sociale ou économique. La politique en matière de santé ne devrait pas être formulée dans l’atmosphère raréfiée d’une théorie économique dont le mantra est que « le secteur privé peut toujours faire mieux ».

Il faut revoir la croyance selon laquelle nous ne pouvons pas nous permettre des soins de santé sans l’apport de capitaux privés et de systèmes privés de prestation des soins à la lumière des faits qui démontrent de plus en plus que les PPP ne sont pas économiques et que la qualité des services qu’ils offrent passe après leurs profits.

Notes



1 Salim J. Loxley, An Analysis of a Public Private Partnership: The Evergreen Park School, Moncton, New Brunswick, SCFP, 30 mars 1999 ; Salim J. Loxley, An Analysis of a Public Private Partnership: The Confederation Bridge, SCFP, 15 mai 1999 ; Salim J. Loxley, An Analysis of a Public Private Partnership: The Hamilton Wentworth Phillips Utilities Management Corporation PPP, SCFP, septembre 1999 ; Shaunna MacKinnon, An Analysis of a Public Private Partnership: Business Transformation Project, Government of Ontario, Ministry of Community and Social Services and Andersen Consulting, SCFP, 6 octobre 1999.

2 Ces problèmes sont communs à la plupart des cas étudiés, même si, selon les circonstances, certains sont plus prononcés que d’autres. Chacune de ces lacunes est une vraie critique tirée des quatre études de cas menées par le professeur Loxley.

3 C’est exactement ce qui s’est passé dans le cas l’usine de traitement des eaux usées de Hamilton Wentworth lorsque Phillips a été vendue à Azurix, une grande multinationale étrangère.

4 Communiqué de presse du ministère de l’Éducation de Nouvelle-Écosse, « Nouveau plan pour la construction d’écoles », 21 juin 2000.

5 Voir Allyson Pollock et al. A Response to the IPPR Commission on Public Private Partnerships, The Catalyst Trust, 26 juin 2001. Le British Medical Journal a aussi beaucoup publié sur le sujet. Voir Gaffney et al. « NHS capital expenditure and private finance initiative », British Medical Journal, 319: 3 juillet 1999 ; Gaffney et al. « PFI in the NHS – is there an economic case? », British Medical Journal, 319, 10 juillet 1999 : Pollock et al. « Planning the ‘new” NHS: downsizing for the 21st century », Britis Medical Journal, 319: 17 juillet 1999; Gaffney et al. « The politics of the private finance initiative and the new NHS » British Medical Journal, 319, 24 juillet 1999.

6 « PFI: perfidious financial idiocy », British Medical Journal, 319: 2-3, 3 juillet 1999.

7 Edmonton Journal, 24 octobre 2001

8 Michael Dixon et Steve Gillam, Public Private Partnerships and Primary Care, King’s Fund and NHS Alliance, octobre 2001.

9 Anthony Harrison, Developing the Public Role in a Mixed Economy, King’s Fund, novembre 2001.